Les problèmes que rencontre le journal du hacker, me permettent de mettre les mots sur un billet que je veux écrire depuis quelque temps et qui aurait pu s’écrire, restez-curieux ou la presque erreur de projet.
Le projet restez-curieux à l’origine
Restez-curieux a vu le jour en 2020 en plein COVID. J’ai du mal à me remettre réellement dans le contexte de l’époque, mais je connais mes modes de fonctionnement. La volonté de créer, restez-curieux, c’était de faire un site productif. J’entends par productif, un site sur lequel on apprendrait quelque chose. J’ai jugé à l’époque que pour apprendre quelque chose, il fallait le décontextualiser du personnage : moi. Décontextualiser de ma personne, c’est rendre le message neutre et ne pas tomber dans l’aigreur de façon systématique. Avec les années, on finit par se connaître, par être peut-être plus lucide. Rageux un jour, rageux toujours, je finis toujours par rager.
Je pense que je voulais aussi en finir avec le mélange des genres. Raconter ma vie dans un billet, faire la correction d’un sujet de BAC PRO, donner son avis sur une bande dessinée, je pense que raconter sa vie était de trop. On notera que je continue à raconter ma vie ici, mais je le fais de manière différente. En effet, j’intègre mon expérience dans un billet. Ce qui doit prendre la première place, c’est l’objectif de la définition de projet en m’appuyant sur mon expérience.
Il y avait aussi la volonté d’avoir un site de référence où envoyer mes élèves. J’utilise toujours restez-curieux de cette façon. En effet, quand un élève n’a pas compris quelque chose, était absent, j’ai de la ressource écrit dans un style qu’il connait puisqu’il m’a comme prof. En fin d’année scolaire par exemple, quand les élèves font des sujets d’annales, ils ont la correction en ligne.
Enfin, restez-curieux était l’opportunité de ne plus être seul. Monter un site avec Benjamin c’était et cela reste une bonne chose. Je vais essayer de motiver d’autres collègues pour continuer d’alimenter le site.
Réinventer la roue, mauvaise idée.
J’ai écrit un article sur l’effet Streisand. L’article est synthétique, il me fait une référence que je peux sortir à quelqu’un ou je peux m’autociter, mais en fin de compte, il ne sert absolument à rien. Je dirai même que je rajoute du bruit ou de la pollution sur internet. Si je veux un bel article sur l’effet Streisand je l’ai sur Wikipédia. Même si on peut discuter de la centralisation de l’internet et de ses mauvais effets, Wikipédia, si elle reste une encyclopédie centralisée, a la force du logiciel libre. Du gros logiciel libre. Du financement, une multitude d’auteurs, des gens qui corrigent, des rajouts. Même s’ils sont nombreux à avoir démontré les limites de Wikipédia, en y glissant de fausses informations, le modèle fonctionne même s’il n’est pas parfait.
Il s’agit d’un changement de vision avec les années. J’essaie d’éviter d’écrire quelque chose qui est déjà écrit. Pour être plus précis, si je dois écrire quelque chose de purement lapidaire que je ne peux pas enrichir de mon expérience, cela ne sert à rien. Concrètement, si je devais écrire aujourd’hui un billet sur l’effet Streisand, je ne le ferais que si j’avais une plus-value à apporter sur le sujet.
À partir de ce postulat, on comprend que l’orientation des billets tombe nécessairement dans l’opinion, le vécu, le personnel, l’expérience. Et si je me raccroche au premier paragraphe, il me paraît important d’être vigilant, à savoir ne pas tomber dans le côté rageux de l’expression d’opinions trop négative.
De l’importance de la définition de projet
Aujourd’hui, restez-curieux est un projet défini, nous savons où nous allons. Et j’ai envie même de dire pire, nous savons quand il finira. Aujourd’hui, nous sommes deux, demain peut-être cinq. Je sais qu’avec ma cadence d’écriture, une certain lectorat libriste qui me suit depuis quelques décennies, le site sera enterré avec moi. Car et c’est aussi l’importance de définir les objectifs, c’est de poser la première pierre et d’imaginer l’achèvement.
Comme je l’écrivais plus haut, il y a quelques avantages à la maturité. Quand je vois que certains blogueurs qui ont franchi la quarantaine sont sur toutes les plateformes pour exister, je les plains. Bien sûr, il s’agit de leur business, si bien qu’ils n’ont pas d’autres choix que d’être présents partout. Néanmoins, lorsqu’on sait que la vidéo, c’est l’apologie du jeunisme, de la qualité, je les plains pour le temps à consacrer, pour l’image à maintenir.
Dans ma définition de projet, je sais que je vais me focaliser uniquement sur l’écrit avec un public qui ne va pas en rajeunissant. Un public qui vieillit avec moi. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas de vidéo, c’est une possibilité que je me réserve, mais elles ne seront pas comme maths à l’arrache où on faisait en une prise sans se préoccuper de la qualité. Si je devais repasser devant la caméra, ce serait pour du qualitatif, donc un montage certainement réalisé par Benjamin.
Ainsi, ce qu’il me paraît important de retenir dans le cas de restez-curieux, ce sont les choses suivantes :
- Une ligne éditoriale plutôt bien définie autour de la culture et de la réflexion de façon générale, sans se limiter à des domaines bien précis. J’entends par là que j’ai fait une chatière DIY. On ne se limite pas tant qu’on présente les choses sous la forme réflexion, découverte, apprentissage.
- S’y tenir. De ce côté, je pense que depuis 2020 on n’est pas trop mauvais.
- Connaître l’importance du projet et son but final. Restez-curieux c’est un NDD et un hébergement mutualisé. Il n’y a pas d’enjeu ou d’argent derrière.
Quid du journal du hacker ?
Origine et fonctionnement
Le journal du hacker existe depuis dix ans et démontre pas mal de choses, notamment que je m’étais trompé pour finir par avoir presque raison. Le journal du hacker a pour but d’agréger les actus qui traitent du logiciel libre, du courant libre de façon générale. À l’époque, j’expliquais qu’on réinventait la roue de manière inutile puisque existait le planet-libre qui réalisait plus ou moins la même chose. Il y a tout de même des différences assez importantes :
- Pour le planet-libre, le blogueur rajoute son tag planet-libre et l’article apparaît automatiquement sur le planet. Ici n’importe qui peut venir mettre un article et le présenter.
- Un classement est proposé pour ceux qui possèdent un compte. Il est ainsi possible de faire monter un article dans le classement. Le top dix des articles est repris dans le billet de blog officiel chaque semaine.
- Il est possible de commenter les articles sur la plateforme et cela faisait partie de mes reproches à l’époque. En effet, le jdh a besoin des articles pour exister, mais déplace la conversation du blog vers la plateforme. En 2024, c’est différent, de nombreux sites n’ont plus de commentaires et déplacent vers les réseaux sociaux. Je continue de penser que les commentaires enrichissent l’article, cela dépend du commentaire bien sûr. On se dit toutefois que si des sites professionnels le font, c’est que les commentaires sont plus une plaie qu’autre chose. En fin de compte, si ça buzze sur les réseaux, tant mieux, mais ça ne pollue pas l’article initial et évite de faire de la modération. Cela nous donne quand même une drôle de vision du monde.
Quelle communauté ?
Cascador dans son article évoque les difficultés financières, pas seulement, puisqu’à la fin, il se retrouve seul. Je vous laisse lire l’article. Si on reprend ce que je viens d’écrire sur la définition de projet, il y a quelques points qui me paraissent dysfonctionnels sur le jdh. Attention, il ne s’agit pas d’une critique, étant donné que je ne ferai rien pour le site, mais seulement d’une opinion qui essaie de rester constructive.
Le jdh a une volonté d’être communautaire et c’est ainsi qu’il est construit, toutefois, à titre personnel :
- Je suis abonné au flux RSS, je n’ai aucune interaction ou presque avec le site.
- Si à une époque je faisais l’effort de poster quelques articles qui ne sont pas les miens, la scène francophone libre s’est tellement réduite qu’il est difficile de trouver des articles. Les fois où il m’est arrivé de vouloir poster certains articles, les hashtags définis m’ont fait abandonner. Souvent d’ailleurs Cascador dans la modération a dû repasser derrière, corriger le bon tag
- Je ne vais jamais sur la plateforme faire monter les articles ou descendre. Je pense que si quelqu’un partage quelque chose, soit ça rentre dans le cadre, soit cela ne rentre pas. Je ne vois pas l’intérêt de classer. Si à une époque, on pouvait être englouti sous la masse d’articles, aujourd’hui ce n’est plus le cas. C’est à mon sens à chacun de lire ou non les articles relayés. Par exemple, il y a une série sur Ansible qui doit certainement être de qualité, car écrite par Microlinux mais cela ne m’intéresse pas.
- Quand il m’arrive d’écrire un article sur le logiciel libre, parfois je vais faire mon autopromotion sur le jdh. En effet, d’un point de vue statistiques, il apparaît que c’est un véritable bonus pour le trafic. Je ne suis pas le seul à le faire, on se rend compte que beaucoup de gens qui ont posté l’ont fait pour leur propre article, ce qui nous ramène à un fonctionnement similaire au planet-libre.
Par le fait, je ne m’inscris pas dans la communauté du jdh, je suis un simple profiteur. Je ne vois pas de raisons particulières d’avoir un autre mode de fonctionnement. Dans une définition de projet, si on cherche la communauté, il y a un problème. Si on veut conserver l’interaction, l’échange, alors il faudra trouver d’autres leviers.
Les pistes et peut-être un problème de fond
Dans les solutions proposées, on peut voir apparaître Lemmy. Si je ne me trompe pas, il s’agit de l’alternative libre à Reddit. En effet, Reddit n’est pas un projet libre, il vend des données personnelles. Je ne connaissais pas Lemmy, je vais jeter un coup d’œil pour voir si c’est pertinent. En parcourant rapidement, on voit que ça commente pas mal avec des gens qui savent s’exprimer. L’autre possibilité c’est aussi de s’associer aux liens de LinuxFr. Une initiative que j’avais du mal à comprendre puisqu’elle reproduisait ce que faisait le jdh. La différence ici, peut-être, c’est que LinuxFr possède sa communauté.
Pour moi le problème reste la communauté dans le sens large. On fait le constat aujourd’hui que les gens utilisent les réseaux sociaux pour se mettre en avant. Nous sommes passés du nous les forums à je le réseau social. Ce phénomène induit de la dispersion et un problème d’engagement qui ne se retrouve pas que dans le logiciel libre.
C’est peut-être triste, mais la fameuse diversité proposée par le logiciel libre montre ses limites. Il est peut-être temps de se raccrocher seulement aux gros projets et de les faire vivre. Si LinuxFr aujourd’hui représente le canal majoritaire du logiciel libre et de Linux, alors il faut peut-être avoir le courage de raccrocher les gants et de se rallier à lui, faire vivre un agrégateur de lien là bas.
Ce qui est sûr c’est qu’on voit ici la difficulté de tout projet, souvent porté par des personnes seules, et c’est vers ceci qu’il faut tendre : le groupe. Le groupe pour partager, pour décharger, pour avancer.
Et le projet mené seul c’est souvent le problème car sur la longueur on perd du monde. J’en ai mené plusieurs dont deux en lead et un en participant, en dehors du libre. Entre petites trahisons, aspect démodé ou concurrent plus pertinent avec plus de modus, on trouve des raisons d’arrêter et de mettre son ego en veilleuse. Reste a aussi partager la ligne directrice et la faire vivre.
Lemmy, c’est un logiciel libre que tu dois héberger par toi-même.
Il fournit en effet un clone de Reddit (libre et ouvert).
Autre point important : il repose sur le protocole ActivityPub, le même derrière MAstodon, ce qui fait que tu peux « fédérer » les instances et interagir avec le même compte entre elles (à tester), comme avec Peertube, le pendant libre et ouvert de YouTube.
Le JdH et LinuxFr ont une interface des années ’90 qui m’a toujours rebuté, donc bon… Reste que si ça reste inévitable, la communauté n’est pas forcément plus active en dehors de son propre cercle…
J’ai regardé les instances Lemmy, c’est pas foufou. Déjà, on constate des abandons, on comprend que ça n’a pas le succès de Reddit. Après, c’est comme pour tout, c’est une question de choix.