Humeur : plus de réseaux

Lorsque Trust écrivait la chanson « antisocial », il ne pensait certainement pas à Facebook et la panoplie des réseaux sociaux qui n’existaient pas. Cela dit, j’ai trouvé que la pochette était sympa même si elle n’est pas vraiment appropriée. Antisocial n’est pas le bon terme, asocial non plus, je n’utilise plus de réseaux tout simplement.

Où tu prends conscience de l’absurdité

Les réseaux sociaux et moi, cela reste tout de même une grande histoire de désamour. J’ai quasiment tout fait, plusieurs fois, partir, revenir. Il ne me restait que Mastodon et Facebook. Mon fils est décédé d’un accident du travail au mois de mars 2024. Je ne reviendrai ni sur la tragédie ni sur les poncifs qui consistent à dire que des parents ne devraient pas enterrer leurs enfants. Mastodon a été le premier réseau que j’aie supprimé. Il s’agissait de mon exutoire pour échanger avec la sphère alternative : logiciel libre, gauchisme, écologie, etc. Il m’aurait été difficile de continuer comme si rien ne s’était passé, en toute légèreté. Cinq mois plus tard, je constate que le réseau social ne me manque absolument pas. Même si c’est le plus construit, le plus riche, dans un bilan objectif, on n’apprend rien ou pas grand-chose.

Au mois de juillet, j’ai fêté mes 49 ans et Facebook était présent pour me le rappeler. Je n’avais rien mis sur le réseau et je continuais de diffuser des vidéos de chats. Concrètement, tous mes anciens élèves dans le Cantal, certainement certains dans l’Hérault, n’étaient pas au courant. Je ne demandais pas de l’être bien sûr. J’ai globalement eu dans cette journée deux types de réactions. Les gens qui ne savaient pas et qui y sont allés de leur message enjoué. Les gens qui savaient et qui ont remué le couteau dans la plaie béante pour rappeler la difficulté de la journée. Dans un cas comme dans l’autre, on comprend que le terme d’ami est galvaudé.

Ici encore, j’enfonce une porte ouverte. On ne montre sur les réseaux ce qu’on veut montrer. On ne participe pas à la vie les gens, on observe de loin, d’un œil plus ou moins indifférent.

Parenthèse technique

Facebook reste tout de même un réseau particulier, même si on l’annonce mourant chaque année. En effet, en supprimant mon compte Facebook, je supprime le market. C’est un manque, car il m’a permis de vendre de nombreux objets autour de moi. Le market est apparu comme une excellente alternative pour vendre des objets qui ne partaient ni sur Vinted, ni sur le Boncoin.

Comme je l’ai souvent écrit, de nombreuses associations n’ont pas la possibilité de créer un site web et s’appuient sur les pages Facebook. C’est le cas de l’association de chats de mon village. Sébastien Sauvage, il y a quelques années, avait initié le projet RSS-Bridge. Il s’agit d’une plateforme auto-hébergée qui permet de récupérer les flux RSS des sites qui n’en ont pas. On pense à l’ensemble des réseaux sociaux bien sûr. Malheureusement, Meta a durci sa politique depuis et bloque les comptes qui utilisent cette méthode. On rajoutera à cela que Facebook n’a pas l’air d’intéresser les développeurs qui ne font plus de bridge depuis un moment. Il y a, je pense, une réflexion libriste à faire pour proposer à ces associations des sites indépendants même si on est toujours dépendant. Mais c’est une autre histoire.

FetchRSS comme vous pouvez le voir ci-dessous, permet de générer à partir d’une page Facebook un flux RSS. Il doit y avoir un public pour cela puisque le site propose des plans qui peuvent monter à 15 dollars par mois. Dans la version gratuite du service, seul un flux est autorisé, ce sera l’association des chats.

C’était mieux avant

L’absence des réseaux ne manque pas. Non seulement on a la franchise de se couper de relations qui n’en sont pas, mais on supprime la tentation de faire défiler des réels à l’infini. C’est une réflexion que je me fais souvent, c’est difficile d’être un bon ami, un bon membre de la famille. Essayez de faire cet exercice et de considérer dix de vos amis. Depuis combien de temps n’avez-vous pas pris de nouvelles ? Depuis combien de temps n’avez-vous pas partagé un repas ? Quelles étaient les préoccupations la dernière fois que vous les avez croisées ? J’ai pour ma part beaucoup de mal à suivre alors que je n’ai pas tant de proches, comment le pourrais-je avec deux cents ou trois cents personnes ?

Les réseaux sociaux donnent l’illusion de proximité en rappelant des événements clés comme une date d’anniversaire ou le nombre d’années d’amitié sur le réseau. Ce temps précieux à liker telle photo, à « loler » telle plaisanterie, c’est autant de temps qu’on ne passe pas pour de vrai avec ceux qui nous sont chers.

Cela redéfinit aussi pour ma part la notion d’amitiés virtuelles qui n’ont plus le même sens que dans le début des années 2000. À l’époque, et notamment pour les geeks, l’internet était une formidable ouverture sur le monde afin de trouver des gens partageant les mêmes passions. On faisait de véritables rencontres. Aujourd’hui, avec une présence sur l’internet qui n’est plus associée à une passion commune, mais une forme de narcissisme, les gens du net me paraissent de plus en plus loin. C’est une notion qu’auront du mal à comprendre les plus jeunes, mais à une époque, on communiquait davantage avec des gens à l’autre bout du monde qu’avec son voisin.

Rajoutons à cela que les mécanismes des réseaux pour nous maintenir sont bien rodés et on peut très rapidement passer des journées à regarder des vidéos de chats.

Plus de réseaux, de qualité

J’ai donc fait du ménage dans mes réseaux mais aussi dans mes relations. Je pars du principe que je suis facilement trouvable sur la toile, et pour ceux qui ont mon numéro de téléphone, il est facile de m’appeler. Facile, c’est un bien grand mot. La vie que nous menons, les loisirs, le temps perdu, ont déformé les relations. Je n’appelle plus les gens de peur de les déranger, j’envoie un message pour savoir si je peux les appeler. Ce fameux temps après lequel nous courrons, nous le cramons littéralement dans de la futilité. L’adage qui dit que sur son lit de mort, personne ne regrettera de ne pas avoir passé plus de temps sur Facebook est une grande vérité.

Ma démarche est donc un retour aux sources, cette fameuse époque sans internet, cette époque, où nous n’avions pas autant de contacts. En resserrant mon cercle d’amis, de fréquentations, j’ai des relations de meilleure qualité.

Je rajoute à cela un bonus qui frise l’impolitesse. Nous avons fait la rentrée scolaire, et je n’ai pas eu de nouvelles de certains de mes collègues durant deux mois. Je n’ai pas pris le temps de demander comment se sont déroulées les vacances, car je m’en moque. Pas que moi, mais ces personnes aussi. En effet, nous ne sommes pas amis, nous sommes collègues de travail. Sinon, nous aurions pris des nouvelles pendant deux mois. Allons donc à l’essentiel pour ne nous préoccuper seulement de ce qui nous intéresse, notre travail. Ce temps économisé sera bien sûr réinvesti dans les proches, CQFD !

Conclusion

Les démarches de déconnexion, ce n’est pas le cas ici, ont toujours des éléments déclencheurs. Le burn out, le mal-être, le sentiment d’inutilité de la chose. Je ne vise pas ici à donner une leçon quelconque, mais simplement partager un ressenti, une manière de faire. Je comprends tout à fait que pour des gens qui ont quelque chose à vendre, il est très difficile de se passer des réseaux sociaux. D’ailleurs, je fais un bien mauvais commercial du site, toute stratégie SEO ne peut se passer des différents réseaux sociaux. Tant pis, on a le lectorat qu’on mérite. Je comprends aussi la pression pour les jeunes, la grande difficulté de ne pas en être, de ne pas suivre les tendances.

Je pense que pour toute pratique, sans passer des heures à philosopher, il est parfois nécessaire de prendre le temps et de réfléchir un peu. La majorité des gens évoquent le fait que les réseaux sociaux les rendent malheureux, il suffit peut-être de franchir le pas d’un éloignement pour faire son propre bilan.

17 Comments

  1. Hélas, le **gros** problème c’est que si on n’installe pas le dernier réseau à la mode on se retrouve isolé socialement. On n’en est pas comme tu le dis si bien et pas besoin d’être jeune pour ressentir cela.

    Par exemple, toutes mes connaissances sont sur Whatsapp, je m’en suis servi moi-même pour envoyer une vidéo à un ami, mais j’ai supprimé mon compte un jour après car je trouve que l’app est hyper intrusive et je sais pertinemment que je n’aurai pas plus d’amis en l’utilisant.

    Sans parler des problèmes de confidentialité que pose ce genre d’applications.

    Pareil, si les gens veulent me parler, je suis joignable par courriel, textos, téléphone, etc…

    En résumé, j’admire les gens qui ne sont « nulle part », c’est mon cas, ce n’est pas forcément simple à gérer, mais je le vis très bien pour ma part !

    1. C’est quoi « isolé » socialement ?
      Sur Internet déjà, pas en réel.
      Ne pas être sur un groupe de parents d’élèves par exemple, c’est mal ?
      Que les ados se construisent comme ça ok, mais bon, j’ai perso pas loin de 50 ans, balek des réseaux, Ils me servent pour certaines choses mais sans plus.
      J’ai été ban de Twitter, je n’ai manqué à personne :D.
      Chacun vie son réseau social IRL ou virtuel comme il l’entend.
      Un peu marre aussi d’être ami avec quelqu’un mais c’est toujours moi qui « relance ».
      Ça n’empêche pas de garder l’amitié en arrière-plan mais le côté social s’estompe…
      C’est la vie.

      1. Être isolé socialement, c’est le fait que moins de gens vont faire l’effort de te contacter si tu n’es pas sur tel réseau. Malheureusement, ça se répercute souvent dans la vie réelle. Au risque pour toi de ne pas être au courant d’un évènement « important » (toute proportion gardée).
        Il ne s’agit pas de dire que les réseaux sociaux saymal – ça peut être de merveilleux outils – je pointe juste le fait et Cyrille en fait le constat aussi – si j’ai bien compris – que ça n’apporte rien sur le plan de l’amitié, donc non, ce n’est pas mal de ne pas être partout. Bien au contraire…
        Ensuite, effectivement, chacun fait comme il veut, il y a même des jeunes – peut-être pas la majorité – qui font le choix d’être nulle part.
        Je terminerais en te disant que l’amitié, la vraie, ça s’entretient et si tu sens qu’en face, il n’y a pas cette réciproque, il faut passer à autre chose où à quelqu’un d’autre dirais-je. Pas besoin d’être joignable H24 non plus.

        1. L’isolement social pour les jeunes, certainement, je pense que dans nos cas, c’est différent. Quand je dis nos cas, je parle de gens qui ont connu une vie sans internet, j’approche comme Gilles de la cinquantaine. Je crois que ça dégrade l’amitié, car on a peut-être perdu la notion d’amis. Les gens n’ont jamais été aussi seuls depuis les réseaux, on cumule les troubles psy chez les gens et chez les jeunes en particulier. Tant de gens à portée de clic ou de doigt pour finalement réaliser que partager un vrai moment, c’est compliqué pour tout le monde parce qu’on n’a pas le temps.

          Mais c’est un ensemble de choses à redéfinir, à repenser, à quitter. Notre rapport au temps, à l’argent, aux autres, aux loisirs et j’en passe. Le capitalisme aura flingué pas mal de choses.

          1. Je viens d’avoir 50 ans cette année (mon Dieu, ça me fait bizarre d’écrire ça…) donc je fais parti du club de ceux qui ont connu la vie avant internet…
            Sinon, je te rejoins sur ton commentaire.
            Oui, là aussi, je pense que c’est tout le mode de vie de notre société qu’il faudrait revoir.

        2. Moui, au final si on s’auto-qualifie d’isolé c’est que quelque part il y a un manque inconscient.
          Je me retrouve aussi dans l’absence d’interactions, à l’époque de Facebook puis de Whatsapp, en s’y refusant, le tri se fait tout seul.
          Vous êtes mes aînés d’une quinzaine d’année, il ne vous a pas échappé que plus on vieillit, moins il est facile de se faire de nouveaux amis et moins de patience/tolérance aussi.
          Les outils changent, que ma mairie radote sur Facebook, je m’en passe, quand il y a eu une pollution d’eau potable c’était une campagne sms, on voit ou est la fiabilité.
          Être au courant, à tout prix, tout de suite, est-ce vraiment nécessaire ? J’ai appris 1er confinement par un tiers, Bataclan quelques jours après, qu’est ce que cela change, rien.

  2. C’est un fait, on ne se connaît en effet que via tes différents forums successifs et les RS.

    Mes plus sincères condoléances malgré tout.

  3. Pardon ??? ton fils est mort ????

    Mes plus sincères condoléances.
    je n’ai pas d’autres mots …

  4. Bonjour, en gros il faut hacker l’esprit réseau social, par exemple ne s’abonner qu’a des groupes qui te passionnent. Clairement le contact avec les amis ne passent pas par là.

    Si tu es dans des groupes qui te passionnent, tu peux arriver à trouver des infos ou des gens intéressants dans les commentaires (pas sur les groupe qui parle de Kali, ou les gens pensent qu’ils vont pouvoir hacker la terre entière juste en installant Kali 🙂 . Que ce soit sur mastodonte, X ou Facebook

    C’est long et compliqué parfois, mais le but n’est pas de se faire un ami mais juste de discuter à un moment T, d’une chose que tu as besoin ou que tu as envies de parler.

  5. Je te suivais sur Mastodon et ne me suis pas étonné de ton énième disparition d’un réseau mais je te trouvais bien silencieux ces derniers temps. Je comprends mieux pourquoi. Tu dois tellement regretter de ne plus pouvoir lui faire observer ses défauts de jeune pas toujours motivé comme la plupart des ados que l’on a dans nos canapés avec un téléphone vissé à la main. Courage à ta famille.
    Malgré tous ces vagabondages numériques dont tu as le secret, je vois qu’un certain noyau duquel j’ai fait partie continu de te suivre et te faire coucou de temps en temps.
    Salut

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