Réseaux sociaux, analyse

Comme je l’ai déjà écrit ici, durant les gilets jaunes puis la crise COVID, le climat était devenu tellement anxiogène que j’ai fini par couper les réseaux sociaux. On souligne souvent les aspects positifs, la fin de l’immédiateté, du bruit permanent, de la peur de maquer quelque chose. Un article qui va dans ce sens : Fermer ses comptes… et respirer !

Je crois que la fermeture totale est une possibilité, une étape que je qualifierai d’obligatoire. Je pense que parfois il est nécessaire de faire table rase et de voir après. Il y a toutefois un peu de réflexion à faire : et si finalement se couper des réseaux, c’était montrer son incapacité à les utiliser ?

Mauvaise idée, être sur tous les réseaux sociaux. Mauvaise idée, n’être sur aucun réseau

Il y avait dans un référentiel d’informatique, je n’arrive plus à trouver, une partie pertinente qui consistait à s’interroger sur sa place sur les réseaux. Mon fils qui est actuellement en première année de BTS, a créé un compte LinkedIn. Il s’agit du réseau social des professionnels. S’il y a quelques années, s’inscrire sur ce réseau n’avait aucun sens, ça commence à en avoir largement plus pour lui. Alors qu’il se rapproche à grand pas du monde du travail, faire valider ses compétences, faire du lien avec des gens qu’il a croisés en entreprise a beaucoup de sens.

Pour quelqu’un qui va dans le privé, qui va rentrer dans le marché du travail, LinkedIn est aussi incontournable qu’un CV ou une lettre de motivation. Pour un enseignant par contre ? À une époque, j’ai eu un compte LinkedIn, j’ai finalement arrêté, car il n’y avait pas de sens pour moi. En effet, je ne suis pas amené à chercher des professionnels ou faire valider des compétences par mes pairs.

Trop de réseau tue le réseau

L’aspect extrémiste des gens qui vous racontent la déconnexion voudrait que vous déconnectiez de tout. Est-ce vraiment judicieux ? Pour ma part, je pense que c’est inévitable pour certaines activités professionnelles. Un restaurateur ne peut pas se permettre de ne pas avoir des comptes Facebook, Instagram, gérer son compte Google ou TripAdvisor. Snapchat pour un restaurant, j’ai plus de mal, Pinterest, c’est pareil.

Quelqu’un qui fait de la veille très poussée pour un site internet professionnel par exemple, aura du mal à se passer de Twitter. Un artiste aura son compte Instagram et Pinterest. Il ne s’agit donc pas de tout couper, mais de bien se positionner.

Twitter outil de veille et de communication

J’ai déjà largement évoqué le cas de Twitter dans un billet sur l’infobésité. La force de Twitter, c’est l’immédiateté de l’information, sa brièveté, ce sont aussi ses faiblesses. Je note plusieurs problèmes sur Twitter. J’ai bien sûr évoqué la problématique de la quantité d’informations. C’est pour cela qu’il est judicieux de ne pas suivre tous les comptes. Suivre des comptes comme l’AFP ou BFM c’est prendre le risque de recevoir trop d’informations à la seconde. Une information qui n’est pas forcément pertinente, vérifiée ou une information qui trouvera une autre issue quinze minutes plus tard.

J’ai nécessairement en tête l’attaque de la centrale nucléaire de Tchernobyl. En quelques heures, on apprenait des explosions, la prise de la centrale, le risque de catastrophe nucléaire pour finalement se rendre compte que tout n’allait pas si mal. Il était finalement nécessaire de n’avoir que la synthèse, à savoir qu’une attaque a eu lieu et que la situation est sous contrôle des Russes. C’est le souci de vivre l’instant présent.

Du bruit et des dérives

Le bruit sur Twitter est très important. Il faut en effet comprendre que la majorité des comptes sont personnels et qu’il faut donc assumer le fait que tout ne vous intéresse pas chez quelqu’un. C’est ce qui compose le bruit. Trier pour ma part c’est compliqué, je suis peu de comptes. Il apparaît que pour l’information locale, Twitter ne s’en sort pas trop mal, moins bien que Facebook, mais en cas de catastrophe naturelle comme les régulières inondations du sud, on a l’info.

Je constate enfin une confusion dans l’utilisation de Twitter, ce n’est pas mon problème, mais ceux qui réalisent cette pratique. Depuis qu’il est possible pour les utilisateurs de poster des messages à la chaîne, certains font de véritables articles de blog. C’est une erreur, car c’est justement sur ce type de plateforme que devraient apparaître un texte de plusieurs milliers de mots.

Non seulement ces textes à rallonge seront perdus dans le réseau social, mais la lecture n’est pas adaptée. On évoque de plus en plus une décentralisation des contenus, un retour à l’ancienne, il faudra y revenir. On peut d’ailleurs y voir un lien fort avec la relocalisation des entreprises. Ce contenu n’appartient plus à Florence Pourcel, il appartient à une compagnie américaine. Si elle écrivait son opinion politique sur son blog, elle en serait propriétaire, elle enrichirait le web. Elle s’est contentée de nourrir avec un contenu pertinent un réseau social américain.

Une dimension positive sur d’autres aspects

Enfin, Twitter reste un outil puissant de communication peut être le meilleur parmi l’ensemble des réseaux sociaux. C’est ici que vous trouverez tout ce qui se fait d’intellectuels dans le pays, des journalistes, des politiques, mais aussi les marques. Si vous faites une remarque sur une hausse d’augmentation des tarifs chez SFR, vous aurez la réponse dans la minute. Si à l’époque on aurait pu se servir du réseau comme levier, cette époque est révolue sauf si vous avez de nombreux followers.

En faisant abstraction des stars, Twitter permet d’échanger de façon directe avec des informaticiens, des profs, des directeurs, des associations et j’en passe. Je pense que pour des gens qui sont en recherche d’informations, c’est le meilleur des réseaux sociaux.

Twitter est pour moi un complément dans la veille que je réalise par le suivi des flux RSS. Il permet de découvrir, des articles, des vidéos, des personnes.

Enfin, un aspect non négligeable, mais plus personnel, il est la source de clic la plus importante pour les référents dans les réseaux sociaux. Benjamin a toujours un compte Facebook, peu de retour lorsqu’il poste un article en lien vers restez-curieux, avec Twitter, c’est beaucoup plus porteur.

Instagram, mon réseau professionnel

On ne va pas se mentir, Instagram n’a aucun intérêt. J’ai rouvert un compte un peu par hasard. Une de mes anciennes de troisième est en seconde générale dans un autre établissement, elle avait besoin d’un coup de main. Les échanges de photos d’exercices de maths par SMS avec des MMS à 8 minutes d’attente, j’ai rouvert un compte.

À titre personnel, au moment où j’écris ces lignes, le seul compte qui ne soit pas d’une connaissance auquel je me sois abonné, c’est celui de Bansky. Je trouverai peut-être d’autres street artists si le cœur m’en dit. De façon générale, le contenu n’a que peu d’intérêt pour moi. Alors pourquoi Instagram est mon réseau professionnel ?

Instagram ça va relativement vite, en quelques jours j’ai franchi le cap des 100 abonnés. Mon profil est public, mes élèves présents et passés viennent s’abonner. Si pour les petits que j’ai en classe ça a peu d’intérêt, surtout quand on voit le niveau de pertinence de leur story, pour les plus grands qui ont eu leur bac il y a quelques années, c’est autre chose.

Pour vous donner un exemple, j’ai un élève qui a eu son BAC STAV et qui s’est reconverti dans la mécanique. Il vient de prendre un congé sans solde pour faire le nord de l’Europe en 4L. Une autre est devenue artiste et expose. D’autres sont managers chez MacDO, responsables chez Lidl, en dernière année d’école d’infirmière ou maman.

Instagram, c’est pour moi la possibilité d’avoir un carnet d’adresses. Car finalement, ces élèves sont peut-être présents sur LinkedIn, mais pour ma part, c’est sur le terrain du privé que je les ai rencontrés. Si l’année est très entamée, certains viendront l’an prochain pour présenter à mes élèves leur parcours, ce qu’ils sont devenus.

Le problème de la segmentation des réseaux sociaux

Je suis enseignant depuis maintenant 19 ans et j’aurais fait trois établissements, dont un dans le Cantal où j’ai passé 8 ans. J’ai des élèves qui ont largement plus de 35 ans aujourd’hui, je pense que mon élève le plus âgé a 37 ans. Ces élèves, j’en ai trouvé quelques-uns, rares, sur Instagram. Ils font en effet partie de la génération des Skyblog, mais principalement de Facebook. Ils sont donc vieux, et n’ont pas d’attraction particulière pour ce réseau jeune et basé sur l’image.

Un réseau social n’est qu’un outil pour moi …

Cela voudrait dire que si je tenais à retrouver ces anciens élèves, il faudrait que j’ouvre un compte Facebook. Je ne le ferai pas et je peux en donner la raison. J’évoquais plus haut que plutôt de supprimer les réseaux sociaux, il valait mieux en définir les usages. Twitter, c’est pour ma veille, Instagram pour le travail. Mes amis, ma famille, je prends le temps de téléphoner, de passer du temps. Même si les enfants vous diront en toute modestie que je suis le meilleur enseignant qu’ils aient croisé dans leur vie, ils restent mon métier, ce ne sont pas des amis.

Je ne pousserai donc pas la nostalgie à m’inscrire sur un réseau désuet qui ne m’apporterait rien de plus pour rentrer en contact avec des élèves qui de plus ne sont pas dans ma zone. On pourrait considérer que le discours est dur, mais le patron de bar ne fait pas des apéros avec ses clients. Je reste toutefois ravi de prendre des nouvelles, surtout quand elles sont bonnes.

La segmentation

Ainsi, on peut supposer que demain, la génération future d’élèves ne sera plus sur Instagram mais ailleurs. Je pense que je ne serais pas à la retraite qu’il y aura autre chose, car tout va très vite. On constate d’ailleurs qu’à part les plus petits qui font des stories à outrance, on a finalement pas tant de contenu que ça. Les jeunes sont en train de se déplacer vers TikTok, je n’en suis pas encore là.

… et un outil pour d’autres

Si pour ma part, ce n’est pas un problème, car je n’ai pas d’attachement prononcé pour le réseau, ni pour les contenus que je produis, on comprend que pour un professionnel c’est compliqué. Certains professionnels, par rapport à leur activité, sont dans l’obligation d’être présents sur la totalité des réseaux sociaux.

C’est un problème. Un restaurateur peut difficilement éviter les réseaux sociaux. Un restaurateur se doit aussi de répondre aux critiques qui sont faites sur ces mêmes réseaux. Tout ce temps consacré à autre chose que le cœur de métier, c’est du temps perdu pour le métier. Potentiellement une baisse de production et de qualité.

On comprend qu’il se dégage de cette problématique un vrai besoin de community manager. Ce métier, qu’on pouvait considérer comme bulshit job il y a quelque temps, prend de plus en plus de sens. Même dans le cadre d’un établissement scolaire, c’est une question qui se pose.

En conclusion

  • Avant de se lancer dans un réseau social quelconque, je pense qu’il faut d’abord s’interroger sur la pertinence de ce qu’on va faire ou non. Instagram pour regarder des photos en boucle n’a absolument aucun intérêt pour moi. Vous vous lancez dans la mode ou la chance, c’est différent.
  • Un réseau social est un outil. Si vous pensez que vous avez la capacité à suivre des centaines de personnes, vous vous fourvoyez. Les véritables amis, la famille, on leur consacre un temps différent.
  • Il me paraît important, si vous êtes comme moi dans la démarche de création de contenus, de produire des choses différentes sur les réseaux sociaux que vous fréquentez. Sur Twitter je partage ma veille, sur Instagram je partage du futile. Le public n’est en effet pas le même.

5 Comments

  1. j’ai définitivement tiré un trait sur les réseaux sociaux depuis plus d’un a maintenant.
    aucun manque pour ma part.

  2. Pareil pour ma part, j’ai essayé Twitter j’ai pas pu résister à l’envie de partir en courant, le débit de conneries est tel qu’il est à ce point déprimant que je n’ai pas besoin – perso – de tout ça.
    Qu’est-ce que l’on rate dans l’absolu ? Une info immédiate qui avec le recul est potentiellement une info fausse, détournée, hors contexte.
    Quitte à prendre connaissance d’une info déprimante et disons-le – « vraie, vérifiée » – je préfère lire un article du Monde Diplomatique, Courrier international, Reporterre etc.

    1. Aussi, le midi, je trouve qu’ils vont à l’essentiel en 10-15 minutes c’est bien.

Comments are closed.