J’avais déjà évoqué le monde de Troy à propos de la série Troll de Troy pour les orcs, les gobelins et les trolls. Revenons un peu sur ce qui est un des plus gros succès de la bande dessinée francophone depuis ces dernières années.
Lanfeust de Troy la série originale
Le premier tome de Lanfeust est paru en 1994. Il s’agit d’une première série de 8 tomes même si un tome 9 est paru en 2021. Dans le monde de Troy, la grande majorité des gens ont un pouvoir magique. Pour qu’il fonctionne, il faut être à côté d’un mage. Lanfeust notre héros de l’aventure est forgeron, il a comme pouvoir la possibilité de faire fondre du métal. Il vit ainsi paisiblement jusqu’à ce qu’un chevalier lui présente une épée qui réveille en lui la totalité des pouvoirs. La poignée est faite d’ivoire du Magohamoth, animal légendaire que Lanfeust et ses compagnons vont essayer de retrouver.
Lanfeust dans sa quête, est accompagné du mage Nicolède et de ses deux filles Cixi et C’ian. Cette dernière est sa fiancée officielle même si Cixi passe son temps à l’allumer. Ils seront rejoints par le troll Hébus, un troll enchanté. Comme nécessairement il faut un méchant, ce sera Thanos le pirate qui partage le même pouvoir que Lanfeust. On comprend alors que l’ivoire devient un objet de convoitise, le premier qui le trouve domine le monde.
Une bande dessinée plaisante mais pas exempte de défauts
De façon évidente, Lanfeust est une bonne bande dessinée. De l’humour, de l’action, une bande dessinée populaire dans le sens positif du terme.
Elle cultive toutefois deux problèmes pour ma part. La volonté d’être drôle tout le temps finit par nuire. C’est une critique qui sera d’autant plus palpable sur les séries suivantes. En effet, certaines cases ou mêmes planches sont destinées à faire un gag et ne font en rien avancer l’histoire. Le nombre de références est conséquent. Publicité, cinéma, et même des privates jokes entre les auteurs avec certains personnages d’autres séries de bd qui apparaissent.
Le second problème concerne les très nombreuses inspirations d’Arleston. Dans les mondes magiques de Xanth de Piers Anthony paru en 1977, chaque habitant de la planète a un pouvoir… On peut considérer que c’est un hommage, pour ma part, je pense que c’est la réutilisation de formules qui fonctionnent. Comme Trolls de Troy qui s’inspire très largement de l’univers d’Astérix dont il est la transposition en plus gore.
Cixi de Troy
Cixi est un des personnages centraux de l’histoire. La jeune femme au tempérament de feu a le pouvoir de vaporiser ou de glacer l’eau. Elle use et abuse de son pouvoir pour les mauvaises raisons, notamment pour harceler Lanfeust dont elle est amoureuse. Dans le tome 5 de l’aventure, une forte engueulade fait exploser le groupe. Cixi décide de faire cavalier seul et va devenir la maîtresse de Thanos qui a pris le contrôle d’Eckmül, la capitale.
On va découvrir sur trois tomes comment durant cette période, elle devient impératrice (Cixi impératrice, voyez le niveau), et justicière masquée la nuit. En effet, elle finira par prendre la tête de la résistance contre Thanos. Si Arleston est encore et toujours au scénario, c’est Olivier Vatine qui prend le dessin. On lui doit par exemple la série Aquablue, il a fait partie des dessinateurs particulièrement côtés dans les années 90. Comme on peut s’en douter, le dessin est parfaitement maîtrisé.
L’histoire quant à elle apporte un complément, mais qui n’est en rien indispensable à la compréhension de l’histoire globale. On apprendra comme Cixi devient une combattante hors pair en devenant pirate ou encore d’où vient sa chauve-souris géante. On notera enfin une cohérence intéressante avec le récit original puisqu’on va revoir certaines scènes de Lanfeust mais sous un autre angle.
Lanfeust des étoiles
Faire une suite à Lanfeust n’était pas chose évidente, il fallait une véritable rupture. Arleston la trouve en partant dans les étoiles. En fait, les habitants de Troy avaient des prédispositions à des pouvoirs psychiques. La colonisation de la planète était une expérience visant à faire émerger des superpouvoirs. Lorsque Thanos et Lanfeust arrivent au pouvoir suprême, les propriétaires de la planète sont avertis et viennent les récupérer pour de nouvelles aventures. Il s’agira de lutter contre une race extra-terrestre qui veut prendre le contrôle de l’univers.
La maîtrise de l’espace n’est pas problématique pour Arleston à qui l’on doit la série Les naufragés d’Ythaq. Graphiquement, c’est très bon, Tarquin a fait de très gros progrès durant ces années, et gère parfaitement ses personnages. De la même manière, les combats spatiaux, les décors, le dessinateur montre vraiment dans cette série l’ampleur de son talent. En outre, pour l’histoire, c’est nettement moins réussi. L’histoire part dans toutes les directions jusqu’à un saut temporel qui va créer un lourd décalage d’âge entre Lanfeust et ses amis.
Pour ma part, la série a réellement perdu de son intérêt avec cette aventure.
Les conquérants de Troy
Pour enrichir encore cet univers, pourquoi ne pas carrément remonter aux origines de la colonisation de Troy ? Les conquérants de Troy racontent l’histoire d’un groupe de colons avec des prédispositions « psy » qui débarquent sur la planète. On va suivre les aventures de Page et de son frère séparés de leurs parents qu’ils recherchent. Les débuts sur la planète sont compliqués, on exploite en effet les individus sans pouvoir pour construire une tour qui catalyse la magie. Le frère de blanche est capturé, en le délivrant, elle va tomber sur un certain bucheron Eckmül.
Initialement prévu en cinq tomes, la série reste coincée sur le tome quatre, il manque de façon indéniable une fin. Et c’est pourtant dommage, cette série ne manque pas de qualité. Un dessin solide avec Tota qui avait repris la série Aquablue de Vatine cité dans ce même post. Et puis beaucoup moins d’humour potache qui pour moi parasite la série, presque sérieux au profit de l’aventure. Ne vous attendez pas à de grosses découvertes, c’est certainement ici le bémol sur la bande dessinée, on aurait voulu qu’Arleston arrive à faire davantage de lien entre le passé et le monde de Troy actuel.
Lanfeust Odyssey
À son retour de « l’espace », comme je l’ai écrit plus haut, Lanfeust a fait un saut temporel qui fait qu’il a seize ans d’écart avec tout le monde. Ne trouvant plus sa place auprès des siens, il décide de retourner avec Hébus sur Troy pour poursuivre de nouvelles aventures. Cette question d’âge est assez fondamentale et illustre quelque part un emprunt, une fois de plus, à Dragon Ball. Dans Dragon Ball, Son Goku devient tellement puissant qu’en le faisant rajeunir, on peut relancer l’aventure. Ici le concept est exploité dans le sens inverse. Lanfeust a à peine 18 ans, personne ne comprend que le jeune homme n’a pas vieilli. De statut de légende, il devient totalement anonyme. Rajoutons à cela qu’il a rendu le pouvoir absolu, ce qui permet de repartir pour dix nouveaux tomes.
La construction est assez étrange puisque la bande dessinée commence par un diptyque qui est suivi par huit tomes d’une aventure complète. Il faut dire que cela fonctionne pas mal. On se retrouve en terrain très connu et des références à l’histoire d’origine. On retrouve C’ian devenue mère de famille et parmi ses filles Cixi, le sosie de sa tante qui en fait voir à son futur mari. Après donc cette introduction de deux tomes tout de même, le récit de huit tomes s’ouvre sur une scène choc que je ne spoilerai pas, mais qui casse avec ce qu’on connaît.
Une réussite
Je trouve que Lanfeust Odyssey est une réussite. Un être maléfique apparu d’une porte des étoiles s’en prend à la planète entière. Lanfeust va une fois de plus jouer les héros et sauver le monde. Beaucoup de positif dans cette série. Un dessin toujours à la hauteur, moins de blagues à deux balles, Arleston pioche dans Lanfeust des étoles et dans Lanfeust de Troy pour alimenter sa série avec pas mal de guest qui sont de retour. Et puis un vrai méchant bien pire que Thanos. Je regrette pour ma part la fin, que je qualifierai de bâclée par rapport à la montée en puissance de l’ouvrage. Cela ne gâche en rien la lecture.
D’autres histoires issues du monde de Troy
Comme souvent dans la bande dessinée franco-belge, quand quelque chose fonctionne, on va exploiter le filon jusqu’à écœurement. Il n’y aura finalement que Tintin qui est mort avec Hergé. Arleston quant à lui est bien vivant et nous propose du Troy sous toutes les coutures.
Avec les Gnomes, il nous propose des histoires courtes où l’on retrouve Lanfeust enfant. On est dans de l’humour de base pipi caca qui n’est pas sans rappeler Titeuf. L’heure de la gargouille est un one shot que j’ai trouvé assez intéressant. Il s’agit d’un barbare qui débarque dans une ile où des gargouilles mangent les immeubles. À l’instar du joueur de flute de Hamelin, il a le pouvoir de les attirer en jouant du tambour. Le dessin de Cassegrain est assez original. L’histoire est très plaisante et aurait pu se passer dans un autre univers que Troy dont elle se contente de porter le nom.
Tykko des sables nous entraîne dans le désert, loin de Eckmül, loin de la magie. Les mages dans cette zone sont vénaux et font payer la magie à la seconde. Tykko n’a pas assez de temps pour sauver sa mère, il va rapidement se retrouver orphelin. Tykko est en fait le fils d’un pillard du désert et son père vient le retrouver. Il a le pouvoir de communiquer avec les morts et il est obsédé par une jeune femme qui lui demande de l’aide. Belle aventure à la Laurence d’Arabie et à la Dune avec lesquels les références sont palpables, beaucoup d’action soutenue par l’excellent dessin de Keramidas.
Il existe d’autres séries, diptyques ou one shot autour de l’univers de Troy, je vous laisse le soin de les découvrir. Je n’ai pas lu le tome 9 de Lanfeust de Troy. On peut se dire que si Arleston l’a fait, c’est qu’il y a encore de nombreuses aventures à vivre pour Lanfeust et ses amis. Et certainement de l’argent à gagner !