Si je devais faire une comparaison, l’immédiateté pour ma part serait d’écrire que Rémi Bezançon est au cinéma ce que Larcenet est à la bande dessinée. Larcenet, c’est le scénariste qui parle aux hommes, avec ses angoisses d’hommes. La paternité, la peur de la mort, l’égo, Larcenet de par sa bipolarité s’exprime dans sa bd comme un exutoire. Chez Rémi Bezançon, on retrouve plus ou moins les mêmes thématiques, la névrose en moins, la nostalgie en plus.

Ma vie en l’air, le premier film de Rémi Bezançon

L’histoire commence narrée par la formidable voix de Vincent Elbaz qui a certainement l’une des plus belles voix du cinéma français. Une histoire qui commence par la fin. Il est dans la cabine d’un avion qui est en train de se crasher. Comment en est-il arrivé là ? Lui qui est né dans un avion, sa mère qui n’a pas survécu à l’accouchement. Cette peur tellement folle de l’avion qu’il n’a jamais été capable de le reprendre. Il a pourtant curieusement choisi la profession d’expert de la sécurité aérienne.

Il vit avec Gilles Lellouche, son meilleur ami depuis toujours. Ce qui devait durer une courte période s’éternise. Adolescent attardé, il attire son camarade dans des plans foireux. Des filles, beaucoup de filles défilent dans la vie de Vincent Elbaz jusqu’à l’arrivée de Marion Cotillard. Sera-t-elle la femme qui lui fera prendre l’avion ?

Avant d’aller plus loin, il est important de se rappeler que Rémi Bezançon sort ce premier film en 2005. La consécration pour l’actrice n’interviendra qu’en 2007 avec la môme. De la même manière, Lellouche n’a pas la dimension qu’il a aujourd’hui. Elbaz qui tient le premier rôle, a une carrière plus conséquente, avec un rôle dans la vérité si je mens. Il n’arrivera pas d’ailleurs à la carrière des deux autres, avec « le » film. La bande originale est réalisée par Sinclair, qui n’est pas encore trop mal dans sa carrière avant le déclin. On voit finalement dans ce film, son casting, la bande à Guillaume Canet.

Un premier film solide

Avec ce premier film, Bezançon pose des bases claires d’un cinéma orienté autour de l’homme. L’homme qui refuse de grandir. C’est le cas de Vincent Elbaz qui collectionne ses Strange et qui vit en collocation avec son ami d’enfance. L’homme qui refuse de s’engager. Elbaz jongle avec les filles, et lorsqu’il pense avoir trouvé la bonne, il voit l’étau qui se resserre autour de lui. La peur du mariage, la peur de l’enfant. C’est un film qui fait penser nécessairement au combat ordinaire ou au retour à la terre. Bezançon joue sur la nostalgie, sur les flashbacks. Des scènes de l’enfance, où Elbaz se rappelle des moments passés avec son père.

Ma vie en l’air est un film drôle, tendre, qui parlera à tout homme qui doit à un moment ou un autre s’engager.

Nos futurs

On notera que je ne procède pas par ordre chronologique, car en fin de compte, je trouve que nos futurs aurait pu faire une forme de suite à ma vie en l’air. Le film est sorti en 2015, Rémi Bezançon a atteint la notoriété avec le premier jour du reste de ta vie. On trouve Pierre Rochefort, la trentaine, marié, à la direction d’un cabinet notarial. Alors qu’Elbaz tenait impérativement à conserver son insouciance, Pierre Rochefort l’a définitivement perdue. Sombre, il voit un psy à qui il ne dit rien, il ne sourit jamais, tout l’indiffère, il y a quelque chose de cassé en lui. On notera que Tom Novembre qui joue le père de Elbaz dans ma vie en l’air est le psy de Pierre Rochefort. C’est aussi une des marques de fabrique de Bezançon, une fidélité pour ses acteurs.

Son épouse Mélanie Bernier qui fait tout pour le rendre heureux, lui organise une fête pour ses trente ans. Durant le traditionnel diaporama, des photos de Pio Marmaï apparaissent. C’est la première fois qu’il réagit depuis des années. Il prend son téléphone et curieusement, il n’a pas changé. Pio Marmaï est resté le même, il n’a pas évolué. Vivant toujours dans sa chambre de bonne, travaillant toujours dans le même fast food.

Les deux hommes vont tenter de refaire l’une des fêtes qu’ils réalisaient quand ils étaient jeunes. Des fêtes complètement folles, avec de l’alcool, de la drogue et des filles. Ils vont parcourir la France pour retrouver leurs anciens camarades de classe.

Avec ce film Bezançon fait du Bezançon. Nous ne sommes plus face à un homme qui a peur de quitter l’enfance, mais au contraire, un homme qui l’a oubliée. Un homme devenu trop sérieux et qui a besoin de se replonger dans son passé pour retrouver le sourire. Beaucoup de tendresse, de clins d’œils aux années 90, et une fin à laquelle on ne s’attend pas vraiment.

Le premier jour du reste de ta vie, la consécration de Rémi Bezançon

Le premier jour du reste de ta vie, c’est l’histoire d’une famille de cinq personnes sur douze ans. La subtilité, c’est qu’il s’agit de cinq journées particulières sur les douze ans. Une journée pour chacun d’eux qui va changer leur vie. La première journée, c’est le départ du fils joué par Pio Marmaï, vous noterez la fidélité aux acteurs. Ce dernier va faire sa troisième année de médecine, il étouffe certainement sous sa famille, sa mère plus que les autres. Mère incarnée par Zabou Breitman qui joue la mère de Pierre Rochefort dans nos futurs… Et on se dit quand même que Rémi Bezançon c’est un détecteur de talent. Pio Marmaï en 2008 est un parfait inconnu tout comme Marc-André Grondin qui décrochera le césar du meilleur espoir masculin pour le film.

On va retrouver toutes les thématiques chères à Rémi Bezançon, la famille, l’amour, l’engagement, l’enfance. Cette fois-ci, le film a des personnages féminins, le rendant plus universel que les deux autres films. C’est un film qui fera carton plein dans la critique, et un joli succès au cinéma avec plus de 1.2 million d’entrées.

On y retrouve toute la sensibilité de Bezançon, l’humour et des situations qui sonnent juste. Les relations pères, fils, l’adolescence, les relations entre les enfants, la mort, l’amour, le couple, le temps qui passe. Remarquablement bien joué par tout le monde, la musique de Sinclair, encore lui, contribue largement à ce succès, elle véhicule une émotion remarquable.

Un heureux événement

Un heureux événement, c’est en 2011, c’est donc le film qui arrive après le premier jour du reste de ta vie. Forcément la barre est haute, avec ses deux premiers films, il a quand même fait le tour de la question familiale. Il manquait la grossesse, l’accouchement et surtout la femme. Le couple, c’est Louise Bourgoin et… Pio Marmaï.

Je pense qu’il fallait une rupture avec les deux films précédents. Le choix d’une femme comme personnage principal, mais aussi la fin des flashbacks et de la nostalgie. On vit le couple dans le moment présent. On notera en outre les références aux précédents films. Louise Bourgoin par exemple en pleine période hormonale s’achète un vibromasseur : le magic finger. Lors d’une scène mémorable d’air guitar pour Marc-André Grondin c’est le nom d’artiste qu’il donne dans le premier jour du reste de ta vie. Pio Marmaï est fan de Strange comme Elbaz dans ma vie en l’air.

Avec un film qui tourne autour d’un personnage féminin, enceinte, les relations mère fille, il aura été beaucoup plus difficile pour moi d’entrer dans l’histoire.

Zarafa et le mystère Henri Pick

À force de ne faire que des films sur la famille, le couple, on pourrait croire que Rémi Bezançon n’est le réalisateur que d’un seul type d’œuvre. Avec Zarafa c’est au film d’animation qu’il s’essaie, ce qui est peu commun quand on fait du cinéma. L’histoire commence par un enfant qui fuit des marchands d’esclaves. Il finit par se lier d’amitié avec une petite girafe qui est récupérée par un bédouin. Il doit la ramener au pacha d’Égypte qui veut la donner au roi de France. L’homme et l’enfant se lient d’amitié, d’autres personnages vont se rajouter à leur équipage pour vivre une belle aventure.

Le mystère Henri Pick est le dernier film réalisé par Rémi Bezançon. Ici l’auteur a la capacité de casser complètement avec ce qui précède. Dans un village, une jeune éditrice trouve dans la bibliothèque une pièce, des manuscrits abandonnés, des manuscrits qui n’ont jamais été édités. Et dans cette pièce, une histoire d’amour magnifique, écrite par Henri Pick … le pizzaiolo du village. La jeune éditrice décide de publier le livre qui devient un best-seller. Fabrice Luchini un chroniqueur littéraire particulièrement célèbre, va mener l’enquête en compagnie de Camille Cottin la fille d’Henri. Ils sont tous les deux incrédules face à la possibilité qu’il soit l’auteur du roman.

Ce film qui casse complètement l’image de réalisateur des familles montre que Rémi Bezançon sait faire un autre cinéma. Nous sommes dans un policier littéraire. Il ouvre ainsi d’autres perspectives, d’autres pistes pour ce réalisateur de talent.