On ne va pas se mentir, l’iris blanc, le quarantième Astérix sera un succès. La véritable question, c’est de se demander s’il est bon ou non. En effet, depuis qu’Uderzo a lâché la série, pour le plus grand soulagement de tous, les épisodes se suivent sans forcément faire mouche. On avait vu en effet qu’avec Astérix et le griffon, Astérix c’était mieux avant.
La problématique d’un univers trop cadré
Jean-Yves Ferri aura donc scénarisé pendant dix ans Astérix. Ça passe vite mine de rien. C’est certainement la partie la plus difficile, Didier Conrad fait le sans-faute pour ma part dans une parfaite imitation d’Uderzo. En fin de compte, faire un Astérix ce n’est pas compliqué. Il suffit d’inventer un voyage, caricaturer le pays et ses coutumes. Ou encore une satyre de la société comme Obélix et compagnie qui frappe fort dans le capitalisme. On sait que l’ensemble finira dans un banquet avec des sangliers.
Faire un Astérix c’est entrer dans un univers particulièrement figé qui laisse peu de place à l’artiste. Les enjeux financiers sont trop importants, le public ne tolèrerait certainement pas un trop grand écart, aujourd’hui du moins. En effet, c’est un public vieillissant qui lit de la bande dessinée franco-belge. Le même type de public qui va voir les Rolling Stones pour entendre Satisfaction et Paint In Black, pas pour entendre les dernières chansons.
Un Jean-Yves Ferri qui fait du douzième degré avec son camarade Larcenet ou dans les aventures du Général de Gaulle, n’a jamais pu sortir de ce cadre trop rigide. En fin de compte, ce n’est pas vraiment drôle.
Je pense qu’un autre problème, c’est l’universalité. Je montrais à mon fils certains personnages d’Astérix comme Michel Constantin ou Bernard Blier, forcément, il ne peut pas connaître. Être universel aujourd’hui c’est s’acculturer ou presque.
L’iris blanc ou l’anti devin
Comme je l’ai écrit plus haut, Astérix c’est le voyage ou un ennemi qui symbolise la société actuelle. À l’époque, avec le devin, Uderzo et Gosciny présentaient un personnage sombre qui « voyait l’avenir ». Ce dernier semait la crainte dans le village avec ses prophéties. On pouvait y voir une critique de l’obscurantisme, de la bêtise, des fausses croyances. L’épisode reste d’ailleurs très actuel.
Fabcaro prend le relai pour cette histoire qui nous présente un personnage positif à l’inverse du devin. On passe finalement des gens qui prédisent le malheur aux gourous du positivisme et du développement personnel. Fabcaro au niveau du douzième degré, n’a rien à envier à Ferri. On lui doit la bande dessinée Zaï Zaï Zaï Zaï qui raconte comment un homme qui a oublié sa carte de fidélité dans un supermarché devient l’homme le plus recherché de France. Nous sommes dans de l’humour totalement absurde.
Vicévertus est ce fameux personnage envoyé par César pour perturber à sa façon le village gaulois. Ce dernier va inviter par exemple Ordralfabétix à proposer du poisson local plutôt que de l’importation de Lutèce. Il va surtout inciter Bonemine la femme du chef, à suivre le destin qu’elle n’a pas saisi pour partir à la capitale.
Un bon album
Dans les derniers Astérix, je trouvais que c’était modéré, qu’on prenait un minimum de risque et que Ferri ne s’en sortait pas. Avec l’iris blanc, pour son premier Astérix, Fabcaro fait beaucoup mieux. Le thème du développement personnel, de la recherche du bonheur, touche un large panel de lecteurs. Difficile en effet quand on lance YouTube ou TikTok de ne pas trouver des vidéos pour devenir meilleur, plus heureux, trouver le sens de la vie.
Bonemine fait une fugue sur Lutèce, on aura droit à tous les clichés de la région parisienne, comme le retard des trains ou les esclaves en grève. Les trottinettes, les restaurants dans lesquels derrière le titre à rallonge, se cache un plat minuscule.
Fabcaro caricature Paris transposé dans l’univers d’Astérix et Obélix de façon parfaite. La bande dessinée est drôle et nous rappelle les épisodes de Goscinny. Le seul reproche peut-être c’est d’avoir fait quelque chose de léger sur un problème grave. En effet, ils sont nombreux, dans le cadre du développement personnel, à vous expliquer comment vous sentir mieux. Le nombre d’arnaques jouant sur le malheur des gens est très important, pyramide de Ponzi à l’appui. Probablement qu’un Goscinny s’il avait été en vie aurait été plus tranchant.
J’ai bien aimé cet album, mais j’avoue qu’à la vue de la couverture définitive, j’ai craint le pire…
J’ai trouvé ca pas mal dans l’ensemble.. Mais ce qui transparaît aussi, c’est le conservatisme que représenterai le village gaulois, ce qui etait souvent le cas avant, mais plus encore ici par opposition à la fausse modernité de ces gourous.
Comme au début de la serie, le vrai héros c’est Obélix.