RN aux racines d’un nom et d’un logo

L’actualité m’a donné envie de remettre à jour (grosse MAJ…) cet article sur le nom et le logo du RN. Tous les partis s’appuient sur leur histoire, proche ou lointaine. Ils en sont les héritiers, en perpétuent les traditions et les idées.

Par exemple, quand Ciotti, chef des Républicains, veut faire alliance avec le RN, tous ses collègues indignés invoquent la figure du général De Gaulle qui a toujours été combattu par l’extrême droite ou celle de Jacques Chirac, inflexible face au FN. Quand les partis de gauche décident de s’unir face à la menace extrémiste, ils choisissent quoi comme nom ? Le Front Populaire. Faisant référence à ce mouvement qui a unifié les forces de gauche et les syndicats face au péril fasciste en 1936 avec Léon Blum comme leader…bref, tous les partis font ça. Tous ? Pas tout à fait, car certains tentent de faire oublier un passé pas très reluisant comme le RN.

En 2018, Marine Le Pen, pour « dédiaboliser » le « Front National » décide de changer le nom de son parti pour le R.N. (Rassemblement National). En effet, elle espère ainsi rendre le parti plus présentable et faire oublier le passé de son père. Un héritage devenu bien trop encombrant, entre un passé personnel sulfureux et de très nombreux dérapages médiatiques qui lui ont valu d’être condamné de nombreuses fois pour apologie de crimes de guerre, incitation à la haine raciale, propos antisémites, etc.

Ainsi, pour acter ce changement de nom en « Rassemblement National », madame Le Pen le fait valider par ses militants (81% de oui). Elle déclare alors pour l’occasion :

Ce changement de nom ferme un chapitre de l’histoire de notre mouvement national ouvert il y a un peu plus de quarante-cinq ans, mais c’est pour mieux en ouvrir un autre qui, je le crois, ne sera pas moins glorieux.

Marine Le Pen

Fermer un chapitre ou retour aux origines ?

Mais le FN, en changeant de nom (RN) pour faire oublier qu’il est d’extrême droite, a choisi le nom d’un parti fasciste et collaborateur… c’est ballot !

En effet, en février 1941, Marcel Déat fonde le « Rassemblement National Populaire » (RNP), parti collaborationniste. Il avait pour but « le nouvel ordre européen ». Comprenez : « la victoire du nazisme en Europe ».

Marcel Déat sera en 1944 ministre du Travail et de la Solidarité Nationale du régime de Vichy. Son parcours est pour le moins singulier : Il commence sa carrière politique à la SFIO, chez les socialistes. Pendant quelques mois, il aura été ministre de l’Air sous l’étiquette U.S.R (Union des Socialistes Républicains) en 1936. En 1939, il s’oppose farouchement à l’entrée en guerre de la France. Quand Pétain, signe l’armistice, le 22 juin 1940, il s’empresse de le rejoindre et appelle à la collaboration. Bien entendu, il quitte la France en août 1944 et prend la route de l’exil direction l’Italie où il terminera ses jours (1955).  Il sera condamné à mort par contumace en juin 1945.

Des logos tristement célèbres (RN P)

Revenons-en au RNP. Comme tout bon parti d’inspiration « national-socialiste », le RNP se déclinait dans différentes versions : « Jeune » avec les JNP (Jeunesse nationales populaires), des dérivés syndicalistes comme le FST (Front social du travail), « Union de l’Enseignement » qui regroupait les profs fascistes, le « Centre paysan », etc.

On notera la forte ressemblance du drapeau à celui des nazis (voir plus haut), mais aussi l’utilisation d’emblèmes comme celui-ci : Un poing tenant trois torches encadré d’un fer à cheval.

La « Milice Nationale » au service du RNP avait ce logo : une tête de bélier zodiacal coiffée d’une flamme tricolore. Tient tient… Où a-t-on déjà vu cette flamme ?

Le RN déjà utilisé par Jean-Marie Le Pen

Saviez-vous que Jean-Marie Le Pen avait lui aussi utilisé ce nom 30 ans plus tôt ? Pour être plus précis, pour les cantonales de 1985 et aux législatives de 1986… 

D’ailleurs, l’un des modèles de Jean-Marie Le Pen en politique, Jean-Louis Tixier-Vignancour,  avocat de l’OAS ayant participé au gouvernement de Vichy, avait fondé un parti en 1954 s’appelant déjà Rassemblement National Français… Pour info, l’OAS (organisation de l’Armée Secrète) était une organisation terroriste qui a tué plus de 2000 personnes, et dont le but était de défendre une Algérie Française. L’OAS a même tenté de tuer le général De Gaulle.

Bref,  “Rassemblement National” est un nom très bien choisi !

Il est temps maintenant de parler du logo qu’arbore le RN : une flamme tricolore. Flamme héritée du FN. Donc logiquement, replongeons-nous dans la création de ce parti.

La création du Front National bien avant le RN

En 1972, Jean-Marie Le Pen fonde le « Front National ». « Front National » … où est-ce que j’ai entendu ce nom ?

Est-ce un hommage au « Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France », Mouvement de résistance créé en 1941 par…des communistes ? J’en doute fort.

Par contre, si l’on creuse un peu, on trouve un « Front National » créé en 1934 par Pierre Taittinger (futur pétainiste), qui souhaitait unifier toutes les ligues nationalistes, antirépublicaines, pour lutter contre les partis de gauche. Là, on est en terrain connu…

On peut aussi parler du Front National Ouvrier paysan, parti fasciste et antisémite créé en 1933 par Henry Coston. Ce monsieur collaborera durant l’occupation et sera condamné aux travaux forcés à vie en 1947. Il sera gracié en 1951 pour raison médicale. Une référence à l’extrême droite.

Mais je m’égare. Donc Le Pen fonde, ou refonde, le 5 octobre 1972, le Front National pour l’unité française, avec Alain Robert d’Ordre Nouveau, un mouvement néofasciste ultra violent, qui d’ailleurs, sera dissous l’année d’après en 1973.

À leur côté, on retrouve François Brigneau, ex-milicien vichyste, Roger Holeindre, ancien membre de l’OAS, Roland Gaucher, ancien collaborateur et ancien du RNP et j’ai gardé le meilleur pour la fin… Savez-vous qui l’on va retrouver au poste de trésorier ? Pierre Bousquet, ancien Waffen-SS de la division Charlemagne. Que du beau monde !

Le nouveau logo est adopté ce jour-là en même temps que les statuts du parti. Cette flamme peut nous faire logiquement penser à la flamme du parti collaborationniste RNP évoquée plus tôt, car Roland Gaucher, un des membres fondateurs du FN appartenait à ce parti. Oui, on aime les flammes chez les fascistes…Eh bien non !

Le logo du RN viendrait d’ailleurs…

En fait, la flamme ne viendrait pas du R.N.P, parti fasciste français, mais du M.S.I (Mouvement Social Italien). Il s’agit d’un parti néo-fasciste italien fondé en 1946 par Giorgio Almirante, après l’interdiction du « Parti National Fasciste » de Mussolini. Comme quoi, quand on veut récupérer un symbole fasciste, autant se tourner vers son pays d’origine !

Rien d’étonnant puisque c’est entre autres « Ordre Nouveau » que l’on retrouve à la création du FN. Comme dit plus tôt, Ordre Nouveau est un mouvement ultra-violent rassemblant des néofascistes nostalgiques de Pétain et de l’Algérie française. Ce sont même eux qui vont négocier une aide financière de MSI, car au début, le FN/RN est sans le sou.

C’est comme ça que les fascistes italiens participèrent aux premières campagnes du FN en fournissant leur logo et en imprimant également les tracs du parti. Au total, MSI dépensera 1 300 000 francs en offrant au FN 600 000 affiches, 500 000 journaux et 1 000 000 d’autocollants.

Le FN pourra tirer dans cette réserve d’affiches durant des années. Merci la solidarité fasciste !

Alors que représente ce logo ?

Le socle symbolise la tombe de Mussolini, oui, oui, dictateur italien fondateur du fascisme et allié de l’Allemagne Nazie. La flamme sur le dessus représente, d’après l’historienne Valérie Igounet, « une affiliation à une mystique fasciste. Elle enjoint à la fidélité au passé et se projette vers l’avenir ».  D’ailleurs le sigle MSI, pour rappel Mouvement Social Italien, avait un double sens et voulait aussi dire « Mussolini sempre immortal » (Mussolini toujours immortel).

En 2011, Assunta Almirande, veuve du fondateur du MSI, lors d’un échange avec Marine Le Pen dira :

« Elle sait qu’on lui a donné notre symbole (la flamme) » et d’insister « Vous avez conservé la flamme !», forçant Marine Le Pen à lui répondre « On vous l’a empruntée, on a soufflé dessus »…

et Assunta Almirante d’enchainer devant une Marine Le Pen gênée :

«J’aimerais dire un mot à mon amie que je connais depuis de nombreuses années. Je vous rappelle que le FN a vu le jour avec Jean-Marie Le Pen et Giorgio Almirante. Nous sommes très heureux qu’elle prenne la relève de son père »…

Voilà donc la présidente du FN, adoubée par la veuve d’un fasciste.

Donc voilà, depuis des années le RN crie sur tous les toits qu’il n’est pas d’extrême droite… mais malgré son changement de nom, il fait toujours référence à ce passé, en faisant semblant de l’oublier. La flamme de Mussolini, modernisée certes, est toujours présente et nous éclaire sur les origines fascistes du parti.

Sources :

Histoire du logo de deux « partis frères » entre France et Italie (1976-2016), Centre d’Histoire et Science Po, 2016.

Histoire de l’extrême droite en France, Claude Latta, Centre social de Monbrison, 2002.

Extrêmes droites en Europe : Le retour ?, Pascal Perrinau, CEVIPOF CNRS, avril 2011.

Aux racines du FN, l’histoire d’un mouvement, Ordre nouveau, par Nicolas Lebourg, Jonathan Preda et Joseph Beauregard, Fondation Jean Jaurès, 2014.

D’où vient la flamme du FN ? par Valérie Igounet, L’Histoire n°400, 2014.

https://www.lhistoire.fr/do%C3%B9-vient-la-flamme-du-fn

https://www.tf1info.fr/elections/fn-que-signifie-cette-flamme-que-marine-le-pen-ne-veut-plus-voir-2001131.html

https://www.retronews.fr/politique/echo-de-presse/2018/03/14/ce-quetait-le-rassemblement-national-populaire

https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/06/01/marine-le-pen-annonce-que-le-front-national-devient-rassemblement-national_5308450_823448.html

https://www.liberation.fr/checknews/2018/03/13/est-il-vrai-qu-il-existait-un-rassemblement-national-populaire-collaborationiste_1653353/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rassemblement_national#Origines

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_social_italien_%E2%80%93_Droite_nationale

https://www.lexpress.fr/actualite/politique/fascisme-antisemitisme-la-memoire-selective-de-marine-le-pen_970971.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_nouveau_(mouvement)

https://www.rts.ch/archives/tv/information/temps-present/3441467-ordre-nouveau.html

6 Comments

  1. Toute l’ambiguïté réside aujourd’hui dans l’emballage à la fois vertueux, social et populaire que veut afficher ce mouvement qui n’est autrement qu’anti-démocratique, inégalitaire et profondément discriminatoire.

    Merci pour cet article.

    1. Tout à fait. Le fascisme et le nazisme mettaient souvent en avant le « social »… mais on peut remonter à Louis Bonaparte qui s’est fait élire président (1848) avec un discours très social avant de faire un coup d’Etat et de se faire couronner empereur.
      Merci pour la lecture 😉

  2. Je trouve gênant le côté « gentil contre méchant » qui apparait à plusieurs endroits alors que l’idée est de rappeler l’origine d’un parti,.si on se fie au titre. Et est-ce que l’origine définit encore la politique d’un parti des dizaines d’années après (le fameux parti gaulliste n’en est plus un comme mentionné ici si on se restreint à son président ou à ses jeunes).

    Pour ceux qui veulent une définition de l’extrémisme en politique, il y a eu une carte blanche dans un journal belge à ce sujet qui est pour moi un bon complément de ce qui est écrit ici : https://www.lalibre.be/debats/opinions/2024/06/26/comment-deceler-lextremisme-politique-RCQ6OKVPKFF5HNAGP5X5NCDIZE/

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire et pour l’article.
      Je ne peux pas être « gentil contre méchant » puisque je ne parle que d’un seul parti. Par contre je reconnais volontiers que j’ai utilisé par ci par là de l’ironie… Pour répondre à votre question, même si le PS est très éloigné de la SFIO ou les Républicains n’ont plus grand choses à voir avec le RPF de de Gaulle, ils ne cessent de convoquer les grandes figures de leurs mouvements, à gauche en ce moment c’est Blum, mais très souvent Jaurès. Il n’y a que l’extrême droite qui ne peut convoquer ses figures originelle (et pour cause). Dommage pour un parti qui est à ce point obsédé par les origines des gens…ça y est, je redeviens ironique. Pardon.

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