Il n’aura échappé à personne que nos vies se sont largement complexifiées avec les années. Trop de travail, trop de loisirs, trop de sollicitations, trop de tout. Nos vies sont devenues trop pleines.
Le leurre de l’informatique
Le monde s’agite autour de l’intelligence artificielle qui ne sera pas la révolution attendue. En effet, les entreprises ne voient pas l’IA comme un soulagement pour les salariés, mais comme une possibilité pour réduire le personnel. L’exemple type, ce sont désormais les intelligences artificielles qui vous accueillent sur les sites internet. Leur efficacité n’a pas l’air de convaincre les utilisateurs, pour preuve, seulement 38% de convaincus.
L’informatique ne facilite pas quand il doit faciliter. On se retrouve très régulièrement dans l’obligation d’avoir un humain pour débloquer une situation liée à de l’informatique défaillante. Ma banque a été rachetée par une autre. Le glissement d’une banque à l’autre aurait dû se faire de façon totalement transparente. En effet, la banque qui rachète, aurait dû faire passer à l’ensemble des créditeurs, débiteurs du compte le nouveau RIB. Les erreurs se sont multipliées de tous les côtés. La banque qui pense avoir fait son travail avec des procédures automatiques pour finir par m’imposer de tout faire moi-même. Un site comme EDF qui plante quand on fait la demande pour le nouveau RIB. La MSA quant à elle n’a pas sur son site internet la possibilité de changer de RIB.
Accompagné d’une densification de la lourdeur administrative
La liste est très longue et de manière systématique, c’est un humain qui a réussi à régler le problème. Humain qu’on vise à faire disparaitre au profit d’une informatique médiocre. Ainsi, nous sommes face à une informatisation qui fonctionne mal et une volonté de densifier la paperasse. Lorsque le président Macron évoque la simplification des procédures administratives, c’est la prise de conscience effective qu’il y a trop de tout. Il s’agit d’ailleurs d’une des revendications des agriculteurs qui dégagent trop de temps dans la paperasse au lieu d’être aux champs. C’est aussi une remarque que font régulièrement les enseignants. En effet, nous passons de plus en plus de temps dans de l’administratif au lieu de faire notre cœur de métier, le travail avec nos élèves.
Seulement, et c’est ici que le serpent se mord la queue, cette simplification ne pourra pas se réaliser sans une informatique qui fonctionne et bien pensée. L’exemple ci-dessus de mes couacs, c’est typiquement l’informatique qui ne fonctionne pas. Mais c’est plus profond que cela. Dans le cadre de mon travail, l’enseignement agricole, les sites de référence, nous avons plusieurs dizaines de plateformes. Il n’y a pas une semaine où l’on n’apprend pas qu’il faut se rendre sur un nouveau site internet. Des sites souvent mal faits, difficiles d’accès.
Nous sommes face à un double problème :
- Une informatique incontournable et mal faite qui ne va pas en s’arrangeant. En effet, l’IA est un enjeu pour les entreprises pour être le premier, mais n’apporte pas dans le quotidien des effets vraiment bénéfiques.
- Une vie qui s’est complexifiée avec des demandes administratives de plus en plus exigeantes dans le privé ou dans le public.
Un résultat sans appel
Le résultat de cette combinaison est assez catastrophique. Quand on dénonce une France qui vivrait des aides, des milliards ne sont pas réclamés par les gens. Bien évidemment, comme le souligne le dessin ci-dessous, la complexité administrative. Complexité administrative inévitablement en lien avec la difficulté informatique. En effet, l’illectronisme va frapper les mêmes couches de population qui ont des difficultés avec la paperasse. Les gens finissent par abandonner.
Cet abandon se retrouve aussi au niveau du travail. En effet, depuis des années, on voit apparaître le phénomène de démission silencieuse. Si bien sûr, on trouve les racines principalement dans le manque de reconnaissance au travail, la multiplication des tâches absurdes qui n’ont pas de sens pour le salarié, combinées à la difficulté pour les réaliser, peut induire cet abandon.
Trop de tout social
J’avais déjà abordé la problématique de l’infobésité. On réalisait que la masse d’informations qui arrivait à la minute devenait particulièrement anxiogène. Il faut savoir que cela peut créer un syndrome, le FOMO, Fear of missing out qui se traduit par la peur de rater quelque chose. Cette problématique va influencer notre vie privée, mais aussi notre vie professionnelle. D’un côté les réseaux sociaux où il ne faut rater aucun événement, de l’autre le travail dans lequel il faut être au courant de chaque nouveauté.
Et d’ailleurs, dans un cas comme dans l’autre, la culpabilisation est bien présente. En effet, impossible de rater une date d’anniversaire, un événement dans votre région ou le dernier produit à la mode. Les marques manipulent les algorithmes à la perfection. Avec une culture du jeunisme dans notre société, passer à côté de « quoicoubeh » c’est être vieux, dépassé. On retrouve des concepts similaires dans les pratiques pédagogiques où chaque jour quelqu’un réinvente la roue pour une technique qu’il faut impérativement apprivoiser.
On comprend que « socialement » parlant, quelqu’un qui suivrait l’ensemble des réseaux sociaux ne pourrait en fait… pas suivre. Intellectuellement, le cerveau n’est pas taillé pour assimiler des milliers de messages et avoir des relations avec des centaines de personnes. L’incidence est d’ailleurs bien présente, on s’attache moins, l’individu devient jetable du fait de sa virtualité.
Trop de tout culturel
Musique, podcast, cinéma, série, livre, manga, jeu vidéo, et bien sûr divertissement au travers des réseaux TikTok avec des tas de vidéos indispensables à voir. Dans l’industrie du jeu vidéo, c’est pas moins de 4000 jeux qui sont sortis en 2023. On assiste à une production de plus en plus importante dans l’industrie culturelle, aucun domaine n’y échappe.
Et ici, force est de constater que les conséquences ne sont pas anecdotiques. À cause de l’explosion du nombre de plateformes, on constate une recrudescence du piratage. Avec des plateformes de streaming de plus en plus nombreuses, les gens n’ont pas les moyens financiers de posséder l’intégralité des abonnements. Moralité, comme tout est bien sûr totalement indispensable, alors il faut le voler pour le voir. L’industrie se tire elle-même une balle dans le pied.
Le temps de cerveau disponible ne peut pas être redistribué pour tout voir, tout vivre, tout faire, si bien que comme tout est indispensable, les gens tirent sur la corde. Le temps passé sur les écrans explose, entraînant avec lui une augmentation des maladies. La position assise, les maladies cardiovasculaires en lien avec le manque d’activité, les maladies mentales, sont autant de problèmes majeurs que doit affronter notre société.
Il est urgent de réapprendre à vivre
On entend souvent les gens de ma génération, se réjouir d’avoir connu un monde sans internet. Sans forcément tomber dans le, c’était mieux avant, nous avons l’opportunité d’avoir vécu autrement. Si bien sûr, je ne reviendrai pas à un déplacement avec une carte, que certaines applications me facilitent la vie, tout n’est certainement pas bon à prendre dans la société dans laquelle on nous pousse. Nous verrons dans un prochain article, quelles solutions peuvent être mises en place.
Deux solutions pour ma part :
– vivre au jour le jour (enfin plutôt à la semaine/au mois) car de toute façon, qui sait ce qui arrivera demain (la semaine suivante/le mois suivant). Anticiper un minimum sans plus.
– se focaliser sur un seul « loisir/plaisir » (ici les JV). Netflix regorge de culture sympathique, je pourrais sortir en ville tous les soirs, etc. Question de goût.
Vivre à la semaine, au mois, ce n’est pas forcément évident, surtout dans mon métier dans lequel justement plus on arrive à un déroulé sur l’année, plus on limite la catastrophe. Tout dépend de ce qu’on appelle vivre au jour le jour.
Par exemple et me concernant, je limite mes flux RSS : je n’en possède que quinze et je trouve que c’est déjà presque trop.
Pour Youtube, c’est deux ou trois vidéastes maximum, ce qui doit me faire environ une heure de visionnage par semaine.
Quant aux réseaux sociaux, c’est marrant cinq minutes. Après, je trouve ça sincèrement oppressant.
Et pour l’information, j’essaie de privilégier l’analyse plutôt que la « breaking news ». Sinon, tu mets franceinfo: pendant 20 minutes et tu as l’essentiel de l’actu pour les 48 heures suivantes. 🙂
Pour la banque, ta maison doit être construite sur un vieux cimetière indien.
Il y a 3 mois je suis passé du crédit agricole à BoursoBank, j’ai rien eu à faire. Ils ont géré tous mes prélèvements en automatique. Un régal.
J’ai bien sûr du tout de même changer sur 3-4 organismes. Le boulot, les impôts, la mutuelle et la secu. Mais en 30min c’était plié.
Trop de publicité.
J’ai ouvert le lien « démission silencieuse » dans un nouvel onglet. Le temps de lire l’article, uBlock Origine m’annonce avoir bloqué 105 publicités.
À quoi sert d’envoyer 105 pub en 3 minutes ? Qui peut bien regarder 105 publicités en trois minutes ?
Là aussi, trop, c’est trop.
Merci à uBlock Origine !