Stefan Wul est un écrivain français du nom de Pierre Pairault. Il a dû certainement trouver que Stefan Wul ça passait mieux, on peut difficilement lui donner tort. L’auteur est né en 1922 et décédé en 2003. On lui doit une dizaine de romans de sciences-fictions suffisamment originaux pour avoir une collection complète en bande dessinée. L’univers est original et même parfois délirant. Le dernier roman date de 1977, c’est comme pour des auteurs comme Jules Verne, il est important de recontextualiser. Ces gens-là ne connaissaient pas l’internet, les effets spéciaux, ils n’avaient finalement que leur imagination.
Piège sur Zarkass
Nous sommes dans un futur lointain, les femmes ont fini par prendre le pouvoir. Les hommes se consacrent aux loisirs pendant que les femmes dirigent. Le monde devient pacifié, plus écolo. On notera que c’est le terreau d’une forte caricature, ce monde de femmes est loin d’être parfait. L’histoire se déroule sur Zarkass, une colonie extra-terrestre.
Le pitch est assez compliqué à faire. Deux femmes que tout oppose, une militaire et une scientifique, se retrouvent sur une planète, Zarkass. La scientifique cherche un remède pour sauver sa fille, la militaire est en mission spéciale. Elles ont pour mission d’explorer la colonie qui fait penser à une jungle sauvage. On retrouve dans la première partie, tout ce qui peut ressembler à une caricature d’exploration. Nourriture écœurante, moustiques tueurs et les indigènes qui les accompagnent qui ressemblent à des cafards géants. L’auteur dans sa société dirigée par les femmes présente la militaire qui singerait les comportements des hommes. Vulgaire, masculine, comme si finalement il était important de remplacer le vide.
De cette exploration, on va passer à un enjeu plus grand, sauver la planète Zarkass. La bande dessinée est prenante, délirante, on a du mal à savoir où elle nous embarque. Écrite en 1958, comme je l’écrivais plus haut, c’est vraiment au talent, à l’imagination et sans références ou presque que cette histoire a été écrite.
Un très bon moment de sciences-fictions psychédélique, assez critique. L’idée sous-jacente c’est que finalement, homme ou femme, la seule chose qui compte, c’est d’avoir le pouvoir.
La peur géante
Dans le futur, on constate que l’eau ne se congèle plus alors que la température est inférieure à zéro. Très rapidement, les catastrophes naturelles s’enchainent avec une rapide montée des eaux. Les forces humaines s’organisent et découvrent que la menace vient de l’eau. Des animaux aquatiques qui ont décidé de faire la guerre à la race humaine, des espèces de raies en plus intelligent.
Une bande dessinée en trois tomes, très dynamique, orientée autour de la résistance des hommes face à ces créatures. On est typiquement dans les grands classiques de la lutte des hommes contre les aliens comme dans les grands films catastrophes américains. Ici encore, rappelons-le, un roman écrit en 1957. Nous sommes dans l’action permanente avec un très bon dessin, des grandes planches, la bande dessinée classique se lit très rapidement (peu de texte) pour un agréable moment.
Niourk
L’histoire démarre dans un monde qui pourrait faire penser à la préhistoire. Un enfant noir est le martyr de son village, on se doute assez facilement pourquoi. Dans le village, « celui qui sait », mène des expéditions vers le monde extérieur. Un jour, il ne revient pas. L’enfant noir pense qu’on va l’accuser de l’absence de « celui qui sait » et craint pour sa vie. Il décide alors de quitter le village, on va réaliser que nous sommes en fait dans un futur post-apocalyptique.
À l’instar de la peur géante, ou de piège sur Zarkass, on est dans le classique. L’enfant va visiter notre monde après un désastre avec ses yeux de gosse qui n’a connu que son village. Une impression de relire le mythe de la caverne. Les territoires sont magnifiques, statue de la liberté, vieux immeubles. On en saura plus sur le devenir de notre planète dans une histoire assez moralisatrice autour de l’écologie.
C’est d’ailleurs assez intéressant dans le propos de Stefan Wul. Alors que nous sommes à une époque d’écriture où la pollution ne devrait pas être une préoccupation première, c’est une thématique qui revient de façon régulière. Niourk est illustré et scénarisé par Olivier Vatine à qui l’on doit la célèbre série Aquablue. Comme évoqué plus haut, les dessins sont magnifiques, l’auteur s’est vraiment transcendé. L’histoire prendra un autre tournant quand l’enfant noir va rencontrer d’autres personnes.
Oms en série
Difficile de savoir s’il s’agit de notre planète ou d’une autre, mais les hommes, qu’on appelle les « oms » sont des animaux de compagnie. Ils sont la propriété d’aliens gigantesques qui les considèrent comme des chiens ou des chats. Collier, animalerie, lieux de reproduction, la transposition de tout ce qu’on connaît est appliquée aux humains. Parfois la sensation de retrouver Toy Story. Parmi eux, Terr, un om différent qui a appris à lire la langue des Draags et qui va devenir le chef de la révolution. On pourrait presque penser à Néo dans Matrix.
La bande dessinée fait mouche avec un univers assez oppressant pour le lecteur. J’ai fait la comparaison avec Matrix, c’est assez similaire. Comme on se sent mal à l’aise avec les humains utilisés pour nourrir les machines, ici l’homme, transformé en animal de compagnie ou « dératisé », interpelle. Stefan Wul tape juste dans cette bande dessinée qui fait la part belle à l’action et aux planches larges. La réflexion de fond quant à l’extermination des peuples ne laissera personne insensible par les temps actuels.
En conclusion sur les univers de Stefan Wul
Il se peut que je sois à côte de la plaque étant donné qu’il y a de façon systématique un travail d’auteur. Il est parfois expliqué par le scénariste. Valérie Mangin, par exemple raconte les quelques libertés scénaristiques qu’elle a pu prendre avec l’une des histoires. Ainsi, lorsque je vois une notion en lien avec l’écologie, ce n’est peut-être pas le cas puisque je n’ai plus de souvenir de l’œuvre de Wul que j’ai lue il y a 30 ans.
Je n’ai pas pitché l’intégralité des albums de la collection, il y en a d’autres, je les ai trouvés juste moins bons.