Les chroniques de la lune noire

J’ai une tendresse particulière pour les chroniques de la lune noire puisqu’il s’agit de la première bande dessinée que j’ai achetée. Nous sommes en 1989, j’ai donc 14 ans et c’est en toute logique que je suis attiré par cette bande dessinée. Froideval le scénariste, est rôliste. Il a participé à des revues sur le jeu de rôle et s’inspire de donjons et dragons. Parallèlement à cela, je suis aussi gamer sur les premiers jeux vidéos d’exploration de donjons comme Dungeon Master ou Eye of the beholder qui s’inspirent du même univers.

Les chroniques de la lune noire, un monument de la fantasy …

Les chroniques de la lune noire racontent l’ascension de Wismerhill, un jeune homme qui démarre au « bas de l’échelle ». Le personnage de simple voleur de poules va monter en puissance de façon considérable sur vingtaine de tomes que compte l’album. Il deviendra l’égal d’un demi Dieu. Dès le début, on comprend qu’il a une destinée à part et qu’il intéresse les différentes factions en place. Les alliances se font, les trahisons, qui vont donner de magnifiques scènes de batailles.

À cette époque, 1989, on peut dire que les chroniques de la lune noire ont fait rentrer la fantasy dans l’ère moderne qu’on connaît aujourd’hui. Sexualité, violence, dessin sur deux planches qui sort des cases, c’est la bande dessinée qui fait connaître Ledroit. Il sera reconnu comme l’un des dessinateurs les plus talentueux de sa génération. On notera sa collaboration à la célèbre franchise de jeux vidéos Heroes of Might of Magic dont il réalise les personnages.

… qui a trop duré

La bande dessinée pourtant, avec du recul, est mauvaise. En effet, le passif de roliste de Froideval fait que la bande dessinée ne possède pas vraiment d’histoire. On assiste à des scènes de bataille, à l’augmentation des pouvoirs de Wismerhill sans savoir où l’on va. Certains passages sont totalement inutiles.

Ensuite, Ledroit finit par quitter la série au profit de Pontet, qui a moins de talent, surtout sur les premiers tomes. Pontet finira par quitter la série à son tour, alors qu’il avait trouvé son style. L’histoire, si on peut parler d’histoire, ne finit pas de se dégrader. Je pense que Froideval s’accroche à cette aventure, car alors qu’il avait les bases pour être un scénariste prolifique, il n’a pas réussi à sortir des mêmes schémas apocalyptiques. Il s’attache d’autant plus à cette histoire que 3 millions d’albums ont été vendus à travers le monde. Une bonne petite rente.

Arcanes de la lune noire, Methraton

Comme on a pu le voir, les chroniques de la lune noire sont un véritable succès populaire. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, d’autres volumes autour de la série ont été réalisés. On notera par exemple un tome 0 qui raconte les origines de Wismerhill. En effet, cela fait partie des interrogations qui reviennent de façon récurrente dans la bande dessinée. Sans surprise mais totalement cohérent avec la série originale. On apprendra par exemple que la destruction de la planète était simplement à l’origine d’un pari entre deux démons, dont le père de Wismerhill.

Les arcanes de la lune noire

Les arcanes de la lune noire permettent de revenir sur l’histoire de certains personnages phares de l’histoire. Quatre albums sont sortis jusqu’à maintenant, on retrouvera par exemple Pile-ou-face le compagnon des débuts de Wismerhill ou l’énigmatique chevalier Greldinard toujours présent aux côtés de la lune noire. Froideval rend presque indispensable l’achat de cette série pour comprendre certaines parties des chroniques. Par exemple, dans un des épisodes, Wismerhill va faire des cadeaux à ses amis qui l’accompagnent depuis le début de l’aventure. Il va revenir avec deux jumelles pour Ghorghor Bey. Sans lecture du premier album des arcanes, impossible de comprendre leur origine. Ghorghor Bey du fait de son physique va se retrouver à travailler dans un cirque, il tombera amoureux de sœurs siamoises.

J’ai envie de dire que pour tout fan de la série, les arcanes font partie d’un supplément à posséder.

Methraton

Dans les chroniques, Wismerhill va rencontrer de nombreux personnages, parmi eux Methraton. Une série de trois tomes a été réalisée autour de ce personnage qui malgré les apparences n’est pas un Dieu, mais le mage ultime. L’histoire se déroule du côté de l’Égypte ou en tout cas un univers qui s’en rapproche. Il est à noter que ce n’est pas la première fois que Froideval fait le coup des pyramides, c’était le cas avec Atlantis.

Sans être insistant, je suis encore dans l’obligation de dire que Froideval ne brille pas par son originalité. Montée en puissance du personnage central, rites initiatiques, mysticisme, et des planches démesurées. Alors que le lien entre les arcanes et les chroniques est évident, ici la lecture de Methraton est largement plus dispensable sauf pour les fans absolus de l’univers dont on s’éloigne ici.

En conclusion

Les chroniques de la lune noire restent une bande dessinée à lire par curiosité, pour la culture. J’ai presque envie de dire comme Tintin, elle est le reflet d’une époque. Elle se regarde d’ailleurs plus qu’elle ne se lit, peu de texte, pas grand-chose à comprendre. Il est étonnant de se dire que cette bande dessinée, à l’époque qui a révolutionné le genre, sonne aujourd’hui comme franchement ringard.

En effet, c’est un peu à la manière des films de Stallone ou de Schwarzenegger, un autre temps. Aujourd’hui, même si la fantasy propose des grandes scènes de batailles, des dessins souvent démesurés, elle est aujourd’hui plus que cela. On s’attache davantage à l’intrigue, aux personnages, à la psychologie des individus et c’est tant mieux. C’est certainement une des raisons pour lesquelles la bande dessinée c’est mieux maintenant, moins basique, plus intelligent, plus réfléchi.