Il s’agit ici de vous raconter un épisode de ma vie traditionnelle de « celui qui s’y connaît » et d’expliquer la problématique du dépannage informatique.
En préambule tout de même. J’ai été pendant trois ans dans le Cantal, autoentrepreneur en services informatiques. Je m’étais lancé dans cette démarche à l’époque, au début de l’existence de ce nouveau statut. Le motif n’était pas celui qu’on pense, s’enrichir, mais poser des limites. Tous ceux qui comme moi ont des compétences en informatique connaissent cette problématique où tout le monde juge normal que vous répariez.
Alors, vous faites, car vous savez le faire. Mais à la réflexion, est-ce que le garagiste fait du dépannage le weekend pour ses amis ? Non. Le fait d’avoir un garage avec une activité déclarée permet de poser un frein. En fin de compte, les gens n’osent pas. Pour l’informatique, on dirait que c’est différent, alors que cela coûte aujourd’hui parfois bien plus cher que l’automobile.
C’est le conseil que je peux vous donner, apprenez à dire non. Je ne fais du dépannage que pour un entourage très proche et réduit. Si vous devez faire du dépannage, déclarez-vous pour vous faire payer. La relation tarifée et parfaitement définie permet d’assainir la situation. La problématique par contre, c’est justement définir un tarif quand on a commencé à mettre un doigt dans l’engrenage.
Cyrille, on vient de mettre la fibre chez moi
Je viens régulièrement en aide à une ancienne collègue qui est aujourd’hui à la retraite. C’est une dame pour qui j’ai beaucoup d’affection et qui est reconnaissante. Comprenez que lorsqu’on n’est pas déclaré et qu’on ne veut pas en faire son métier, on ne le fait pas pour l’argent. Dans ma boîte mail, un jour, deux invitations pour les grands buffets de Narbonne, je trouve souvent des chocolats dans mon casier, je sais que c’est elle. Il y a encore des gens qui ont de l’élégance et qui reconnaissent la valeur des choses. On vient de lui placer la fibre optique.
Je n’ai pas choisi cette image d’illustration au hasard, mais pour rappeler que la fibre optique en France, c’est compliqué. Elle avait sa box ADSL qui était dans une pièce à l’écart, ils ont posé la box fibre sous l’escalier à plus de 20 mètres de la box initiale sans se poser la question de l’installation originale. On laisse donc des gens d’un certain âge se débrouiller, mais sur le principe, ils ont effectivement posé la fibre.
Les douze travaux de Cyrille
Voici dans l’ordre ce que j’ai fait :
- Remettre le SSID comme avant. J’avais déjà paramétré un SSID facilement reconnaissable et un mot de passe plus simple (mais sécurisé) que l’original.
- Reconfigurer l’intégralité des appareils Wifi. En effet, même si vous remettez le même SSID et le même mot de passe, les appareils sont suffisamment malins pour se rendre compte que ce n’est pas le même réseau.
- Se rendre compte qu’une des tablettes Samsung a planté et qu’elle reboote en boucle, la réinitialiser
- Avoir un dongle Wifi de secours pour connecter la tour qui était en filaire au Wifi.
- Déplacer l’imprimante à côté de la box car trop éloignée pour prendre le réseau.
- Déplacer le boîtier CPL resté connecté à l’ancienne box pour récupérer le signal sur le décodeur et donc récupérer la télé.
- Bouger le téléphone de l’ancienne box vers la nouvelle box
- Démonter le système d’alarme resté connecté à l’ancienne box pour le mettre sur la nouvelle box
À ma sortie, au bout de 1h30 environ, j’ai assaini de façon provisoire la situation. Si vous avez tout suivi, j’ai déplacé le copieur à côté de la box, il est donc à 20 mètres de l’ordinateur fixe où elle travaille. Ils veulent déplacer à terme l’ordinateur principal et le copieur dans une autre pièce. J’ai ainsi commandé des boîtiers CPL. La maison étant grande, il faut que j’utilise des répétiteurs, comme j’ai ce type de matériel qui traîne dans mes caisses, elle n’aura pas besoin de les payer.
Comment facturer l’infacturable ? Plus qu’un simple dépannage
Une heure trente, c’est finalement plutôt court pour au moins deux bonnes raisons.
Je connais leur installation, c’est moi qui l’ai faite. Je sais donc parfaitement qui fait quoi. Les prestataires informatiques ont pour habitude de faire table rase et repartir de zéro. C’est une problématique du dépannage informatique. Une vidange, vous pouvez amener votre voiture dans n’importe quel garage, la procédure est la même. Vous découvrez une situation informatique, aucune ne ressemble à une autre. La politique de la terre brûlée reste finalement celle qui permet de gagner le plus de temps. Elle est problématique, car elle montre bien qu’il n’y a finalement pas de protocole bien défini, mais l’anarchie.
La seconde raison, c’est parce que j’ai une très solide expérience de ce genre de situations. Configurer des appareils, trouver des solutions, connaître les solutions qui marchent.
Combien ça coûte ? Et c’est ici qu’on en revient au premier paragraphe. C’est l’anarchie. Non seulement c’est l’anarchie dans les méthodes, car il n’y a pas vraiment de méthode, mais c’est l’anarchie dans les prestataires. Pas de formation, éventuellement un BAC PRO SN ou un BTS mais pas de véritable formation uniformisée de réparateur. Il n’y a pas de grande entreprise nationale, il n’y a pas de grille tarifée. On va donc trouver des gens qui font du dépannage dit professionnel à 75€ de l’heure, mais qui sont incompétents, et vous allez trouver un autoentrepreneur qui se sous-paye à 30€ très qualifié.
Car non seulement c’est le dépannage, mais c’est aussi le conseil. Je lui ai fait acheter une imprimante de type Eco Tank alors qu’elle se ruinait en cartouches, elle est aujourd’hui satisfaite parce qu’elle fait des économies.
Celui qui a la connaissance en informatique offre donc le dépannage mais aussi le conseil pour une informatique de qualité. Ça n’a pas de prix.
La problématique du dépannage à grande échelle
On comprend alors, que le bon informaticien est rare et ce qui est rare est cher. Le dépannage chez les particuliers est problématique du fait d’un maillage important sur le territoire. Il est compliqué de savoir si l’informaticien est compétent ou non. Concrètement, il n’y a pas l’équivalent d’un Norauto ou d’un feu vert de l’informatique. C’est d’ailleurs un manque, mais comme je l’ai précisé plus haut, chaque situation informatique est unique quand la vidange est universelle. Pas évident de standardiser ce qui peut difficilement l’être.
À l’échelle nationale, pour une grande société ou une institution, c’est plus simple. On vient d’apprendre que les services de Cloud américains comme Google ou surtout 365 deviennent persona non grata en France. La raison invoquée est la conformité avec la RGPD. C’est à mon sens un prétexte. À la réflexion, à part des cours, des devoirs d’élèves, quel risque réel ? On aurait davantage de souci à se faire pour les échanges réalisés par les réseaux sociaux, des routeurs chinois ou de l’utilisation des solutions Microsoft et Google dans l’armée.
On peut donc imaginer qu’il s’agit d’une manière polie de dire que la France va comme les autres pays européens est dans une phase de repli quant à l’énergie par exemple, mais aussi l’informatique. La dépendance aux géants de l’informatique n’est pas bonne alors que les solutions existent.
Comment on est arrivé là ?
Comment se fait-il qu’en France, on a fini dans le giron des GAFAM pour l’informatique de nos enfants ? Eh bien finalement, c’est un peu pareil que pour le dépannage à domicile. Dans les établissements scolaires, on trouve de nombreuses personnes qui se retrouvent en position de décision pour l’informatique alors qu’elles sont totalement incompétentes. Les GAFAM par leur aspect rassurant, leurs commerciaux, arrivent facilement à faire croire que leurs solutions sont les bonnes. C’est ainsi qu’on se retrouve par facilité avec des outils Google ou Microsoft dans les écoles.
Il existe pourtant de véritables raisons pour lesquelles on peut être amené à choisir les GAFAM. Par exemple, dans le CNEAP notre fédération d’enseignement agricole avec Benjamin, le responsable informatique utilisait des outils libres il y a plus d’une dizaine d’années. Il devait régulièrement retirer des black lists le domaine pour les mails. En passant chez Microsoft et en proposant du 365 on règle le problème.
Comme il faut des gens au niveau local capables de faire du dépannage efficace, il faut des gens compétents au niveau national pour proposer des solutions à grande échelle. Et c’est ici que bloque la souveraineté française qui devra placer, en face de ses ambitions, des moyens pour avoir des ingénieurs de qualité capables de proposer et d’utiliser des solutions efficaces.
Et le premier conseil serait d’utiliser l’existant, le logiciel libre. LibreOffice, Nextcloud et d’autres solutions sont prêtes, il suffit d’avoir la volonté de les mettre en place.
Le dépannage c’est compliqué bien sûr pour ceux qui sont dans la panade, mais aussi pour les gens qui le réalisent. Conseiller c’est s’engager, dépanner c’est prendre la responsabilité de réparer à chaque fois. Suivez mon conseil, taisez vos compétences !
On sait donc désormais à qui appartenait la Samsung A6 😉
Je suis en accord avec ce que tu dis, le milieu du dépannage informatique est à géométrie variable si tant est que tu dépannes quelqu’un de proche ou non, si tu dois faire un ou plusieurs déplacements, si sur place tu te rends compte que tu croyais savoir alors que non.
Oui c’est toujours complexe. Et même si on peut le faire gracieusement, disons qu’une personne honnête va dans 99% des cas ne pas te laisser filer les mains vides. Surtout si t’as mis les mains dans le cambouis.
En revanche, Gafam ou logiciel libre, tu sais aussi bien que moi que proposer un logiciel nécessite une formation, un accompagnement, un suivi et des retours réguliers. Le problème du RGPD est un maillon nouveau qui passait inaperçu dans l’informatique d’avant 2010..
Excellent article, j’aimerais juste apporter quelques précisions par rapport à l’utilisation du cloud et d’Office 365 en entreprise (même si là c’est un établissement scolaire). Outre le fait de ne plus avoir à gérer les blacklists, ton administrateur n’a surtout plus besoin de serveur mail du tout.. ce qui représente une économie en temps considérable. Et c’est pareil avec plein d’autres couches de l’infra qu’on a plus besoin de gérer telles que l’A.D ou les serveurs de fichiers.
Mon point est de dire qu’il ne s’agit pas d’une simple question de confort ou de politique, ça simplifie vachement la gestion de l’IT, surtout dans une petite organisation.
Ou des fois c’est juste par caprice. Dans mon administration, on est sur LibreOffice.
Ben le Directeur était tout sourire en nous disant qu’on repassera tous à Word et Office car ça marche mieux. La masse s’est plainte, la masse a été entendue. Pourtant on fait que du traitement de texte, du rapport, LibreOffice suffit amplement, on sait même pas l’utiliser à 20%.
Ben c’est pas grave, notre beau Ministère paiera des licences et la masse sera contente. Mais il parait que l’Administration Française pousse pour les solutions libres, bullshit!!!
Que de souvenirs reviennent à la lecture de ces lignes. Je confirme, pour vivre heureux vivons cachés. Savoir dire non, grand sujet déjà abordé, plus facile à dire qu’à faire pour certains. Ma libération a été le passage à la retraite et d’avoir menti en affirmant avoir décroché totalement du milieu informatique, les sollicitations sont disparues avec le temps. J’en ai un peu honte (du mensonge) mais ça se soigne facilement 😉