La bande dessinée reste pour ma part un art majeur, loin des codes du cinéma américain pour ne citer que lui. La bd a cette capacité à inventer, à innover, à marquer les esprits. Le décalogue fait partie typiquement de ces ouvrages qui marquent. Malheureusement, je vais devoir spoiler le long de l’article. En effet, la particularité du décalogue est de remonter dans le temps. Le dernier tome, la dernière sourate, correspond en fait au début de l’histoire du livre Nahik.

Le décalogue, la bande dessinée à l’envers

Le décalogue c’est principalement l’histoire d’un ouvrage unique, le Nahik. Un livre rare, recherché, mais aussi un livre maudit. Chaque tome nous en apprend un petit peu plus sur le livre, sa réalisation, pourquoi il n’en existe qu’un seul tome. Le premier épisode du décalogue commence avec un écrivain qui travaille dans une maison d’édition. Une vieille dame lui propose un ouvrage qu’il finit par lire. Il y découvre une histoire extraordinaire qui va faire de lui un auteur à succès. Peu d’information dans ce premier tome, si ce n’est peut-être la malédiction.

C’est le second tome qui est plus parlant, on comprend que le Nahik livre un message blasphématoire pour l’islam. Et puis au fur et à mesure, on va commencer à remonter le temps. Qui est ce Alan D, auteur de l’ouvrage qui n’en a produit qu’un seul. Pourquoi il ne reste qu’un seul exemplaire. À travers des histoires aussi singulières qu’un homme rentré dans les ordres pour échapper à son amour pour une femme ou un échange d’enfants à la naissance, le Nahik est lien entre tous les différents personnages.

C’est ici d’ailleurs qu’est la force de l’ouvrage sur dix tomes, un onzième complémentaire comme les maîtres de l’orge. L’ensemble des premiers récits n’ont aucun rapport avec le livre qui n’est qu’un accessoire. On en découvre un petit peu plus, à chaque tome, c’est la montée en puissance.

C’est finalement quoi le Nahik ?

C’est un passage que je vous conseille de sauter puisque je raconte l’histoire pour ceux qui n’auraient ni le temps, ni l’envie de lire les plus de 500 pages de bande dessinée que représente le décalogue. Le Nahik est une histoire romancée aux illustrations magnifiques dans laquelle figure une épaule de chameau. Objet particulièrement singulier sur laquelle Mahomet aurait écrit la dernière sourate. Une sourate pardonnant à l’ennemi, une sourate particulièrement différente de ce qu’on peut lire dans le Coran. On comprend dès lors que dans le tome deux on y voit un message blasphématoire.

On assistera donc dans cette remontée aux origines, à la création de l’ouvrage, le Nahik, jusqu’à l’époque du prophète et de l’écriture du texte sur cette fameuse épaule. L’ensemble est particulièrement cohérent, très bien pensé. Comme précisé plus haut, Giroud décédé en 2018 réussit une véritable performance. Il distille dans de petites histoires sa grande histoire dans des contextes totalement différents que l’époque moderne ou Napoléonienne. On ne s’étonnera pas de savoir que le Décalogue a été vendu à plus d’un million d’exemplaires.

Les Fleury-Nadal, la famille à l’origine du Nahik

Dans l’aventure du décalogue, on va se rendre compte que de nombreux événements gravitent autour de la famille des Fleury-Nadal. Eugène Nadal est celui qui trouve l’omoplate et c’est lui qui va raconter son histoire à son frère Hector, qui sera l’auteur du Nahik. Giroud revient sur cette famille et va raconter des événements supplémentaires. Le premier tome est à l’image de la série, avec Ninon, la sœur d’Hector et d’Eugène. On va réaliser qu’Hector est secrètement amoureuse de sa sœur qui voue une fascination pour l’ainé Eugène, le militaire. Cet amour interdit met en lumière le comportement d’Hector quand il récupère son frère blessé dans le décalogue. La série est décomposée de plusieurs épisodes qui reviennent chacun sur plusieurs personnages de la série. On retrouve cette fois un écrit chronologique à l’envers cette fois du décalogue. On s’attardera largement sur le génocide arménien.

Fleury-Nadal reste un bonus pour qui voudra se replonger dans l’univers de la série. Pas indispensable à la compréhension, il apporte peut-être un autre éclairage. La narration est agréable, mais nécessairement moins prenante puisque nous connaissons déjà le destin des personnages qui nous sont présentés.

Le légataire, la suite du décalogue

Les deux premiers épisodes du décalogue, comme je l’ai écrit plus haut, présentent deux personnages. Le premier est l’écrivain qui fait une transcription du Nahik et devient célèbre. Le second c’est un jeune homme fanatisé qui tue l’auteur d’une thèse sur l’omoplate. C’est quelques années plus tard qu’on retrouve celui-ci et la compagne de l’écrivain décédé. Elle, cherche à comprendre pourquoi son compagnon s’est suicidé, lui cherche à savoir si l’omoplate a bien existé.

Beaucoup plus difficile pour moi de rentrer dans le légataire. La bande dessinée se transforme en poursuite façon blues brothers, où le Vatican, les frères musulmans, sont à la recherche de l’omoplate qui pourrait bouleverser l’équilibre mondial. Entre temps présent et passé, le récit est plus laborieux, moins passionnant.

On comprend toutefois qu’avec le décalogue, Giroud avait trouvé la poule aux œufs d’or et qu’il a cherché, comme le font de nombreux scénaristes, à explorer toutes les pistes pour produire de nouveaux albums. Le décalogue est une œuvre majeure qui se suffit à elle-même, le reste est à réserver aux inconditionnels.