Humeur : des objets qui en disent long

J’écoute deux podcasts en ce moment. Vivons heureux avant la fin du monde, avec entre autres un épisode sur la prolongation de la vie des objets : C’est mieux quand ça dure : prendre soin des objets. Encore heureux, un podcast sur la santé mentale. Il y a ici quelques révélations à partager.

Le temps, c’est de l’argent, mais c’est surtout une attention

Après avoir été écœuré par la réparation informatique, j’y reviens de plus en plus. Nous sommes dans une société qui va mal, et j’ai la conviction qu’en se mettant au service des autres, c’est une partie de la solution de l’équation. Ce que j’entends, c’est que tout ne se réparera pas en venant d’en haut. Nos sociétés sont malades et il devient urgent de reconstituer le village.

J’ai dépanné dernièrement une collègue qui m’a présenté un ordinateur extrêmement lent. Elle n’arrivait plus à ouvrir ses fichiers textes avec LibreOffice qui s’ouvraient avec WordPad. En allumant l’ordinateur, voir Chromium et comprendre que la machine était contaminée. Un coup de MalwareBytes, que j’utilise par habitude et ça va mieux. Une réinstallation de LibreOffice et cela reste encore trop lent. J’ai proposé un SSD, 25€, mon temps est offert. Mon précieux temps.

Dans un des épisodes d’encore heureux, il y avait un épisode sur la dépression. On évoquait les thérapies, mais aussi les discours inutiles. Une des intervenantes expliquait que lorsque vous avez quelqu’un au fond du seau, lui faire sa lessive ou sa vaisselle, c’est salvateur. Je rejoins totalement ce point de vue. On croit à tort qu’on peut tout compenser par des discours, parfois des gestes simples suffisent. J’essaie dans la mesure du possible de donner de mon temps, de mon savoir, de mes privilèges.

Le SSD toujours roi du monde

La procédure de transfert que j’ai décrite ici reste valable. Par contre, la version gratuite, free, du logiciel a disparu, elle est remplacée par une trial. En même temps l’opération se fait une fois et on désinstalle. La collègue avait oublié de me donner le mot de passe si bien que j’ai hacké le PC avec une clé USB de Xubuntu. Il s’agit de changer l’utilman en cmd et de pouvoir lancer une commande sans être connecté. La méthode serait encore valable sous 11, un exemple ici.

Le PC se démontait assez facilement, disons que j’en ai connu des plus difficiles. En effet, toutes les vis étaient sous le PC, par contre, il y en avait deux sous les caoutchoucs antidérapants. Soit, on a l’expérience, soit on peut trouver les très nombreuses vidéos sur YouTube. J’en ai profité pour décrasser le ventilateur et rajouter une barrette de RAM de 4 Go qui traînait chez moi.

La machine, sans être un foudre de guerre, est repartie pour un tour. Une opération pas bien difficile, quand on sait faire, quand on veut faire.

Entre syndrome de l’imposteur, mercantilisme et éducation

Dans son podcast sur la durée de vie des objets, Delphine Saltel a interrogé son père. Si bien sûr, elle pointe du doigt la société qui invite à tout jeter, elle se demande comment on en est arrivé là. En effet, ses grand-parents conservaient tout, elle se rappelait son enfance avec la même table en formica, les mêmes assiettes jaunes, etc. L’explication qui consisterait à dire que le marketing est très fort, n’est pas suffisante. Son père lui explique qu’avec l’ère de la modernité, les gens ont voulu que leurs enfants aient des conditions plus simples, moins dures que les leurs. Ainsi, elle racontait qu’il n’y avait plus la passation de certains savoirs, les parents préférant pousser leurs enfants dans le modernisme.

On peut se dire qu’ils auraient dû privilégier les savoir ancestraux, la culture, reconnaître des plantes ou le bricolage. Effectivement, quand on voit l’article qui tourne dans la sphère des profs « Ils ne savent même pas faire un copier-coller » : les professeurs tirent la sonnette d’alarme sur les nouvelles générations, on se rend compte que les jeunes n’ont pas développé de nouvelles compétences.

Si on fait abstraction de nos enfants, qui pour une partie préfère s’abrutir que de développer des talents, ce n’est pas le cas pour tous. Une autre tranche de la population n’ose pas, car on lui a expliqué qu’il fallait un spécialiste. C’est ici qu’on arrive au podcast sur les troubles mentaux.

La société de la performance

Dans les thématiques récurrentes du podcast encore heureux, on revient régulièrement sur la notion de performance. Il faut être un super ami, mari, papa, super compétitif dans tous les domaines de la vie. Dans un épisode sur la relation à la nourriture, on évoquait l’orthorexie, la volonté de contrôler totalement son alimentation. On explique que certaines personnes qui ne sont pas diabétiques se font mettre des pastilles pour contrôler leur glycémie. De cette manière, ils peuvent prévenir les pics et accessoirement priver les diabétiques d’un accès aux soins indispensables en créant des pénuries.

Il faut être parfait en tout et c’est ici le paradoxe, on vous explique que vous êtes nul. Si vous prenez le système éducatif, il y a toujours une nouvelle méthode qui va sauver le monde. Vos inspecteurs, des formateurs, sont là pour vous le rappeler. Le numérique par exemple, il faut être au sommet, actuellement, nous sommes dans la hype de l’I.A. Quand parmi nos modèles, la Suède, reconnaît que la baisse de niveau est liée aux écrans, on a de quoi s’interroger sur ce fonctionnement. Pas de stratégie, pas de recul, la dernière mode avant tout.

Le fait de nous faire croire que nous sommes médiocres, c’est pour nous forcer à travailler davantage. En vivant dans cette culpabilité permanente, on espère augmenter la production. Il y a toutefois une confusion entre brasser de l’air et être efficace. Ce n’est pas parce que vous passez 12 heures de travail par jour à casser un rocher avec une pioche que le gars qui le casse en cinq minutes avec un marteau-piqueur est un fainéant. Le présentéisme est une maladie à la Française. La qualité du travail n’est pas nécessairement proportionnelle au temps consacré.

Vous avez besoin d’un coach !

Nous avons compris que nous étions nuls et qu’il était nécessaire de se former. Il est donc nécessaire de faire appel à un expert. Et c’est ici un autre paradoxe. On vous vend des formations sur la confiance, sur le bien-être, du yoga, car cette même société a brisé votre estime de soi. À force d’attendre des performances, de vous réclamer des formations, il devient évident que vous commencez à douter de vous. J’ai plus de vingt ans de métier, un métier que je pense bien connaître, le bruit ambiant c’est FORMATIONS, NOUVEAUTÉS !!! On en vient donc à penser que sa pédagogie est poussiéreuse et qu’il faudrait tout changer. Et si ça marche pourtant ? Non, ça ne peut pas marcher, parce que cela vous maintiendrait dans une espèce de confort. Et c’est ici une erreur.

Le mythe de l’enseignant qui ne touche jamais ses cours est vrai, j’en ai rencontré. Mais c’est une minorité. En fait, quelqu’un qui a du temps de libre est plus stable, et sera tenté pour casser sa routine d’essayer des nouveautés. Comment construire quelque chose de long et de durable si on n’a pas de recul ? Impossible. On comprend donc pourquoi on peine à recruter des enseignants et pourquoi sont nombreux les salariés en rentrer dans la démission silencieuse.

En pensant pousser à la productivité, on se contente de décourager et de casser l’estime de soi. Autant ne rien faire puisqu’on est nul. Mais rassurez-vous, vous avez des « coachs » pour tout faire ou des gens qui seront capables de faire à votre place.

La peur de ne pas savoir faire

Essayons un peu de faire le point. La réparation des objets ne se fait plus pour plusieurs raisons :

  • Il est plus cher de faire réparer par un spécialiste que d’acheter un neuf. Travers de la société de consommation et de la mauvaise qualité des objets.
  • Les savoirs se perdent, si bien qu’on n’a pas eu quelqu’un pour nous montrer comment réparer.
  • On nous a tellement fait comprendre que nous étions des incapables qu’on pense que des opérations simples doivent être menées par un spécialiste.

Si on réfléchit bien, le changement de SSD est une opération simple, qui peut être réalisée par n’importe qui. J’ai eu la chance de démarrer l’informatique il y a plus de 30 ans et d’avoir quelqu’un qui m’a montré, qui osait. Pour le bricolage, c’est un peu pareil. J’ai déjà passé le témoin à des gens de mon entourage qui sont désormais autonomes. Je suis en quelque sorte le fameux coach, le fameux expert sauf que moi, je suis gratuit. Une fois qu’on accompagne les gens, qu’on montre, qu’ils franchissent cette barrière de la peur, on ouvre d’autres portes.

Il y a des choses pour lesquelles je n’ose pas, car je ne m’estime pas compétent et pour lesquelles il y a trop d’enjeux. Pour les autres, je me lance.

Aime ton prochain comme toi-même.

Pour aller vers une société qui va mieux, il faudrait retrouver l’esprit du village. Je n’attends pas d’argent, je n’attends rien. En fait, j’attends peut-être juste une chose. Que chacun réfléchisse à ses privilèges, ses capacités, ce qu’il peut offrir à l’autre et qu’il le fasse. En introduction, j’écrivais que parfois aller faire la vaisselle ou faire un repas à quelqu’un, c’est beaucoup. Comprenez qu’il n’est pas nécessaire d’être expert en informatique pour aider les autres.

L’objet ici n’est qu’un prétexte, mais il en dit beaucoup. Le faire durer, c’est bien pour la planète, pour le portefeuille, mais c’est aussi entrer en résistance. Une résistance à un monde qui vous ferait croire que rien ne dure, qu’il faut tout remplacer. Un monde dans lequel on n’est pas capable d’arranger les choses, qu’on est capable de rien ou presque. Enfin, un monde dans lequel la solidarité serait totalement morte.

10 Comments

  1. Tu dis que changer un disque c’est facile mais cette semaine j’ai du changer un pile de Bios sur un portable Dell et je dois dire qu’il a fallu faire des recherches pour trouver comment faire sans avoir besoin de démonter toute la machine, je me demande si les constructeurs ont pensé qu’il faudrait peut-être la changer un jour.
    Partager son savoir, ses connaissances et son temps libre, cela met de bonne humeur cela donne confiance en soi.
    A pluche.

  2. Je suis d’accord avec toi, Cyrille! Au fablab de ma ville, je partage mes 20 ans d’expérience en dépannage informatique. Je transmets mes connaissances pour aider les gens à nettoyer leur système d’exploitation Windows 11 et initier ceux qui le souhaitent aux logiciels libres. J’ai eu la chance d’œuvrer pendant 7 ans dans une école alternative, et depuis depuis 10 ans dans un fablab. Là, j’ai rencontré des jeunes hors du commun avec qui j’ai pu partager mes connaissances en dépannage informatique. Ils sont rares, mais précieux, car ils incarnent l’avenir. Je recommande à tous, enfants, adolescents, jeunes ou personnes âgées, de cultiver le désir d’apprendre, la curiosité et le partage. Ensuite, comme toi, j’aide régulièrement mes amis et mes voisins lorsqu’ils en ont besoin, tant que les échanges se déroulent dans le respect mutuel.

  3. Le problème sont les gens qui abusent de ta générosité. Ces personnes sont une véritable plaie. Non, seulement ils estiment normal que tu leur rendes service à n’importe quelle heure mais le pire c’est quand tu leur demandes une petite rémunération ils se braquent. D’autant que ces mêmes personnes ne sont pas les plus à plaindre financièrement. Donc pour moi la générosité, c’est fini.

    Par contre, quand tu as besoin d’eux, ils ne sont plus là, ils sont « occupés ». Donc je comprends tout à fait les personnes qui exigent d’être payé, ça ne me choque pas (même si ça me rend triste) mais à qui la faute ???

    1. Je partage ton point de vue, Augustus. À 37 ans, j’ai l’âge « hybride » ni jeune ni vieux, ce qui m’a permis d’accumuler de l’expérience sur la nature humaine et les relations interpersonnelles. Il est crucial de préserver son enthousiasme et sa spontanéité, qui correspondent à la définition de la libido en psychologie, qui consiste à cultiver son énergie vitale. Toutefois, cette énergie doit être cultivée en équilibre. Pour soi, mais aussi pour être réellement disponible aux autres. C’est ce que je voulais dire dans ma dernière phrase : je ne rends service que si les échanges sont mutuellement respectueux. Aider et être exploité sont deux choses distinctes. Toutefois, pour être pleinement conscient de cela, il est important de ne pas tomber dans le piège du complexe du sauveur. Cyrille a déjà abordé ce sujet dans ses articles précédents. Prenez soin de vous, les amis ! Merci à Cyrille de nous faire partager ses réflexions profondes.

      1. Alors pour répondre à ton commentaire (ou à peu près ^^), je dirais que ce sont les personnes qui te demandent le moins qui te récompenses le plus. Je l’ai vécu plusieurs fois et franchement, ça fait plaisir. Le pire, ce sont bien souvent des personnes qui ont peu de moyens.

        Hélas, beaucoup d’autres se comportent comme je l’ai décris plus haut.

        Pour terminer, j’ai perdu l’envie d’aider les autres, c’est triste mais c’est ainsi. J’ai 50 ans pour ma part et j’ai décidé de préserver ma santé mentale.

        Big up !

        1. On va pas tomber dans le pathos, mais lors du décès de mon fils, j’ai eu certains comportements de gens assez inattendus. Au boulot par exemple et chez les profs on sait que c’est compliqué, tous mes cours ont été remplacés, ça se battait au portillon. On a des gens qui nous ont préparé des repas, et pas mal d’attention de ce genre. Je pense que c’est un peu comme tout, il y a certainement du tri à faire dans les gens, mais vivre en reclus, je ne pense pas que ce soit la solution.

          1. Oui, c’est vrai que ces dernières années, j’ai eu tendance à me replier sur moi-même. En même temps, quand certains abusent de ta générosité, ça n’aide pas trop pour l’estime de soi. Voila, c’était la minute psychanalyse…

            Sinon tant mieux si tes collègues t’ont soutenu et aidé, c’est le plus important, cela prouve qu’il y a encore des gens biens. 🙂

          2. Il faut aussi dire qu’on a certainement nous-même déçu pas mal de gens si bien qu’il faut apprendre à pardonner. L’idée c’est de poser des limites.

  4. Je suis entièrement d’accord avec Cyrille sur les limites et les autres aspects. Il est facile de se concentrer sur le négatif, mais le véritable sens du mot gratitude est de reconnaître chaque jour les moments où des gens ont porté attention à nous ou nous ont aidés, et de les remercier pour cela. Il est normal d’avoir des moments d’introspection, mais ils ne doivent pas durer. Nous sommes tous imparfaits et limités, mais il est important de ne pas rester dans cet état. On peut toujours se relever (humour de mec en fauteuil roulant! 😉

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