Cours : dépoussiérage annuel

L’an dernier, je n’avais pas fait le dépoussiérage traditionnel ou disons de simples retouches. Il ne faut pas confondre paresse que je connais bien avec des enseignants qui n’ont pas touché leur cours depuis 20 ans et éparpillement. En effet, dans notre métier dans lequel on vit dans la culpabilité et la culpabilisation, on peut rapidement tomber dans le piège de tout jeter et de tout refaire. Avec de la bouteille, avec la retraite encore loin, mais qui se rapproche, on comprend que c’est un piège.

Il serait en effet stupide de jeter quelque chose qui fonctionne. Et c’est certainement l’un des problèmes de fond de l’éducation nationale. À force de voir le niveau plonger, on pense que c’est en partant dans toutes les directions et en suivant toutes les tendances qu’on va réussir à trouver la solution. Et bien sûr, courir dans toutes les directions, c’est prendre un chemin et son contraire dans la même année. On peut par exemple évoquer un ministre qui parle de trop d’écrans, mais continuer d’équiper les élèves dès la sixième. Une idée qu’on a piquée chez les Scandinaves qui font marche arrière.

Il n’est donc pas honteux d’avoir quelque chose qui marche, et d’être conscient de ce qui ne marche plus.

Sesamaths n’est plus adapté à mes élèves

Lorsque je suis arrivé dans mon établissement et qu’on m’a demandé de choisir le livre de maths des collégiens, le manuel Sesamaths cycle 4 semblait une évidence. Seulement, comprenez que le dépoussiérage, s’il concerne les profs, concerne aussi les manuels. Le livre date désormais de 2016 et n’est plus adapté à mes élèves. Il ne s’agit pas de cracher dans la soupe de l’association qui produit un travail indispensable dans ce monde malsain du livre scolaire. Tout est accessible en ligne gratuitement, ce qui fait que je rappelle à mes élèves la disponibilité s’ils oublient le livre en classe.

Sesamaths pose tout de même un problème de base et ce n’est pas sa faute. J’enseigne en troisième de l’enseignement agricole. Si le programme est le même, le niveau d’exigence ne l’est pas. Il n’y a donc pas vraiment de livres adaptés à mes élèves. Il y a le livre de l’inspecteur de l’agricole, mais je n’ai plus envie « d’investir » dans un manuel. Cela fait des années que je demande le changement, mais on ne me l’autorise pas. Lycée privé agricole et la région ne font pas bon ménage. Depuis deux ans, nous n’avons plus non plus de documentaliste. Je ne voudrais donc plus tomber dans le piège du livre avec un niveau des élèves qui évolue régulièrement. En effet, on sent qu’année après année, c’est de plus en plus compliqué.

Trop dur, pas de scratch

Sesamaths est trop dur pour mes élèves et Sesamaths n’a pas d’exercices Scratch à chaque chapitre. Jusqu’à maintenant, je faisais un chapitre Scratch unique et c’est finalement une mauvaise idée. J’ai fait un peu le tour des livres et il apparaît que pour des élèves de troisième, le mieux ce sont encore les annales. On se rappelle en effet que Scratch c’est une épreuve écrite au DNB de maths.

Voici avec l’exercice du jeu de cartes une difficulté à laquelle on est désormais confronté. Les élèves ne savent plus ce qu’est un jeu de cartes. Il faut donc une illustration ou le faire soi-même au tableau. On comprend ici que la liberté de faire les exercices « soi-même », c’est du copier-coller avec une image, permet d’adapter les questions et les énoncés.

Et de la même manière, la possibilité d’avoir dans les exercices, un scratch même s’il est du DNB général. De cette façon, on maintient le niveau toute l’année. J’ai modifié un peu de façon à ce que soit plus simple.

Faire des automatismes de façon plus régulière

J’ai corrigé cette année encore le DNB, alors que mes collègues trouvaient le sujet facile, j’annonçais la catastrophe. Ça a été globalement le cas. Le calcul de volume longueur × largeur × hauteur et c’est le drame. Une formule vue, revue, et encore revue, ça ne rentre pas pour plus de la moitié des élèves. Même si au niveau du découpage d’une séance de cours ça demande davantage de rigueur, démarrer avant la Noël des petits contrôles sur ce qu’on a fait, de cinq à dix minutes, me parait indispensable.

Malheureusement, c’est dans ce genre de circonstances où l’on se rend compte qu’on ne sert à rien ou pas à grand-chose. J’ai regardé les résultats de mes élèves. Sans surprise, les gamins qui étaient sérieux durant toute l’année s’en sont sortis. Où le constat est plus alarmant, ce sont ceux qui ont totalement relâché la pression dans le courant de l’année scolaire. La difficulté, pour le jeune, n’est pas tant l’évaluation ponctuelle sur le chapitre en cours, mais le maintien des connaissances sur le long terme.

On réalise que des élèves qui ont un très bon niveau scolaire prennent une note en dessous des attendus pour le DNB, car ils ne savent plus faire un Thalès ou un Pythagore. L’automatisme a pour intérêt de maintenir les connaissances, d’éventuellement faire baisser les moyennes des talentueux qui glandouillent et de monter celles des besogneux.

Un élève de troisième

Apprendre à se faire plaisir

Vous noterez que j’évoquais plus haut la culpabilité de mal faire et la culpabilisation omniprésente dans notre métier. Aujourd’hui, si tu ne travailles pas avec les IA, si tu ne programmes pas un robot, si tu n’as pas douze niveaux différents et des polices adaptées à chacun de tes élèves, tu es nul. Alors qu’on appelle à la bienveillance omniprésente pour nos élèves, pas de pitié pour les profs.

La classe de troisième est une classe d’examens, et on a peur de ne pas finir le programme. On a donc tendance à tomber dans une routine de bachotage qui nous ferait rater l’essentiel, se faire plaisir. Le temps, on le prendra en faisant moins d’exercices répétitifs et en variant les exercices. Si de plus, on fait des automatismes, les élèves auront davantage de ces fameux exercices de répétition qui pointent si on sait appliquer ou non.

Se faire plaisir pour ma part, cela va être plus d’histoire dans les cours de maths et des tentatives de TP en extérieur. Avec une classe, j’ai fait l’an dernier une mesure expérimentale du théorème de Thalès qui a plutôt bien fonctionné. De la même manière, je contextualise les grands théorèmes, Pythagore et Thalès, dans l’histoire. Face au manque culturel de nos jeunes, montrer une carte de l’Europe, la Grèce, expliquer que Pythagore était champion de boxe, j’aime ça. C’est de la culture, ça donne du sens.

Voici un peu ce que je prévois pour mon dépoussiérage. Ce n’est pas si long à faire, le chemin est agréable, notamment pour les recherches où l’on découvre la Pascaline, l’ancêtre de la calculatrice !