Le site Slate titrait dernièrement : Pourquoi vous restez sur ce réseau ringard qu’est Facebook ? L’article reprend des arguments qu’on connaît, les habitudes notamment. Ce qui par contre est pour moi notable, c’est le fait que Facebook serait mort dans dix ans. Si ce n’est pas un problème pour Meta qui a déjà la relève avec Instagram, et certainement pas Threads, qu’allez-vous devenir ?
Facebook mort dans dix ans ? Vraiment ?
Facebook a vingt ans, c’est pour cela qu’on a une batterie d’articles sur le sujet. Si l’on réfléchit au cœur de la cible, on peut se dire que ceux qui ont créé des comptes, avaient quinze ans il y a vingt ans. Par le fait, ils ont trente-cinq aujourd’hui. La majorité d’entre eux ont créé des comptes Instagram, comptes qui d’ailleurs peuvent communiquer. Il est en effet possible de créer stories dans l’un pour les reverser dans l’autre. Quand de façon caricaturale, on dit que Facebook est le réseau des vieux, c’est vrai. C’est juste par rapport à des réseaux jeunes comme TikTok où la moyenne d’âge est beaucoup plus jeune.
Trouver des amis sur Instagram est moins évident que sur Facebook. Et puis dans le fond, pourquoi recommencer une communauté qui sera plus ou moins composée par les mêmes individus que celle que vous avez déjà ? L’article précise aussi qu’on compte de nouveaux arrivants. Ce n’est donc pas un réseau qui va mal. Ce qui est certain, c’est que la génération de mes parents, plus de 75 ans, sont présents sur le réseau et c’est ici que ça se discute.
La probabilité pour qu’un utilisateur de Facebook décède est certainement plus importante que celle d’un utilisateur de TikTok. Ce qui est certain, c’est que Facebook n’est pas un réseau d’avenir sur le long terme. Toutefois, dire que dans dix ans, il est mort, c’est présupposer que les utilisateurs actuels bien vivants soient tous partis ailleurs.
Facebook peut-être pas mort dans dix ans, mais bien mort médiatiquement
Facebook est donc le réseau social de monsieur et madame tout le monde. On y balance des futilités, des actualités, des liens vers ses ventes. Il est le site des associations qui n’ont pas eu les moyens ou les connaissances pour avoir un site internet. Mais qui a le souvenir aujourd’hui d’avoir une information ou un buzz partir d’un compte Facebook ? Personne. Quoi qu’on en dise et malgré les polémiques, X reste le leader incontesté de la petite phrase ou du buzz. La référence à Facebook dans la presse est inexistante, Facebook est totalement mort d’un point de vue médiatique. Il est important de comprendre l’enjeu que cela représente pour les marques.
J’ai regardé dernièrement le consentement qui reprend le livre de Vanessa Springora qui décrit la relation entre la jeune fille de 14 ans qu’elle était et l’homme de 50 ans qu’il était. C’est un film à regarder à « tout » âge et pour lequel on fera plusieurs lectures. La lecture évidente, c’est la pédophilie, la manipulation. La lecture pour des gens plus âgés dont je fais partie, c’est la prise de conscience que notre société n’était pas forcément mieux avant. Il y a dans le film une partie réelle avec une utilisation des images d’Apostrophes de Bernard Pivot complètement surréaliste.
Le démarrage du film n’a pas été forcément formidable, la polémique autour du film. Et puis les jeunes se sont emparés du film comme le font les jeunes. Certains se sont filmés avant le film et après le film. C’est un film très dur, à fortiori pour des adolescents, on imagine la tête déconfite.
Alors si effectivement, on peut s’interroger pour savoir si les gosses y sont allés pour le défi ou pour le film, le résultat est immédiat avec une augmentation de 40% des fréquentations en seconde semaine. Il est évident que Facebook n’est plus capable de cela.
Trop jeune, trop vieux, de l’art délicat d’être partout
Avec les années, j’ai vu pas mal de blogueurs qui pour continuer à exister se sont lancés dans tous les réseaux. Alors qu’ils étaient et sont encore des stars de l’écrit ou de la blogosphère, j’ai des élèves qui ont plus de followers qu’eux sans rien faire. TikTok est incontestablement le réseau des jeunes. Mais bien sûr, il sera demain un réseau pour des gens qui auront vieilli avec lui.
Car c’est bien la problématique soulevée d’être en permanence dans la course. Aujourd’hui, il est difficilement possible d’être sur tous les réseaux, tout comme il est difficile de ne pas y être. Parce que selon votre tranche d’âge, en tant que community manager, vous serez compétent sur un réseau ou sur l’autre, mais difficilement dans tous. Cela pose un problème pour l’avenir de la profession, s’il faut avoir toujours 20 ans pour être capable de comprendre les codes.
Il faut comprendre que l’histoire du « consentement » n’est pas anodine. Ça n’a pas coûté un centime à la production, ce n’est pas prémédité. Le virtuel a eu une influence palpable sur le réel en faisant augmenter le nombre de places vendues. S’il n’est pas possible de réaliser ceci avec Facebook, on peut supposer qu’il finira par y avoir un désintérêt des marques, des éditeurs, qui préfèreront passer à autre chose.
Viser juste
Il y a plusieurs manières de voir les choses. Vous êtes une grande entreprise, vous avez de l’argent, vous avez alors la possibilité d’être partout et de vous payer des community managers de 7 à 77 ans. Vous n’êtes pas dans cette situation alors il vous faut viser au plus juste votre cœur de cible. Si on peut s’attrister de voir un Facebook vieillir, il reste une opportunité si vous souhaitez toucher les gens qui ont plus de 30 ans. En effet, le gros du ciblage est déjà réalisé puisque vous savez que les gens d’un certain âge sont dessus.
Cette notion de ciblage, on pourrait aussi dire, créer et fédérer sa communauté dans une niche. Le temps passé sur l’ensemble des réseaux, c’est de la dispersion. Un temps que vous ne consacrerez pas à produire du contenu pertinent qui va certainement intéresser un auditoire bien défini.
En fin de compte, faire de l’écrit, n’être que sur Facebook n’est pas un problème si vous avez un auditoire bien défini. Pas un problème, si toutefois. Le jour où Meta ne fera plus de profit avec Facebook, alors, il le mettra effectivement à mort. Et c’est ici la limite du système, celui qui consiste à confier intégralement son business à une société américaine qui fait la pluie et le beau temps.
Travailler son site internet personnel, redistribuer sans trop forcer sur les réseaux sociaux, faire un Patreon ou un Tipeee pour se faire financer. Sur ce dernier point, je trouve qu’il est pertinent. Car l’audience que vous avez est probablement différente de celle qui est prête à payer pour vos travaux. Quand on sait que Wikipédia est indispensable à la démocratie et pourtant le pourcentage de donateurs est dérisoire. C’est une manière de savoir ce que vaut votre production
De façon synthétique, il faut voir que le web s’est professionnalisé, et que c’est compliqué. Personne ne sera à même de dire de quoi demain sera fait, alors dans dix ans. Ce qui est certain, c’est que ça évolue tous les jours, trop de nouveautés, trop de tout, qui laisse trop peu de place à l’amateurisme des débuts de l’internet. Dommage.