Religion, partie 2

Plus ou moins dans la continuité que la partie 1 où il sera difficile d’échapper à des mystères autour du Christ. On verra aussi avec Alim le tanneur qu’il est possible de faire de la bd autour de la religion sans contexte historique. Enfin, nous finirons avec la grande bataille entre le ciel et les enfers. Difficile de faire mieux que l’apocalypse !

Le cinquième évangile

Jérusalem, au XII° siècle, on constate la disparition de jeunes filles de treize ans. Parallèlement à cela, des hommes sont retrouvés tués de façon particulièrement violente. Les morts de ces hommes et la disparition de ces jeunes filles sont elles liées ? Le cinquième évangile, comme on peut s’en douter, c’est à l’instar du troisième testament, un document caché qui bouleverserait le christianisme. La théorie de l’artefact n’est donc pas originale, comme a pu le voir avec l’omoplate et la sourate dans le décalogue.

La force du cinquième évangile n’est pas dans son histoire mais dans sa mise en scène. Le lieu est parfaitement trouvé, une Jérusalem qui mélange toutes les religions. Les personnages sont particulièrement bien construits. Le roi de Jérusalem, un adolescent atteint par la lèpre. Ce dernier, sachant que sa vie sera courte, raisonne comme un adulte. Saladin qui cherche à faire tomber le catholicisme, mais qui reste un homme droit. Cerbère, le tueur psychopathe fou de dieu. L’enquête bien sûr, qui fait penser au nom de la rose. Avec Istin aux commandes, on sait que l’ensemble repose sur des bases solides. On regrettera le changement de dessinateur au troisième tome, le dessin de Montaigne étant un cran au-dessus.

Ira dei

Littéralement la colère de Dieu en latin, on va comprendre pourquoi. L’action se déroule en 1040, les chrétiens sont en Sicile pour la reprendre aux musulmans. On comprend que la religion est ici un prétexte et qu’il ne s’agit que d’une guerre de conquête. Alors que la chrétienté piétine passable devant un siège qui s’éternise se présente Tancrède, un puissant guerrier. Tancrède n’est autre que le duc de Normandie déchu, qui sert l’église. On comprendra assez rapidement que c’est cette même église qui l’a fait enfermer pour le déposséder et se servir de ses talents de guerrier contre l’islam. Tancrède est particulièrement en colère et se sert de son épée pour régler tous les problèmes.

Ira dei se présente comme un double dytique, avec toutefois une césure pas vraiment nette entre les deux cycles. On peut considérer qu’il s’agit d’une histoire en quatre tomes. La bande dessinée s’axe principalement autour des combats et des manipulations. Particulièrement convainquant graphiquement avec de grandes scènes de batailles, des découpages audacieux, je suis moins intéressé par l’histoire. En effet, on sent que la stratégie, les intrigues sont le cœur de cette série, au détriment d’un fil conducteur. L’ensemble reste toutefois plaisant.

Alim le tanneur, la religion selon Lupano

À mon sens, Lupano est un des meilleurs scénaristes de sa génération. À peine un début de cinquantaine, il cumule un nombre de titres impressionnants, dont le célèbre « les vieux fourneaux« , qui n’est pas sa meilleure bd. Lupano est un conteur génial, créateur d’univers et de personnages, il le montre avec un Alim le tanneur.

Dans un monde qui n’est pas la terre, mais qui s’en rapproche, un pays qui ferait penser à celui des mille et une nuits. La religion, c’est celle de Jésameth, le sauveur. Jésameth est parti il y a bien longtemps avec son armure et son épée à la rencontre des dieux. Il n’est plus jamais revenu de l’île des dieux, il vit désormais avec eux. Il faut dire que personne n’ira vérifier, la traversée des océans étant considérée comme blasphématoire, comme beaucoup de choses dans ce pays. Alim vit avec sa fille Bul, une enfant de quatre ans, indisciplinée, il est équarrisseur. Son rôle consiste à vider les dépouilles d’espèces de baleines tueuses qui s’échouent sur la côte.

Lorsque Bul trouve dans le cadavre d’une de ces bêtes l’armure et les armes de Jésameth, la vie de la famille est bouleversée. Ils fuient pour ne pas mourir. Cette découverte remet en effet en question toute la religion sur laquelle leur monde est bâti. L’histoire va se dérouler sur une bonne quinzaine d’années, en dire plus serait spoiler.

Alors que d’autres essaient de nous captiver avec des pistes alternatives comme un nouveau testament ou une descendance pour Jésus, Lupano nous embarque totalement dans son histoire imaginaire. La mise en place du puzzle autour du parcours de Jésameth qu’on finira par suivre, les enjeux politiques, tout est parfaitement agencé. Alim le tanneur est une excellente bande dessinée, intelligente, réfléchie, passionnante.

Paradis perdu

Gabriel est un ange. Oh pas l’ange qu’on connait, un veilleur. Il surveille un passage entre le paradis, la terre et l’enfer. Il trouve un enfant égaré, un enfant qui n’aurait pas dû se trouver là. Alors qu’il le sauve, il aperçoit son ancien amour devenu démon, suite à la chute. Cet enfant devient le centre de toutes les attentions et pour cause, il s’agit du nouveau messie. La guerre entre les enfers et le paradis est déclarée, place à la grande bataille. Paradis perdu fait indéniablement penser à Darksiders où anges et démons s’affrontaient sur terre.

Alors qu’on pourrait penser être plongé en pleine religion, ce n’est pas vraiment le cas. Bien sûr, les références, mais ici, c’est plus le manichéisme qui est mis en avant. La lutte entre le bien et le mal qui forment un tout pour donner l’homme. Les scènes de bataille sont assez impressionnantes, de grandes doubles-pages, l’histoire plus en recul.

Paradis perdu se décompose en deux cycles de deux fois quatre tomes. Je viens de vous raconter la première partie dans les grandes lignes. Le second cycle quant à lui est moins bon avec une histoire qui pourtant promettait. Nous nous retrouvons ainsi après la première partie, l’ordre divin, si l’on peut dire, a changé. Un ange du nom de Jacob tue d’autres anges pour alimenter un mystérieux document. Comme on peut s’en douter, son crime ne restera pas impuni.

À l’instar du premier cycle où l’on insistait sur la dualité chez les individus, Jacob va pourtant sauver des humains qui vont s’embarquer dans son univers. Plutôt convaincu par les deux premiers tomes, le troisième est mauvais et s’enlise. Je pense qu’on peut s’arrêter au premier cycle sans suivre sur le second.