Mastodon, un mois plus tard

Il y a environ un mois, je retentais un profil Mastodon après quelques essais entre Diaspora* et les débuts de Mastodon. Retour d’expérience.

Pourquoi quitter Twitter ?

L’arrivée d’Elon Musk a fait pousser des ailes à des tas de gens, c’est une mauvaise raison. C’est une mauvaise raison, car cela voudrait dire dans l’esprit de ces individus qu’un changement de patron peut dénaturer un réseau. Il faut avant tout se poser la question de la nature du réseau. Twitter, c’est le bon mot, l’information, la désinformation, la haine. L’arrivée de Musk, le retour de Trump, c’est plus de haine, moins d’information, plus de désinformation, toujours le bon mot. Mais en fin de compte, dans cet excès permanent, un peu plus, un peu moins, quelle différence ?

J’avais expliqué mes raisons quant à ma présence sur Twitter, à savoir la consultation de comptes officiels comme le préfet de l’Aude et la possibilité d’interpeler de grandes marques. Pour le reste, le réseau est dans l’ensemble désagréable. Les algorithmes qui vous envoient de nouvelles propositions permanentes sont pénibles. Ne suivant qu’une quarantaine de flux, je pouvais y passer des heures, en étant sollicité en permanence. Perte de temps pour à la fin en sortir et ne rien avoir appris.

Twitter est anxiogène par ce matraquage d’informations, chronophage et donc dispensable. Je n’avais pas réussi à en faire quelque chose de pertinent à part délester ma veille et un bot pour déterrer les articles de restez-curieux contrairement à mon compte Instagram.

Contournement et engagement

Comme vous pouvez le voir ci-dessus, j’ai fait le choix de supprimer mon compte Twitter. Solution qu’on peut trouver radicale, mais à mon sens la seule qui ait du sens. On a vu paraître dans les très nombreux billets sur Mastodon, la notion de cross posting. Il s’agit d’outils permettant de publier des informations qui se croisent entre les deux réseaux, dans un sens ou l’autre. Ainsi, vous lisez certains comptes Mastodon qui ne sont que le miroir du compte Twitter. Si l’information initiale est bien dupliquée sur les deux réseaux, la conversation, comme on peut s’en douter, est bien cloisonnée, la plupart du temps sur l’oiseau bleu. J’ai décidé de masquer ce type de compte, car il faut savoir s’engager.

  • Un compte dupliqué de Twitter n’engage pas, c’est un bot. C’est un choix que fait son auteur d’être présent sur les deux réseaux mais de façon factice sur l’un d’eux. Il y est sans y être.
  • Un compte dupliqué n’enrichit pas le réseau. Si vous voulez que Mastodon soit différent, rendez le différent. S’il ne s’agit que d’un compte dupliqué, vous n’apportez pas de plus-value au réseau.

En supprimant mon compte Twitter, je fais un choix, je m’engage auprès du réseau avec des contenus qu’on ne peut pas trouver ailleurs.

Je perds la jouissance de suivre certains comptes mais d’une part, pas tant que ça, d’autre part une solution de contournement existe avec Nitter. Nitter est un service qui va convertir un compte Twitter en flux RSS récupérable par votre agrégateur. Ci-dessous la version Nitter du compte du préfet du 11. Je reçois tous les tweets dans mon instance de FreshRSS.

Il manque donc l’interaction avec les sites de marque, tant pis, on passera par d’autres portes.

Mastodon, ils partent déjà

Mon cas sur Mastodon est atypique. Vingt ans de présence dans la scène francophone Linux et logiciel libre, j’ai des gens qui s’abonnent et qui m’expliquent me connaître depuis quinze ans. Comme je l’ai déjà expliqué, si aujourd’hui le réseau s’est largement diversifié avec des gens promouvant des alternatives, à l’origine, c’est tenu par les libristes. Pour des gens comme moi qui débarque en terrain connu, j’écris, on me répond, je sais qui suivre, je sais quoi chercher. C’est loin d’être le cas de tout le monde.

Je suppose que pour les gens qui voyaient en Mastodon une alternative à Twitter, une nouvelle terre à conquérir, la douche est froide. Elle peut l’être pour de très nombreuses raisons :

  • Le sentiment de solitude.
  • Ne plus être gavé de millions d’informations à la seconde
  • Le principe des instances qui ne facilite pas la possibilité d’être gavé de millions d’informations à la seconde. En effet, il faut trouver les comptes auxquels s’abreuver.
  • L’impossibilité de construire un business model, car il n’y a rien à gagner et l’audience est nécessairement très faible par rapport à Twitter.
  • Impossibilité de surfer sur une tendance, de jouer sur les algorithmes, de faire le buzz, d’acheter des followers.

Et puis cela correspond à notre époque. C’est un peu plus difficile, c’est différent, cela demande de sacrifier quelque chose, on préfère la facilité. L’engouement du début du mois de novembre est désormais révolu, les gens repartent sur Twitter.

C’est un peu comme le passage à Linux et l’utilisation du logiciel libre. Vous pouvez expliquer, forcer, raconter ce que vous voulez, si ce n’est pas une décision personnelle, une volonté, les gens continueront d’utiliser des logiciels privateurs.

Mastodon me rappelle l’époque des forums

À l’origine, le principe des instances était de regrouper les gens voulant évoquer les mêmes thématiques. On trouve des instances d’artistes ou de scientifiques. Suite au rush de ces dernières semaines, les gens sont allés s’inscrire où ils pouvaient. Je pense donc que dans l’ensemble, les instances sont devenues généralistes. Néanmoins, on est tout de même amené à croiser des gens aux envies alternatives. Linux et logiciel libre bien sûr, mais aussi écologie, véganisme, féminisme et j’en passe.

On aurait pu s’attendre à des dérives dans la modération face à la masse critique d’individus atteinte, des thématiques abordées, et pourtant les gens sont polis. Je n’ai pas vu passer dans les différentes timelines (personnelle, locale, globale) des insultes, des propos violents comme sur Twitter.

Le fait d’avoir une limite de caractères à 500 permet d’étoffer sa pensée, de moins se sentir coincé par le phrasé. On échange davantage, on prend le temps. Et j’ai envie de dire que certainement par cette qualité d’échange, on arrive à un meilleur engagement. Cela peut paraître étonnant, mais les statistiques de restez-curieux sont en augmentation, nous sommes passés d’environ 3200 visiteurs par jour à 3500. Et pourtant mon compte Twitter servait de bot, je ne fais quasiment aucune publicité pour les articles que j’écris ici. La seule différence, c’est mon activité sur Mastodon.

Car à la différence avec Twitter, c’est qu’on touche réellement les gens. On passe d’un système de masse à un réseau beaucoup plus intime et c’est ici que tout change.

Mastodon, less is more

Mastodon c’est pour moi l’illustration de l’avenir, ou disons d’un avenir. À une époque je suivais de très nombreux comptes sur Instagram, sur Facebook, de mes anciens élèves. Avec le recul, je me suis rendu compte qu’il était impossible, intellectuellement parlant, d’avoir des nouvelles de qualité, de tout le monde. Si vous regardez aujourd’hui mon compte Instagram, vous vous rendrez compte que je ne suis que 22 comptes. Parmi eux, seulement cinq comptes d’anciens élèves. Nous prenons le temps régulièrement d’échanger, parfois même de manger ensemble.

Il va falloir comprendre que le gavage qu’on nous impose, qu’on s’impose, dans l’industrie culturelle, à coup de séries, de jeux, de films, que nous reproduisons dans nos relations humaines, nous dégradent. Nous sommes devenus désormais des ogres insatiables, pour qui seule la quantité compte au détriment de la qualité.

Demander à un jeune de prendre le temps de parler, de s’intéresser à un sujet plus de quelques minutes, c’est désormais mission impossible. Il faut renouer avec le temps, ce temps dont nous sommes pourtant les maîtres, mais que nous nous laissons prendre par des gens plus malins que nous. Dopamine, scroll infini, bulles de filtres, tous les moyens sont bons pour capter notre attention.

Mastodon grâce à cette approche sans algorithme, avec moins de monde, permet de faire un véritable réseautage de qualité. Une expérience qu’il ne tient qu’à vous de vivre.

5 Comments

  1. Mastodon demande une réflexion sur son utilisation des réseaux sociaux.
    Twitter demande de l’engagement : buzz, tricheries (faux comptes), etc.
    Clairement les deux n’ont pas le même objectif.
    Au final, obtenir de l’engagement sur Mastodon n’est pas simple mais en échange, c’est de la qualité je pense.
    Pour le crosspost, je prends de Twitter vers Mastodon et pas l’inverse, ça permet d’alimenter Masto avec des choses (que je juge) intéressantes et pas l’inverse, les contacts Twitter qui veulent mes écrits Masto ont qu’à bouger leur popotin comme tu le dis autrement.
    J’ai trop de comptes à suivre pour faire du Twitter/RSS cependant mais au final ça reste une bonne expérience.

  2. Ce qui est marrant avec toutes ces dernières histoires, c’est que l’audience de Twitter se porte très bien. On se rend compte que Twitter a besoin de clash, de trucs clivants ou encore de trucs gores pour pouvoir fonctionner, le tout bien mis en avant par les algo de tris, sinon les gens se rendent compte que passer des heures sur un réseau social, quel qu’il soit, ça ne sert pas à grand chose et ça lasse.
    Masto, sans tout ça, ne retient pas les gens shootés à ce bordel. Si seulement ils pouvaient se rendre que Twitter n’est pas non plus pour eux, ça serait tip top.

  3. Comme je disais, un réseau, une utilisation. Et j’ai vu aussi des gens qui ont essayé de faire du twitter sur mastodon…dans le vide. Ils repartiront. Qui s’en plaint.
    Pour le crosspost, il faut affiner pour ceux qui le font pour trouver le bon réglage mais tu as raison, à un moment, il faut couper le cordon d’un coté ou de l’autre. Je ne pense pas que les infos de twitter repostées ainsi soient d’une folle importance et ne puissent être simplement recopiées avec un ajout un peu pertinent.
    Le crosspost, c’est un peu un outil de fainéant :p
    Pour le RSS, je n’en ai pas plus ressenti le besoin que d’essayer de conserver ça avec instagram..On peut aisément se passer de ça.
    Ne vois en effet que le soufflé retombe un peu mais il y a quand même un net engouement pour Mastodon par rapport à avant où cela ronronnait. Dans un an, il en sera encore autrement.

  4. « Les algorithmes qui vous envoient de nouvelles propositions permanentes sont pénibles. Ne suivant qu’une quarantaine de flux, je pouvais y passer des heures, en étant sollicité en permanence. Perte de temps pour à la fin en sortir et ne rien avoir appris. »
    J’ai exactement la même sensation sur Facebook actuellement. Je n’ai pour le moment pas essayé de couper le cordon.

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