La saga est typiquement le genre ringardisé à la télévision. J’ai mis Dallas en image d’accroche qui illustre parfaitement les trahisons familiales, l’argent, l’amour. À la télévision pendant longtemps, nous avions chaque année la saga de l’été. Et il se trouve que pour quelques-unes d’entre elles, la source d’inspiration, c’est la bande dessinée. Ils sont plusieurs à s’être prêtés à l’exercice, comme Jean VanHamme, l’auteur de XIII et de Thorgal. Sa bande dessinée les maîtres de l’orge, qu’on verra plus bas, a été adaptée pour la télévision par France 2.

Il faut dire que les auteurs en bande dessinée vont plus loin qu’une saga comme les Ewing et puisent dans l’histoire sur plusieurs générations. Un luxe comme souvent que seule la bande dessinée peut s’offrir, passer des costumes d’époques à nos jours pour pas un centime de plus. 🙂

La banque

La banque est une bande dessinée qui s’étale de 1815 au début de la guerre de 14-18. À l’heure actuelle, la série se composée de six tomes, elle est notée finie sur le site bdgest. Pourtant, il manque un bon siècle à la série qui d’après le site de Dargaud devait s’arrêter en 2008. L’histoire commence en 1815 en Angleterre avec un frère et une sœur d’origine française. Il s’agit de nobles déchus de leurs bien suite à la révolution française et qui ont fui le pays. Elle se prostitue, lui s’occupe des pigeons voyageurs de Rothschild. Et qui dit Rothschild, dit spéculation, et c’est sur la victoire de Napoléon qu’on spécule. Le frère et la sœur voient qu’en jouant en bourse, ils peuvent gagner des fortunes. Le frère a forcément les bons tuyaux, la sœur pourrait avoir l’argent en le volant à un client.

Suite à une partie de l’histoire que je peux difficilement vous spoiler, le frère et la sœur vont se retrouver séparés sur le territoire français. Un acte irréparable fait qu’ils vont se vouer une haine terrible. C’est ici que commence la saga, les deux branches d’une même famille qui s’affronte dans la finance.

Une période peu « utilisée » de l’histoire, parfaitement maîtrisée

On va donc suivre dans une période de l’histoire qu’on ne voit pas souvent, la commune par exemple, ou la construction de Paris par le baron Haussmann la guerre familiale. Guerre qui va se prolonger sur les générations suivantes.

La banque est un ouvrage parfaitement maîtrisé par les auteurs de Dantès. Il était déjà question de montages financiers et de banques. La partie économique est ainsi crédible et s’intègre parfaitement dans un contexte historique parfaitement documenté. En effet, à chaque fin d’album, on trouvera une synthèse sur le contexte historique de l’époque. Les personnages qu’on voit vieillir sont marquants, parfaitement travaillés et les auteurs réussissent à nous faire vivre la grande histoire à travers une petite histoire.

Une bande dessinée que j’ai lue avec beaucoup de plaisir, on espère une suite, sans grand espoir.

La lignée

L’histoire commence en 1937 avec Antonin qui enterre sa mère. Un homme s’approche de lui, son oncle, il ne le connait pas. Et pour cause, ce dernier était interné dans un asile psychiatrique depuis des années. Il lui donne un livre écrit par ses ancêtres et lui explique la malédiction de sa famille. L’ainé de la famille meurt à 33 ans. Et c’est effectivement le cas, Antonin réalise que tous ceux qui ont participé à ce carnet sont morts à 33 ans. Antonin n’est pas heureux en ménage et vit une histoire passionnée avec une jeune femme espagnole qui veut prendre les armes. En 1937, c’est effectivement la guerre d’Espagne. À force de lire le carnet de ses aïeux, il part la rejoindre. Il se dit en effet que s’il doit mourir à 33 ans, autant le faire avec panache.

On n’ira pas plus loin dans l’histoire, mais on comprendra que sur quatre tomes, l’obsession de la mort à 33 ans sera le fil rouge de cette Saga. Marius le fils d’Antonin qui, avant d’entrer dans la prêtrise, aura un enfant, Maxime. Marius qui forcément dans l’âge de 33 ans voit l’âge du Christ et une mission divine. Ce sera dans un conflit ouvrier dans le port de Brest qu’on le retrouvera. Maxime a contrario, partira dans les années 70 à la recherche des Ramones, dans un album sex, alcool, drogue et rock and roll. Enfin, Diane et David, les derniers intervenants de la Saga, sont jumeaux. David est obsédé par sa mort.

Nous sommes moins dans la saga conventionnelle traditionnelle avec des gens qui se détestent. La lignée rentre toutefois dans le cadre. De l’amour, de la haine familiale envers ses hommes partis à 33 ans, la volonté de déjouer le destin. Une bonne série.

Le sang des Porphyre

À la fin du XVIII° siècle, dans un village de Bretagne, une famille a fait régner la terreur, les Porphyre. Des naufrageurs qui faisaient échouer les bateaux pour tuer et dépouiller les victimes. Le père, Hyacinthe, est pendu ainsi que ses fils ainés par les autorités. Il aurait laissé derrière lui une fortune gigantesque. De la famille Porphyre ne reste que la mère et le fils Gwemon. Les événements se précipitent lorsqu’une femme apparaît à la recherche d’un collier rouge trouvé par Soizik, une jeune femme du village, dans un bateau naufragé. Et c’est au même moment que Konan revient du bagne. Il s’agit du fils Porphyre, trop jeune pour être pendu à l’époque.

Le sang des Porphyre est une réussite tant au niveau du dessin comme l’illustre la couverture du premier tome avec une couleur audacieuse qu’au niveau de l’histoire. Les rebondissements sont tirés par les cheveux, dans les événements et l’origine des personnages. On est pleinement dans l’esprit saga.

La série s’achève en six tomes, avec quelque part deux cycles, quatre plus deux. En effet, toute la première partie se déroule dans le petit village de Bretagne. Pour la seconde, on retrouve nos quatre protagonistes en train de monter un coup. À l’aide du fameux collier rouge cité plus haut, Soizik et sa « famille » vont faire croire qu’elle est la petite fille d’un noble. Comme cette dernière a grandi dans une île, le grand-père ne l’a jamais vu. Est-ce que la supercherie va fonctionner ?

Les maîtres de l’orge : LA SAGA !

Les maîtres de l’orge représentent certainement dans la bande dessinée franco-belge la saga de référence. L’histoire sur huit tomes va du début des années 1800 jusqu’aux années 2000 environ. Deux cents ans de trahison, de passion dans une famille qui fabrique de la bière. L’histoire commence avec Charles Steenfort futur prêtre, fils de brasseur. Ce dernier entre dans les ordres pour ne pas crever de faim, il finit par s’en faire chasser, car il tombe amoureux d’une jeune fille, Adrienne. À la rue, il revient sur ses terres pour devenir brasseur comme l’était son père. Charles est ambitieux, et ne va pas hésiter à abandonner Adrienne pour devenir le patron de Dorp, la brasserie locale. Il s’agit ici du premier schisme, Adrienne est enceinte, Charles a donc un héritier qu’il ne verra pas grandir. On se doute que ce dernier reviendra hanter son père.

Comme on peut l’imaginer, les Steenfort vont traverser deux guerres, avec autant de drames propices à ces époques. On est vraiment dans le Dallas au pays de la bière. La bière est au cœur de l’histoire et la bande dessinée ne se limite pas seulement aux histoires de familles, mais aussi à l’évolution de la bière dans le pays. Changement de goût, techniques, bouteilles en bière, disparition des brasseries artisanales. Mais aussi évolution des conditions de travail, le syndicalisme. La part d’histoire est loin d’être négligée, au contraire.

Un incontournable de la bande dessinée franco-belge qui je trouve vieillit bien, comme du bon vin 🙂

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