Religion, partie 1

La bande dessinée peut difficilement échapper à la religion. La quête de spiritualité, mais surtout la « révolution » Da Vinci Code. Le livre de Dan Brown a ouvert la voie dans la fiction autour de Jésus avec son roman vendu à plus de cent millions d’exemplaires. On ose donc aujourd’hui les interprétations les plus farfelues, les théories du complot, des grands secrets qui donnent des histoires solides. On emprunte ici ou là des réalités historiques qu’on mélange à la fiction, cela fonctionne souvent. Sociétés secrètes, révélations qu’on veut faire taire, un peu de romance et vous avez de très bonnes intrigues.

On remarquera que pour ce premier billet religion, j’ai fait le choix de ne pas mettre que des histoires autour du catholicisme, de l’église et des complots. Certains auteurs font en effet preuve d’imagination autour de la religion et ont su créer des récits particulièrement originaux.

Le dernier templier

Voici typiquement l’illustration de cette introduction. Le dernier templier est une bande dessinée en deux cycles, quatre tomes pour le principal, deux tomes pour une nouvelle aventure que vous pouvez d’ailleurs éviter. L’histoire se déroule entre notre époque et la fin de l’ordre des templiers. Dans une exposition américaine, quatre hommes s’introduisent à cheval, habillés en templiers. Alors qu’on croit à une attraction de circonstance, la chevauchée tourne à la fusillade. Les hommes sont des voleurs qui s’emparent d’un objet précieux.

Alors que le motif d’un vol d’or paraît évident, la mort violente des voleurs intrigue le FBI. L’Église catholique a envoyé ses agents car elle craint que parmi les objets volés, l’un d’entre eux puisse faire tomber le catholicisme. Dans le passé, c’est l’histoire de l’objet que l’on suit, on va donc en parallèle voir nos héros revenir dans les endroits que le dernier templier a visité.

L’ensemble des clichés y passe. Des tueurs qui travaillent pour l’Église catholique. Un savant fou qui a perdu son épouse et qui cherche à se venger, un couple de héros que tout oppose et qui finit par tomber amoureux. Très américain dans la réalisation, la bande dessinée n’a rien d’original, mais reste très efficace, dans l’esprit d’un Da Vinci Code. Dans le second cycle, on retrouve nos héros trois ans plus tard avec un nouvel objet et une nouvelle menace pour le catholicisme. Trop réchauffé dans la construction, j’ai eu du mal à rentrer dans cette nouvelle aventure qui s’est arrêtée au bout de deux albums. Cela laisse supposer que je n’ai pas dû être le seul.

Le lama blanc

Au Tibet, au début du XX° siècle, un très grand moine se réincarne dans un enfant européen. Annonçant sa réincarnation, il confie les rênes du pouvoir à ses plus fidèles disciples. Malheureusement, l’un d’eux ne veut pas abandonner le pouvoir et va tout faire pour éliminer l’enfant.

Le lama blanc est une bande dessinée d’Alejandro Jodorowsky qu’on a déjà vu sur le site pour l’univers de l’incal et plus particulièrement les technopères avec lesquels on a beaucoup de similitudes. Comme souvent avec l’auteur, il s’agit d’une ascension, d’une montée en puissance du personnage. À l’instar des technopères, on va non seulement suivre l’ascension de Gabriel dans la lamaserie mais aussi le récit de sa famille adoptive. Les parents biologiques de Gabriel meurent et c’est une famille tibétaine qui recueille l’enfant pour l’élever comme si c’était le sien. Pendant que Gabriel devient un grand maître, sa famille va subir les affres du destin.

Le lama blanc fait logiquement une large place au bouddhisme, une logique quand on connaît l’attrait de Jodorowsky, sa quête de spiritualité. Les auteurs ont fait le choix d’une présentation mystique et fantastique. Gabriel en grandissant sera doté de pouvoirs très puissants, ira dans d’autres dimensions, réalisera des miracles. Très belle bande dessinée, magnifiquement illustrée par Georges Bess, le premier cycle est sur six tomes. Car il y a eu un second cycle entre 2014 et 2017 soit plus de 25 ans après le premier tome. Et comme pour le dernier templier, il est parfaitement dispensable. La Chine envahit le Tibet, les compagnons de Gabriel sont à sa recherche pour lutter contre l’envahisseur. Je n’ai pas réussi à rentrer dans l’histoire.

Le voyage des pères

Lorsque Jésus réalise une pêche extraordinaire en ramenant des navires plein de poissons, les hommes qui vont devenir les apôtres vont le suivre. Leurs pères pensent qu’il ne s’agit que d’une passade, qu’ils vont revenir, sauf qu’ils ne reviennent pas… Ils vont donc partir sur les traces de leurs enfants, les apôtres dans le sillage de Jésus.

Comme on peut s’en douter, le voyage des pères est une bande dessinée sous le signe de l’humour. Les pères vont par exemple signaler la disparition de leurs fils dans la trentaine, imaginer qu’ils sont en train de se prendre une cuite. Ils se plaignent des miracles du Christ qui redonne la santé aux belle-mères. Le voyage des pères ne fait pas dans l’humour potache et sous ses airs de bande dessinée humoristique aborde la bible sous un autre aspect. D’une façon suffisamment sérieuse pour être vendue dans les librairies chrétiennes.

Les pères des pêcheurs vont rencontrer par exemple le père de Matthieu. Ils vont rester coincés sur le fait que Matthieu était collecteur d’impôts. Matthieu qui fait partie des apôtres était bien collecteur d’impôts au service des romains. La bande dessinée n’est pas légère et sait utiliser l’humour pour dissimuler la cruauté d’une époque. Par exemple, un esclavagiste se plaint que Jésus casse le marché de la prostitution. Deux d’entre elles qui refusent de se prostituer vont suivre les pères, la troisième sera tuée.

Les premiers tomes constituants un premier cycle jusqu’à la crucifixion sont très bons, la suite passe moins bien ou en tout cas j’ai moins accroché.

Le troisième testament et Julius

Le troisième testament est une série qui a remporté un grand succès et pourtant, j’ai largement préféré sa suite Julius qui est un préquel. C’est pour moi suffisamment rare pour être remarqué, car souvent les suites sont moins bonnes que les originaux.

L’histoire se situe au début du XIV° siècle. Dans un monastère isolé, on fait une sinistre découverte, un coffre qui va entraîner la mort de tous les moines par des cavaliers mystérieux. C’est Conrad de Marbourg un ancien inquisiteur qui va mener l’enquête. On notera qu’à l’instar de l’étoile du désert, le personnage ressemble très largement à Sean Connery. Il va donc partir à la recherche du troisième testament en compagnie d’Elisabeth la fille adoptive du mandataire de la mission de Marbourg. Leurs aventures vont les conduire en Espagne, en Écosse, à Prague avec de nombreux intervenants. Les templiers, l’inquisition, un homme du Sayn maléfique au point de penser qu’il serait le diable.

Dans le troisième testament, on retrouve tout ce qui a pu faire le succès du Da Vinci Code. De l’action, des rebondissements, des secrets, des énigmes. Pourtant, la bande dessinée joue certainement trop sur cet aspect. Il faudra attendre le quatrième tome pour réellement comprendre ce secret autour de ce parchemin. On a donc une bande dessinée particulièrement nerveuse, avec beaucoup d’événements, mais qui, j’ai envie de dire, s’agite pour pas grand-chose.

Julius ce préquel inattendu

Si vous n’avez pas lu le troisième testament, je vous déconseille de lire ce qui suit, je suis dans l’obligation de spoiler. Dans la bande dessinée, il est question des carnets de voyage de Julius de Samarie. Il aurait transporté dans un coffre, la position exacte du troisième testament. Ce préquel va remonter jusqu’aux origines, soit tout simplement la rencontre entre Julius et le frère de Jésus. C’est en effet le mystère de la bande dessinée originale.

Alors qu’on pourrait s’attendre à un saint, Julius est une ordure. Général romain, il fomente un complot pour prendre le pouvoir à Rome. Il est trahi par sa fille et part dans les mines. Il va donc avoir pour compagnon celui que tout désigne comme étant le Christ. Sauf qu’il s’agit du frère de celui-ci et qu’il ne croit pas vraiment en lui-même. C’est ici que le positionnement de la bande dessinée est très fort, cet homme qui est extraordinaire mais qui n’est pas Jésus, qui doute mais qui pourrait potentiellement être le nouveau Christ. On a parfois l’impression d’avoir Néo dans Matrix.

Julius comme précisé plus haut n’est pas un homme bien, c’est un homme avide de pouvoir. Il voit en cet homme reconnu par les tribus juives, l’opportunité de réunir l’intégralité du peuple et de prendre le pouvoir. Le frère du Christ sent qu’une force l’appelle, son destin, comme les apôtres des hommes vont le suivre, Julius en fera partie pour simplement démontrer qu’il est un homme et pas l’élu.

Excellente bande dessinée, beaucoup plus claire que le troisième testament, des personnages beaucoup plus intéressants, pour une histoire que je trouve bien plus captivante que l’originale.