J’avais déjà écrit à propos de Wilfrid Lupano qu’il était un des meilleurs scénaristes de sa génération. Curieusement, la bande dessinée qui est la plus connue au point d’être adaptée au cinéma, n’est pas ma préférée. Une petite présentation des vieux fourneaux, un gros succès populaire.
Les vieux fourneaux, la bd où les héros sont des vieux.
Au moment où j’écris ces lignes, les vieux fourneaux comptent sept tomes. Face au succès de la bande dessinée, on n’imagine pas l’arrêt de la série. Et pourtant sur le principe, ce serait facile. En effet, Pierrot, Mimile et Antoine ont passé les soixante dix ans. La bande dessinée partait plutôt bien. Les trois hommes se retrouvent à l’enterrement de Lucette, la femme d’Antoine. Ce dernier découvre que son épouse l’a trompé avec son ancien patron, un homme devenu sénile. Mimile et Pierrot, accompagnés de la petite fille d’Antoine et de Lucette partent à sa recherche. Antoine a décidé de tuer l’ancien amant de sa femme.
Ce premier tome est une réussite. Plein de tendresse, plein d’humour digne de Michel Audiard, de véritables punchline qui font mouche. On voit les souvenirs de gosses, les souvenirs d’une jeunesse perdue. Un album qui rappelle que derrière chaque personne âgée, des gens qui ont vécu, travaillé, qui se sont aimés.
J’aime beaucoup cette planche plus bas, qui superpose le monde actuel et le passé de nos héros en noir et blanc.
Plus Gaston Lagaffe que Larcenet
Ce premier album, avec de bons mots, de la tendresse, aurait pu laisser penser à une véritable réflexion sur la vieillesse. Lupano d’ailleurs est certainement l’un des mieux placés pour le faire. Sa bande dessinée, Alim le tanneur, nous présente un anti-héros père de famille, sa gamine de quatre ans et son beau-père, un homme âgé. Lupano sait faire de simples gens des héros.
On perd pas mal de tendresse dans les autres albums pour se focaliser sur les excès de Pierrot. Pierrot vit en région parisienne, il fait partie d’un groupe d’activistes de personnes âgées. Ils vont par exemple intervenir dans un meeting de droite avec un vieux qui se fait dessus sur commande. Forcément, la « bombe chimique » est tellement insupportable qu’on évacue la salle.
Ce que certains trouveront amusant, je le trouve plutôt lourd. De nombreuses situations tournant autour des actions de Pierrot sont totalement improbables. La bande dessinée trouve ainsi sa place dans l’excès et perd en profondeur. Pourtant, certaines pistes sont explorées durant l’ouvrage et nous donnent envie de s’accrocher. Sophie la petite fille de Lucette et Antoine qui fait partie des personnages principaux, est enceinte. Qui est le père ? On ne le saura qu’au tome 4. Pourquoi Antoine et son fils sont en froid ? Qu’est-ce qui a motivé le départ de Mimile vers les îles ?
On s’accroche ainsi tant bien que mal pour une série sympathique qui méritait mieux. Une série qui s’enfonce de plus en plus dans les clichés du combat social, mais sans aucune finesse.
Les vieux fourneaux au cinéma
Comme j’aime à le rappeler, la bande dessinée a la force de pouvoir tout oser. C’est moins le cas dans le cinéma. Adapter la bande dessinée au cinéma est une entreprise courageuse, les vieux ne font pas vraiment rêver en grand écran. Une distribution de prestige pour des acteurs d’un certain âge puisqu’on a dans le premier opus Eddy Mitchel, Pierre Richard et Roland Giraud. Ce dernier sera remplacé par Bernard le Coq dans le second opus.
Dans le premier film, c’est le scénario du premier opus qu’on reprend dans les grandes lignes avec des éléments du troisième album. On intercale quelques éléments pour placer des scènes du trois dans le un, c’est globalement cohérent. D’ailleurs, comme dans les différents albums, on fait des raccords avec des éléments du passé, il suffit de remettre dans l’ordre chronologique.
Pierre Richard très efficace dans le rôle du vieil activiste, tout comme Eddy Mitchell en vieillard bien tranquille. Roland Giraud dans le rôle de l’homme bafoué, froid, s’en sort lui aussi particulièrement bien. Alice Pol est parfaite dans le rôle de Sophie. Cet album mérite-t-il une adaptation en bande dessinée ? Pour ma part clairement non. Si certaines adaptations comme le seigneur des anneaux ont du sens, car elles permettent de mettre en image un roman, pour la bd tout est dit, tout est montré. Une histoire alternative comme dans le cas d’Astérix aurait du sens, ici largement moins. Ce premier film reste pour ma part plaisant et pertinent pour ceux qui ne connaissent pas la bd.
Le deuxième, bons pour l’asile, est dans la même veine que le premier et s’appuie sur le titre éponyme. Cette fois-ci l’histoire a été profondément remaniée.