Nouvelle série de one shot. Au programme, des réincarnations, la France sous l’occupation, la disparition d’une enfant et une condamnation pour une tomate !
Où le regard ne porte pas.
Je triche un peu puisque historiquement la bande dessinée est parue sur deux tomes puis ramenée à un seul. Je dois dire qu’il aurait été difficile de faire rentrer cette bande dessinée dans une case, tant elle est particulière. L’histoire commence en 1906 dans un village italien de bord de mer, loin de tout. Un homme, sa femme et ses deux enfants en provenance d’Angleterre viennent s’installer. L’épouse a fait un héritage, le mari rêve d’industrialiser la pêche. Les habitants du coin voient cette arrivée d’un très mauvais œil. Le fils ainé se lie très rapidement avec trois enfants du village. Il apparaît que ces trois enfants sont nés exactement à la même date. La seule fille du groupe possède une pierre avec une étrange inscription dessus, en fumant ils ont des visions d’une vie passée.
Et c’est ici que la bande dessinée prend un tournant assez particulier. Certaines planches sont en effet consacrées à des moments dans des vies antérieures. Les quatre personnages sont liés depuis les temps anciens. Après des événements dramatiques, on retrouve les enfants 20 ans plus tard, à l’âge adulte. Lisa fait appel à ses trois amis d’enfance pour retrouver l’homme qu’elle aime parti au Costa Rica. On comprendra que lui aussi fait partie du groupe.
Parue en 2004, à l’époque, la bande dessinée fait mouche. À la fois fantastique, romanesque, une bande dessinée qui touche.
Aimer pour deux. Un one shot inspiré de la vie de l’auteur
J’ai prévu de faire un spécial « Nazi », ça devrait théoriquement nous attirer du monde :). Cela dit j’anticipe sur ce one shot que j’ai trouvé excellent au gré de mes lectures. Il s’agit d’une histoire vraie, l’histoire du scénariste Desberg. C’est un auteur de bande dessinée très connu, notamment pour sa série avec Marini le scorpion.
Aimer pour deux raconte l’histoire des parents de Desberg, elle s’articule principalement autour de sa mère. Provinciale qui débarque à Paris elle fréquente le milieu intellectuel et clandestin durant l’occupation. Elle cherche le grand amour, elle va rencontrer Francis qui sera le père de son premier enfant. Elle ne l’aime pas vraiment. On va suivre la jeune femme de l’occupation à la libération, le divorce et la séparation avec sa fille. Difficile de distinguer le vrai du fictif dans cette histoire à qui l’on pourra reprocher son côté cliché. Le personnage de la jeune femme qui a des relations avec les Allemands ou encore ce jeune homme d’origine américaine, noir et homosexuel qui finira déporté.
Le dessin particulièrement réussi fait penser à celui de pin-up. L’histoire nous tient en haleine sur le devenir de la petite fille qu’elle a avec Francis. Retrouvera-t-elle ou non sa mère ? Un one shot classique mais bien dessiné qui décrit bien une époque terrible.
Ceux qui restent
Ceux qui restent est un one shot que j’ai trouvé très bien mené. Dans une famille tout ce qu’il y a de plus banal, un monstre vient chercher l’enfant de la maison. Il lui explique qu’il a besoin de lui pour sauver son monde. L’enfant suit le monstre. On voit ici la parabole avec les pervers qui font du mal aux enfants, mais ici l’aspect fantastique est bien un élément de la bande dessinée. C’est ce savant mélange avec une réalité bien difficile qui est très intéressante.
Les parents ne retrouvent pas leur enfant, croient bien sûr à un enlèvement. La presse s’empare de l’événement, la police, jusqu’au jour où l’enfant réapparait. Le gamin raconte son voyage extraordinaire, les artefacts qui lui ont permis de terrasser les monstres. Il n’a subi aucune sévisse, il répète sans cesse le même discours, les autorités pensent que c’est pour masquer un traumatisme. Alors que les parents célèbrent leur joie, un couple de personnes âgées vient voir les parents pour dire que l’enfant va repartir. Dans le déni au départ, c’est ce qui finit par se produire. Et forcément, cette deuxième disparation oriente la vindicte populaire contre la famille qui ne peut être que la seule responsable.
Le traitement du fantastique mélangé à une réalité qui illustre bien le monde dans lequel nous vivons est particulièrement bien fait. Bien qu’il s’agisse d’une parabole des enlèvements d’enfants, tous les aspects médiatiques, la culpabilité des parents, les groupes de parole, tout y est. Ainsi, sous son aspect imaginaire, la bande dessinée est bien plus douloureuse qu’il n’y paraît.
La tomate
La tomate est une bande d’anticipation qui se situe plutôt dans la dystopie. Il sera difficile de ne pas penser au 1984 d’Orson Wells. Dans une société très contrôlée, Anne est chargée de retrouver les objets du passé et de les détruire. La bande dessinée s’ouvre sur une scène de tribunal. On accuse Anne d’un crime terrible, avoir fait pousser une tomate. Anne arpente les vieux quartiers, le troisième cercle, celui des pauvres, elle tombe sur un magazine avec des graines. Si au départ, c’est la volonté de comprendre ce que représentent ces graines, par la suite, c’est l’émerveillement face à la nature. Elle va mettre en péril son mariage, sa vie, pour faire pousser un légume.
La tomate, comme on peut le comprendre, est une critique cinglante du contrôle absolu. L’histoire tient la route, on appréciera le jeu des couleurs avec le gris des bâtiments, des personnages et de temps en temps ce rouge qui dénote. Sans révolutionner le genre, le one shot reste agréable à lire.