Le prix de la compétence

Un billet à mi-chemin entre l’humeur et le DIY pour expliquer quelques bricoles comme savoir garder les gens compétents et connaître le prix de leur compétence.

Obsolescence quand tu nous tiens. Le prix du manque de compétence

Cela fait quelque temps maintenant que nous avons changé de chef d’établissement. À son arrivée, il avait une volonté, installer des TBI dans les classes. Je dois reconnaître qu’à l’époque, je pensais que cela ne servait absolument à rien, avec du recul, il avait globalement raison. Globalement, parce que c’est un outil attractif, mais qui ne fonctionne pas toujours comme on voudrait. Et c’est ici clairement le prix du manque de compétence des prestataires et des éditeurs de logiciel.

Pour les éditeurs logiciels, un exemple simple. Lorsque vous voulez tracer une droite avec ActivInspire, vous avez une barre d’outil qui apparaît. On imagine que vous avez placé des points au préalable. L’apparition et la disparition de la barre créée un décalage. La droite ne passe plus par vos points quand vous revenez au stylo. J’avais déjà évoqué le remplacement de la solution propriétaire par OpenBoard.

Les TBI les plus anciens ont désormais trois ans, les machines qui ont été livrées sont des tours avec des disques durs à l’intérieur, 1 To. L’utilité est bien évidemment totalement nulle puisque ces tours n’ont pour seule utilité que d’utiliser le TBI. On ne stocke pas. Il y a trois ans, si le SSD de 240 Go était peut-être un peu cher, celui de 120 ne coûtait pas 30 €. Le passage à Windows 11 a fini d’achever un travail déjà bien entamé sous 10.

Contrairement aux apparences, où l’on pourrait penser que c’est la mémoire qui sature, c’est le disque dur. En effet, le débit du disque dur est tellement mauvais qu’il parasite la mémoire. Le choix du disque dur était mauvais, ou peut-être pas selon qu’on soit l’utilisateur ou le vendeur. En effet, quelqu’un qui a la compétence technique aurait directement opté pour un SSD. Celui qui a la compétence commerciale, par contre, vous vend une machine difficilement utilisable au bout de trois ans.

Changer un SSD, une opération plutôt simple pour celui qui sait faire

Le changement de SSD se réalise en deux opérations. L’utilisation d’un logiciel de clonage, j’utilise Macrium Reflect 8 dans sa version gratuite. Cette version n’est plus disponible, vous avez désormais la version d’essai pour un mois. En même temps, on ne répète pas pour un même poste la manipulation de façon régulière, la trial est donc suffisante. Si vous voulez vraiment utiliser la version gratuite, je ne sais pas si elle est mise à jour, vous pouvez passer par des sites comme 01net.

Macrium est simple à utiliser, il suffit de déplacer les partitions de l’ancien disque vers le nouveau. Macrium gère les disques plus petits en rognant sur l’espace libre, comme on peut le voir ci-dessous.

Le transfert se fait par le port USB, j’utilise un adaptateur SATA / USB qui m’évite de faire un branchement du nouveau SSD sur une nappe. Une fois que l’opération est réalisée, on ouvre et on remplace le HDD par le SSD.

Il faut oser. Je crois que c’est comme tout dans la vie. J’ai des collègues qui me regardent désosser les machines avec toujours une forme d’étonnement et pourtant il n’y a rien de bien difficile. Bien sûr, il faut avoir le matériel, il faut connaître le logiciel, ce n’est pas inné. C’est du travail, un travail qui fait par quelqu’un d’autre peut coûter cher.

Au niveau du temps, c’est difficilement quantifiable. En effet, si on devait s’arrêter uniquement au clonage, on peut considérer que le temps physique, c’est 15 minutes par poste. Installer Macrium, lancer le clone, démonter et remonter. Bien évidemment, l’opération de clonage est longue et dépend de la quantité de données présente sur disque. Le plus long en fait, c’est la mise à jour des logiciels, la mise à jour de Windows et le nettoyage des postes.

Le prix de la compétence.

J’ai fait une recherche sur Google sur le tarif correspondant à la prestation de transfert de données d’un disque dur vers un SSD. Résultats en vrac

Plusieurs points me paraissent importants. C’est le far west dans les prix et dans les offres. Face à l’absence d’un véritable prestataire national de la réparation, il est très difficile d’avoir un devis précis sur une prestation précise. J’entends ici qu’à part certains qui font le descriptif précis de l’offre, pour d’autres, c’est du travail à l’heure. En informatique, c’est d’ailleurs ce que je recommande. En effet, vous partez pour un clonage de disque pour un ordinateur portable et vous vous rendez compte que le démontage est complexe. Pour des tours comme les miennes, démontage et remontage, moins de cinq minutes. Pour un ordinateur portable avec le disque sous le clavier, où il faut rechercher le tutoriel de démontage sur YouTube, cela peut devenir compliqué.

Difficile de jauger le niveau du professionnel, se fier éventuellement aux avis Google et encore. L’offre pour ma part la plus « bluffante » est celle à 79€. Il apparaît que le technicien ne réalise pas le clonage vers un disque dur plus petit. Clonezilla par exemple, le logiciel libre de backup, ne sait pas le faire. Mais toutes les autres solutions commerciales du marché le font. On peut donc s’interroger sur les compétences du professionnel qui ne sait pas utiliser un logiciel de base.

Cette semaine, j’ai ainsi remis à neuf quatre ordinateurs et un cinquième pour lequel j’ai changé la dalle. S’il avait fallu remplacer ces machines, technique trop souvent usitée, à un tarif moyen de 450€ la machine, nous aurions dû payer 2250 €. Il aurait fallu de plus paramétrer ces PC soit du temps supplémentaire. La dalle a coûté une petite centaine d’euros, les SSD, 23€ pièce. C’est donc moins de 200€ de matériel. J’irai m’arranger avec mon chef pour un dédommagement financier, mais quand bien même, je prendrai 200 €, nous serions à une dépense de 400€ soit une économie de 1850€ par rapport à un rachat.

Un prestataire prendrait certainement plus cher ou tenterait même de vendre du nouveau matériel pour ne pas se casser la tête.

Privilégier la compétence interne…

Tout ce que je viens d’écrire s’applique à tous les corps de métier, et encore plus en établissement scolaire. Nous avons souvent une seconde vie à côté, pour exemple un de mes collègues est DJ. Et quand je dis DJ, je ne parle pas du gars qui anime les fêtes de famille, mais le gars que vous pouvez voir sur des affiches 4 par 3 quand vous entrez dans la ville de Sète.

Mon collègue de la technique, par sa compétence dans tous les métiers du bâtiment et de l’électricité, nous fait économiser des fortunes. Nous avons un chanteur professionnel, un artiste qui fait du street art, un apiculteur et bien d’autres compétences internes.

Il faut comprendre que le mot professionnel, on peut y mettre ce qu’on veut dedans. Je fais de l’informatique pour les établissements scolaires depuis plus de 20 ans. Les prestataires malheureusement se suivent et se ressemblent. Beaucoup d’incompétence, de devis gonflés, de solutions onéreuses.

La force de la compétence interne, c’est d’être utilisateur des solutions employées. Si j’ai mis à jour ces tours, c’est parce que je sature de mettre 10 minutes avant d’avoir le poste allumé. En passant au SSD, je jouis directement du confort que procure la prestation. J’en assume aussi les conséquences si la solution est mauvaise.

… si elle est compétente

Je suis largement plus compétent que bien des prestataires informatiques de mon secteur. Je n’ai toutefois pas la prétention de tout connaître. De la même manière, je n’ai pas la prétention de tout vouloir et de tout pouvoir gérer. La solution technique mise en place dans mon établissement repose sur un serveur Windows. Je suis totalement incompétent. De la même manière, je ne ferai jamais le choix de l’auto-hébergement, car admin sys est un métier. La compétence est donc quelque chose de parfaitement relatif, et qui demande d’avoir l’humilité quant à ses capacités.

Le monde de l’éducation est gangréné par des individus qui pensent savoir. C’est ainsi que vous vous retrouvez avec des dépenses pharaoniques dans du matériel plutôt que dans l’humain. Les prestataires disent merci quand on a équipé des écoles d’Ipad qui seront rapidement obsolètes ou peu utilisés. L’absence de poste « responsable informatique d’établissements scolaires » avec concours, montre le désintérêt de l’État français pour les points suivants :

  • Une véritable réflexion sur l’informatique et ses usages
  • La souveraineté de l’informatique française
  • L’obsolescence programmée
  • Le logiciel libre
  • Les économies qu’on pourrait réaliser avec tout ce qui précède

Et de rebondir sur l’absence de considération pour la plus-value que nous pouvons apporter à nos établissements. Si pour ma part, dans un établissement privé, je peux être rémunéré, dans le public, c’est pour la gloire. Rien ne motive finalement le salarié à faire profiter son établissement de sa compétence.

Bonus de compétence, recycler quatre disques durs de 1 To.

Car il me paraît important de faire vivre le matériel, j’ai trouvé un vieil i5 qui traînait dans le lycée. J’ai monté les quatre disques durs dedans. J’ai installé pour système une Lubuntu afin de transformer la machine en serveur DLNA et de fichiers. C’est le choix de la facilité. Cet ordinateur disponible en salle des profs pourra être simplement alimenté depuis une clé USB. En effet, faire le choix d’une absence d’interface graphique aurait signifié un paramétrage plus fin. Quand on connaît le public enseignant, on sait que mettre une clé USB pour faire un copier-coller dans un répertoire reste encore compliqué.

Car c’est aussi cela la compétence interne. Si demain, vous êtes prestataire informatique, travailler pour une école ou pour un cabinet dentiste, ce n’est pas le même travail. Connaître son public, c’est la clé pour trouver des solutions techniques adaptées. Et malheureusement, j’ai envie de dire qu’il faut vivre avec des profs pour en comprendre le fonctionnement.