On appelle anthropomorphisme, l’attribution de caractéristiques du comportement ou de la morphologie humaine à d’autres entités comme des dieux, des animaux, des objets, des phénomènes, des idées, voire à des êtres d’un autre monde le cas échéant. (Wikipédia). C’est une méthode bien connue chez Disney avec le lapin d’Alice par exemple ou les objets comme le chandelier ou la théière dans la belle et la bête.

Quelques auteurs en bande dessinée ont fait le choix de prendre des animaux pour personnages principaux, nous avions déjà pu en voir des exemples avec les cinq terres ou les seigneurs de Bagdad. Souvent le choix de l’anthropomorphisme pour ces auteurs n’est pas un hasard, on découvre qu’ils ont souvent travaillé pour les studios Disney. Je vous propose aujourd’hui un ensemble de séries.

Solo

Solo c’est le nom d’un rat dans un univers qu’on suppose post-apocalyptique et particulièrement violent où chacun est la proie de l’autre. Les animaux ont évolué et certains sont devenus pensants. Ainsi, dans un monde dans lequel la végétation a disparu, où les conditions climatiques sont très difficiles, tout le monde est devenu carnivore. On voit dans la bande dessinée des vestiges du passé, mais on ne s’attarde pas pour expliquer les raisons du cataclysme.

Solo erre sans but, malgré sa petite taille, il est un combattant hors pair. Durant quelques tomes, on va suivre ses aventures dans cet univers très Mad Max, où il sera gladiateur, mari, père de famille, libérateur de son peuple, père adoptif d’un chien.

On peut supposer que le choix de l’anthropomorphisme ici, c’est pour dénoncer la souffrance animale. Les humains afin d’éviter la chasse si dangereuse vont créer des fermes avec des rats. On y voit de toute évidence le parallèle avec les abattoirs. Par la suite, c’est le chien Legatus, fils adoptif de Solo qui prendra la relève, on y croisera les herbivores qui font repousser la forêt.

Solo est une excellente bande dessinée aux dessins somptueux, une bande dessinée généreuse. Oscar Martin à la fin de chaque album, livre des carnets complets pour expliquer les espèces. L’histoire est d’une violence rare, particulièrement classique. En effet, le post apocalyptique, les mauvais humains, les animaux victimes, un messie, c’est du déjà vu. Et pourtant la bande dessinée est d’une force rare, que je ne peux que vous conseiller.

Chats

Nous restons dans un univers totalement similaire puisqu’il s’agit de post-apocalyptique. Encore dans cet univers, les animaux ont évalué pour devenir des êtres intelligents. Les différences avec Solo sont toutefois notables. Il ne s’agit pas ici de survie à l’état pure mais d’une quête. Des chats sont à la recherche d’un humain, le dernier, qui serait conservé quelque part. Les humains ont pourtant survécu, mais dans un état de dégénérescence absolu. Il s’agit d’une bande dessinée réalisée par Convard, c’est donc un univers à la Française. Ainsi, dans la quête des chats, on aura un passage obligé par la capitale et notamment par notre dame de Paris.

La communauté de chats de notre dame a été éduquée par une intelligence artificielle défaillante. Le « à la française » trouve tout son sens, les chats croient en Saint Chirac et Motocrotte. La bande dessinée est datée du début des années 90. Elle a plutôt bien vieilli et pointe du doigt les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui. Guerre totale entre les nations, les problèmes économiques, etc. Les trois premiers tomes sont excellents avec la quête de l’humanité perdue. La série est moins intéressante sur les derniers tomes. Dans le même esprit, vous pouvez lire les eaux de Mortelune, avec qui, je trouve, il y a de nombreuses similitudes.

Blacksad

Pas de monde post-apocalyptique, pas d’humains non plus, nous sommes ici dans de l’anthropomorphisme gratuit. Les individus sont remplacés par des animaux dont le choix correspond à la profession ou au caractère du personnage. On ne s’étonnera pas de trouver un rhinocéros pour garde du corps, un rat comme informateur ou un chien comme chef de la police. Blacksad est un chat noir, un détective privé. La narration fait penser aux policiers de l’époque, des années 50, 60. Des stars de cinéma, de longs imperméables, tous les clichés sont bien présents.

Le dessin de la série est magnifique, on voit vraiment que l’école Disney est passée par là. Les textes sont travaillés, Blacksad est une bande dessinée de qualité. La série a remporté un grand succès, au point d’avoir son jeu vidéo.

On utilise l’anthropomorphisme de façon pertinente. Comme je l’ai écrit plus haut, l’utilisation de l’animal pour symboliser les traits de caractère permet rapidement d’identifier les personnages. C’est d’autant plus marquant dans le tome 2 avec des problèmes de racisme. Les animaux blancs veulent dominer. Des ours blancs, des hermines ou des loups qui s’opposent à des étalons noirs. L’anthropomorphisme et les expressions très réussies des animaux renforcent toutes les situations. La bande dessinée soulève les problèmes de l’époque, discrimination, Ku Klux klan, communisme ou encore l’arme atomique.

On notera que dans une thématique tout à fait similaire, on peut citer les enquêtes de l’inspecteur Canardo. J’ai préféré évoquer Black Sad, Canardo c’est plus noir, moins accessible au grand public.

De cape et de crocs

Nous avons déjà pu croiser une bande dessinée d’Ayroles avec Garulfo. Pour mémoire, il s’agissait d’une parodie de contes de fées, j’avais associé la bande dessinée avec Shrek. Cette fois-ci Ayroles s’attaque aux fables, au théâtre, la Fontaine et Molière principalement. Les deux héros sont un loup et un renard, à l’instar de Solo, les animaux gravitent au milieu des humains. À la différence, c’est qu’il ne s’agit pas d’un univers post-apocalyptique avec une évolution des bêtes, mais certainement d’un choix narratif. En effet, les fables de la Fontaine sont écrites avec des animaux, les pièces de Molière avec des hommes, de cape et de crocs est un mélange des deux. L’anthropomorphisme, ici, rajoute au comique, pas plus.

On assiste donc à un patchwork gigantesque des auteurs classiques français avec une volonté de jouer et de surjouer. Nos deux héros partiront à la recherche d’un trésor, pour finir sur la lune. Le nombre de références est conséquent dans le théâtre, les fables, le cinéma et même la bande dessinée. Par exemple, les deux héros sont dans une marmite géante, un personnage dit qu’il faudrait une éclipse, mais que finalement, c’est stupide. La référence, c’est tintin et le temple du soleil. Les références se comptent par dizaines.

L’ambiance blues brothers avec les poursuites et les rebondissements de situations est permanente pour une bande dessinée que je trouve fatigante à lire. Il s’agit d’une opinion très personnelle, de cape et de crocs est un des classiques de la bande dessinée française. De façon évidente, les emphases, le surjeu est une logique pour la thématique de cette bande dessinée. Néanmoins, je trouve que c’est trop que cela ne s’arrête jamais. Le rythme de la bande dessinée est trop élevé sachant qu’en plus, elle s’étale sur onze tomes !