One shot, numéro 5

Au programme de ce one Shot : une femme qui essaie de se retrouver, un tueur en série de cons, la défaite de la France face à l’Allemagne en 1982 et une bande dessinée sur le complotisme.

Rien ne sert de m’aimer

Rien ne sert de m’aimer est un one shot de plus de 300 pages en noir en blanc. Comprenez que le format en lui-même pourrait ne pas donner envie. J’ai dévoré l’ouvrage en une soirée, difficile de faire une pause. Et pourtant, c’est du grand classique. Elsa est une jeune femme qui s’est perdue. Alors qu’elle osait tout, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même comme elle le dit. Romancière, elle écrit des romans à l’eau de rose, sans passion, loin de ce qu’elle espérait. Prisonnière d’une relation avec un homme marié qu’elle n’arrive pas à quitter et ses rêves de pélican et d’un homme qui l’abandonne. On va la suivre dans un moment de sa vie où, en perdant beaucoup, elle va finalement tout gagner.

Classique, effectivement, entre la relation avec l’homme marié qui ne quittera pas sa femme, le secret de famille et les amis, il n’y a rien d’original dans la bande dessinée. Pourtant, la narration, la puissance du trait en font un ouvrage remarquable.

Mort aux cons, le one shot tiré du livre

Mort aux cons est une adaptation du livre de Carl Aderhold vendu tout de même à 50.000 exemplaires. Ne l’ayant pas lu, je ne peux pas vous dire si la bande dessinée est fidèle ou non. En tout cas, c’est un excellent moment de bande dessinée. C’est l’histoire d’un homme à la vie particulièrement routinière qui un soir tue le chat de sa voisine. Il constate que la mort de cet animal créé un élan de solidarité dans le quartier. Ainsi, il décide de passer à la vitesse supérieure en tuant d’autres animaux jusqu’au jour où il tue sa voisine. Il comprend alors qu’il est investi d’une mission sacrée, tuer les cons pour un monde meilleur.

Le héros à l’origine est un chanteur raté, il enchaîne les jobs dans les boîtes d’intérim au grand désespoir de sa femme. Pour lui, le meurtre n’est pas une jouissance particulière pour évacuer des frustrations, comme on peut le voir chez les tueurs en série, mais une mission. Nous sommes donc face à un individu qui peut tuer n’importe qui dès lors qu’il le trouve « con ». Et dans cette bande dessinée, il trouve vraiment beaucoup, beaucoup de cons, faisant de lui l’un des plus grands meurtriers connus à ce jour.

C’est très bien et c’est surtout particulièrement original dans la construction du personnage plus que dans l’album. En effet, on va enchaîner toute une batterie de meurtres, accident, poison, sabotage et j’en passe. Le seul bémol, c’est la théorie du con, à savoir que l’auteur s’attache à essayer d’y trouver une définition précise. On retrouve de longs échanges dans les entretiens entre le héros et le policier qui mène l’enquête. Autant sur un roman ça peut passer que pour une bande dessinée où l’on vise l’efficacité, il aurait peut-être fallu aller à l’essentiel.

Les fantômes de Séville

Je pense que cette bande dessinée trouvera son sens pour deux types d’individus : les passionnés de football, les gens d’un certain âge. En 1982, la France joue contre l’Allemagne, Patrick Battiston s’approche des buts de Harald Schumacher. Ce dernier fait une sortie et rentre littéralement dans le défenseur français. Le choc est tellement violent que Battiston sort sur une civière. J’ai sept ans à l’époque et pourtant je m’en souviens, on voyait les images de partout.

C’est sur ce fait sportif que s’appuie la bande dessinée. Didier, au chômage, passionné de foot, revoit la scène pour la énième fois et il se rend compte de l’énormité. Pourquoi Hidalgo a fait rentrer Battiston alors qu’il est défenseur ? Il est persuadé qu’il tient là l’affaire du siècle. À l’aide de son ami Fred, journaliste, ils vont retrouver tous les protagonistes de l’époque. De Battiston devenu vendeur de jacuzzi à Michel Platini en plein dans les affaires de la Fifa, jusqu’à la fin où l’on trouvera Hidalgo sorti de l’hôpital.

Comme on peut s’en douter avec Tronchet c’est très drôle mais c’est surtout particulièrement bien documenté. Ainsi quand on retrouve un Michel Platini le crâne rasé dans une scène qui fait penser à Marlon Brando dans Apocalypse Now, on sait qu’on est dans l’humour. Quand par contre on tombe sur Battiston en vendeur de jacuzzi, on en vient à Googler pour voir ce que le joueur est devenu.

Forcément concerné par la bande dessinée, j’ai apprécié, ce ne sera peut-être pas le cas de tout le monde sans fort travail de documentation pour connaître les acteurs de l’époque.

Ils sont partout

On avait déjà vu sur le site un one shot sur le complotisme. Les fables scientifiques démontaient les unes après les autres les complots les plus classiques. Avec, ils sont partout, les auteurs ont choisi de faire une approche puisqu’il s’agit d’une fiction très documentée. C’est une journaliste dont le frère disparaît pour suivre un stage de survivalisme. Elle réalise que ce dernier s’est intéressé à de nombreuses thèses complotistes.

Pour retrouver son frère, elle baigne dans le monde du complotisme. Pour maintenir l’aspect fiction, les principales personnes qui avancent des théories complotistes, alternatives ou négationnistes ont été renommées. Par exemple, Dieudonné devient Bienvenu, il est impossible de ne pas faire le lien. Pour bien enfoncer le clou, les auteurs en fin d’ouvrage expliquent qui est qui et quelle thèse est défendue. Terre plate, jus de carotte pour guérir toutes les maladies, négationnisme, tout y passe.

La bd fait franchement froid dans le dos et pousse la fiction jusqu’à un attentat perpétré contre des personnalités juives. On insiste fortement sur un point : le dialogue. Comprenez que lorsque vous avez la sensation que quelqu’un vous tient des théories fumeuses, on serait tenté d’abandonner. Il ne faut pas notamment pour les jeunes. Un des personnages a cette phrase que j’aime beaucoup : l’histoire, c’est la science de demain. En effet, seule l’histoire peut permettre à nos jeunes générations de comprendre certaines absurdités.