Les nazis dans la bd

La période de la guerre de 39/45 est très présente dans la bande dessinée franco-belge, avec elle les nazis. L’histoire est abordée sous différents angles. L’aspect historique avec bien sûr un travail de mémoire totalement indispensable. Alors que les partis extrémistes voient leur score exploser aux élections, il est plus qu’important de rappeler les origines. On retrouvera donc des bandes dessinées qui s’attachent aux faits historiques : Shoah, guerre, résistance.

Toutefois, les auteurs ne se sont pas limités à l’aspect purement factuel pour explorer les aspects fantastiques. Les nazis ont en effet exploré de très nombreuses branches ésotériques, mystiques. On s’est donc très régulièrement emparé dans la bande dessinée ou au cinéma de cet aspect. Par exemple, dans Indiana Jones et les aventuriers de l’arche perdue, les nazis veulent récupérer le pouvoir de l’arche d’alliance.

Indiana Jones et les aventuriers de l’Arche perdue. Tous les pouvoirs ne sont pas à prendre

Il est très difficile d’être exhaustif tant la production est importante et diversifiée. J’avais déjà évoqué la bande dessinée Maus, suite à son interdiction dans une région des États-Unis, certainement la plus incontournable. Je vous propose quelques ouvrages qui m’ont semblé pertinent.

Le meilleur job du monde

Doug, fils à papa et trader vient de gagner un concours. 150 000 dollars pour vivre sur une île paradisiaque, seul. Deux contreparties. Entretenir le terrain de golf, la piscine et la maison. Ne jamais entrer dans une pièce fermée à clé. Si au départ l’excitation, la découverte occupent les journées. Assez rapidement, la lassitude l’emporte et la curiosité. Doug réussit à pénétrer dans la pièce interdite et réalise que l’île est la propriété d’anciens nazis qui menaient des expériences.

Doug commence à stresser, c’est alors que les visions des anciennes victimes torturées font leur apparition. Le meilleur job du monde rentre dans de nombreuses catégories. Série B de toute évidence, avec un scénario mêlant des nazis et du fantastique, cela ne vole pas bien haut. Néanmoins, c’est le but assumé de Christophe Bec qui a réalisé de nombreuses séries de ce type. En effet, l’auteur est habitué des îles paradisiaques, des filles en bikini et des… zombis. Il s’agit ici d’une variante de ce qu’il fait déjà, c’est maîtrisé et efficace faute d’être original.

Darnand le bourreau français

L’histoire commence dans les tranchées, durant la première guerre mondiale. Joseph Darnand s’illustre comme héros de guerre. Croix de guerre, légion d’honneur, il récupère toutes les récompenses. L’entre deux guerres est une période dans laquelle il ne se reconnaît pas. Darnand est un soldat, la paix ne l’intéresse pas. Il se rapproche des mouvements d’extrême droite, convaincu que les juifs sont à l’origine des problèmes de la France. La seconde guerre mondiale est une opportunité pour lui de reprendre les armes. Il finira par rejoindre le régime de Vichy pour y prendre des responsabilités et s’imposer comme une des figures de la collaboration française.

La bande dessinée ne laissera pas le lecteur indifférent. Le personnage de Darnand est présenté de façon ambiguë. On souligne son aspect héroïque durant la première guerre et durant la seconde, il légitime ses actions par une volonté de contrôle de la situation. Il explique en effet qu’en étant aux commandes de la collaboration, il peut gérer ceux qui pètent les plombs et qui se fourvoient dans la torture et les exactions.

Dans les faits, Darnand ira jusqu’à devenir SS et donc intégrer les nazis. Vous pouvez jeter un coup d’œil à la page Wikipédia pour réaliser que l’homme n’a pas vraiment deux facettes comme pourrait le faire penser la bande dessinée. Elle reste un ouvrage passionnant accompagnée par un excellent dessin en trois tomes.

L’envolée sauvage

Nous sommes en 1941, la France est occupée. Simon est juif, orphelin, il vit dans sa campagne. Pourtant, le nazisme finit par le rattraper et il va devoir fuir. L’envolée sauvage est une bande dessinée en quatre tomes. Particulièrement classique, nous suivons le parcours de l’enfant qui fuit. On croisera les personnalités qu’on nous présente souvent dans cette période sombre. Résistants, collaborateurs convaincus, justes, des « gentils » nazis et la bêtise crasse qui contamine la population à grands coups de propagande.

Simon est passionné par les oiseaux, ils seront une thématique récurrente dans la bande dessinée. Capables de lui annoncer des catastrophes à venir ou pigeons voyageurs que Simon dresse pour la résistance. J’ai cherché sans succès ce choix narratif, peut-être que la bd s’adressant à un public plus jeune, c’était une façon « d’adoucir » l’histoire. Le dessin épuré est magnifique et renforce le caractère enfantin de la bande dessinée pour une histoire bien plus dure. Simon finira en effet déporté dans un camp de concentration.

La bande dessinée fait le job et sera certainement une approche intéressante pour un jeune qui voudrait s’intéresser à cette période. L’envolée sauvage s’est vue dotée d’un second cycle, avec deux enfants qui, comme Simon, essaient de fuir. Ce dernier est moins notable que le premier, notamment par le changement de dessinateur un cran en dessous.

Kersten, médecin d’Himmler

Une histoire complètement surréaliste, pourtant véridique. Himmler qui fait partie des principaux généraux de Hitler, souffre de douleurs à l’estomac que personne n’arrive à soigner. Le docteur Kersten, hollandais mais travaillant en Allemagne, parvient en un massage à soulager l’homme. Himmler fait de Kersten son médecin personnel.

Kersten pourtant, n’adhère absolument pas à ses idées. Il soigne Himmler comme il soigne n’importe quel patient, y compris des juifs. Il va être approché par les services secrets des nations ennemies des nazis pour influencer Himmler qui lui voue une confiance totale. Kersten aurait sauvé plus de 100 000 personnes grâce à ses relations avec Himmler.

Un récit passionnant pour une histoire que je ne connaissais pas, preuve une fois de plus que la bande dessinée est un véritable outil culturel. La bande dessinée raconte la période de la guerre et les relations entre le médecin et le général, mais aussi sa réhabilitation. En effet, des politiques de l’époque, parfois trop zélés, se sont contentés de l’étiquette médecin d’Himmler. Il a fallu de nombreux témoignages pour que Kersten soit lavé de tout soupçon de nazisme.

Dent d’ours

En Silésie, une province Polonaise avant la guerre de 39-45, trois enfants sont inséparables. Ils ont pour passion commune l’aviation. Seulement dans le trio composé par Werner, Max et Hanna, Max est juif. Pour voler, il faut s’enrôler dans les jeunesses nazies et c’est ce que vont faire Werner et Hanna. Max n’aura d’autre choix que de fuir pour les États-Unis. Hanna quant à elle, va devenir la plus grande pilote de l’Allemagne nazie.

On retrouve bien des années plus tard, Max aux États-Unis, devenu pilote émérite. Il combat les forces japonaises. Il finit par se faire capturer par les autorités américaines persuadées qu’il est un espion allemand. Soit c’est le peloton d’exécution, soit il part pour une mission suicide. Il devra tuer Hanna et stopper avec elle, la dernière mission de l’Allemagne Nazie qui consiste à larguer une bombe atomique sur New York.

Même si Yann est un scénariste particulièrement expérimenté, c’est le dessin d’Henriet qui est marquant dans cette bande dessinée. C’est magnifique à bien des niveaux. Les personnages bien sûr, mais surtout les avions, les fusées, les appareils. C’est une véritable réussite technique. En ce qui concerne l’histoire, je suis plus partagé. C’est prenant certes, mais c’est en fin de compte très peu réaliste. Alors qu’Hanna veut larguer une bombe sale sur les USA, Max en est encore à s’interroger sur son amour. Même si les horreurs de la seconde guerre mondiale sont retranscrites, la niaiserie récurrente entre les personnages me gêne. Cela reste toutefois une très grande bande dessinée.

3 Comments

Comments are closed.