One shot, numéro 1

On définit le one shot dans la bande dessinée littéralement par un « seul coup ». Il s’agit de bandes dessinées réalisées en un seul tome. Je trouve que le concept est très intéressant pour au moins deux raisons. Pas de séries à rallonge, par exemple au moment où j’écris ces lignes un Lanfeust de Troy numéro 9 vient de sortir ! Les auteurs n’ont donc pas le droit à l’erreur, il faut réussir à faire passer tout ce qu’on veut dire en un seul tome. Bien évidemment, si certains one shot sont sur une petite cinquantaine de pages, d’autres peuvent atteindre plusieurs centaines, soit l’équivalent d’une série. Avec le one shot, c’est un contrat clair, souvent de très belles histoires avec des styles très variés.

Exauce-nous

Léonard est un jeune homme attardé, particulièrement gentil. Il est homme de ménage dans un théâtre, bien intégré au sein de son groupe d’amis dont on verra les hauts et les bas durant l’album. Trafic de drogue pour l’un, une femme qui part pour l’autre. Léonard n’a de cesse que de demander à chaque personne qu’il croise si elle a trouvé la fille. Personne ne sait de quelle femme il parle, c’est obsessionnel. Dans son groupe d’ami, l’un d’eux commence à s’intéresse à son histoire. Il est en effet intrigué par cet homme qui cherche une femme dont il n’a pas de souvenirs. Il voit dans cette histoire, une idée de scénario pour un livre ou un film.

En s’intéressant à Léonard, il se rend compte qu’il emploie une phrase de façon récurrente : ça se passe. Et quand Léonard emploie cette phrase, il apparaît que ça se passe vraiment, Léonard exauce les vœux. Une maison, l’amour, la rémission d’un cancer, un vrai marabout à lui tout seul ! La bande dessinée prend plusieurs orientations. L’enquête Léonard avec à la clé les origines du jeune homme et le drame qui se cache derrière. Le côté mystérieux bien sûr autour de ces miracles. Enfin la vie des gens qui gravitent autour de Léonard, leurs joies et leurs peines.

Makyo est un scénariste très expérimenté, il est à l’origine de très nombreuses séries à succès comme balade au bout du monde. Je ne suis pas toujours fan de ses univers, de son rythme, avec une tendance très courante à tomber dans le fantastique ou dans l’ésotérique. Ici je trouve que le mélange des styles fonctionne bien. Malgré la multiplication des intrigues, le lecteur n’est jamais perdu et attend l’épilogue.

Perkeros

Perkeros est le nom d’un groupe de métal finlandais, héros de ce one shot au titre éponyme. Il s’agit sur le principe de l’histoire classique d’un groupe qui veut réussir, connaître la célébrité. Malheureusement, ils rament, mais quelques opportunités pourraient les faire découvrir. Un festival qui se rapproche, un album en préparation et enfin un nouveau chanteur bien meilleur qu’Alex. Alex est la caricature du type passionné par la musique, sa copine ne croit plus vraiment en lui, elle attend qu’il se lasse. Puis il n’y a pas qu’Alex, il y a la jolie Lily qui fait partie du groupe, créant forcément le fameux triangle amoureux.

Et puis il y a l’ours pour batteur, le vieux qui a plus de 600 ans, et cette note parfaite qu’a pu atteindre Alex au point de le faire léviter ! Dire que Perkeros est un ovni est un euphémisme. La bande dessinée se présente sous tous ses aspects comme « normale ». Comprenez que dès le début de l’album on voit l’ours à la batterie et cela ne choque personne. Ce postulat d’insérer du paranormal ou de l’étrange dans un monde très classique est pour le moins étonnant et fonctionne parfaitement.

Perkeros est une bande dessinée qui accroche, on est forcément intrigué et puis c’est une bande dessinée aux dessins magnifiques. Les scènes de concert sont de véritables explosions de couleur, on se croirait projeté dans l’Hellfest. Chouette histoire, superbes dessins, un excellent one shot.

Animus

Antoine Revoy l’auteur de la bande dessinée est tout ce qu’il y a de plus français mais il a fait le choix de faire un manga. D’après sa biographie, il a pas mal bougé et aurait grandi au Japon. Ceci explique peut-être l’influence pour Animus sa bande dessinée qui est un manga. Dès le début de l’album, j’ai été saisi par la ressemblance avec rêves d’enfants. Ressemblance par le dessin confirmée plus loin par l’histoire. Dans un quartier résidentiel, des enfants disparaissent par dizaines.

Pendant ce temps, deux enfants jouent dans un parc où ils découvrent que tous les objets ont des pouvoirs paranormaux. Par exemple, le tas de sable fait apparaître les frayeurs, les balançoires permettent de rentrer dans les rêves de ceux qui dorment. Et le toboggan fait vieillir de façon prématurée. Curieusement, on constate une très forte augmentation du nombre de personnes âgées qui ne se rappellent rien à l’hôpital.

Le parc est gardé par un fantôme, un peu joueur, mais pas vraiment méchant. Il s’agit d’un enfant mort, mais il ne sait pas quand ni où. Les deux gamins qui jouent vont essayer de résoudre l’énigme et de sauver tous leurs amis qui ont pris un coup de vieux !

Le côté paranormal, les immeubles, le dessin, comme je l’ai écrit, les similitudes avec rêves d’enfants sont nombreuses. Bien évidemment, on n’est pas dans les combats délirants avec les destructions d’immeubles, mais l’enquête fonctionne très bien.

The end

Une bande dessinée de Zep, on a forcément envie d’y jeter un coup d’œil. Pour mémoire, il s’agit de l’auteur de Titeuf, mastodonte de la bande dessinée franco-belge. Pour ce one shot, nous sommes à des années lumières du gamin qui joue les rebelles. L’histoire commence avec une hécatombe, des gens qui meurent sans qu’on connaisse la raison. On retrouve au même moment un groupe de scientifiques qui étudient les arbres. Le chef a une obsession pour le groupe les Doors et particulièrement pour la chanson the End. Et j’ai envie de dire que c’est ici que tout dérape. The End, littéralement la fin avec des gens qui étudient la nature, sur une thématique écolo, et des gens qui meurent spontanément, il n’est pas compliqué d’y voir la fin du monde.

The end fait penser au film phénomènes de M. Night Shyamalan, pas le meilleur, où l’on comprend que la nature reprend ses droits en éliminant les humains. Si la bande dessinée est prévisible dès les cinq premières pages, qu’elle est pétrie de clichés, elle a de nombreuses qualités. Techniquement Zep fournit un très bel album avec un choix de couleurs qui fait penser aux années 80. Concrètement, certaines planches sont presque uniquement réalisées avec des nuances de bleu, de rose ou de vert. C’est un choix de couleurs audacieux qui fonctionne bien. Enfin, malgré des idées déjà vues, une mise en œuvre que je qualifierai de classique, c’est efficace et cela fonctionne bien.

Kuklos

Kuklos raconte l’ascension d’un adolescent dans le klux klux klan. Une tradition de père en fils dans cette famille, très rapidement le jeune homme éprouve fascination et admiration pour son père qui tient une place importante dans le klan. Intronisé, on suit son parcours jusqu’à ce qu’il devienne à son tour chef de clan. La bande dessinée a un positionnement qui tranche par rapport ce qu’on peut voir d’habitude. En effet, d’habitude, c’est la repentance, la découverte que le racisme, c’est mal, ce n’est pas ici le cas. Les auteurs ont fait le choix de raconter une rivalité dans le klan, une rivalité qui va conduire les membres à la mort.

Kuklos est une bande dessinée qui fait le choix de la violence pure, pas de la repentance. On va donc suivre les différents protagonistes dans leurs actions contre les noirs, pendaison, viols, tabassages gratuits. Je trouve qu’il est pertinent de ne pas avoir fait le choix que de présenter des personnages crétins dévorés par la haine, mais un milieu plus varié. Des hommes éduqués, des crétins, des lâches, qui ont une haine viscérale des noirs. On souligne l’importance de ce lieu, une appartenance à une famille. Il est aussi intéressant d’avoir fait le choix d’un héros raciste et qui n’a pas de remords.

Comme on peut le voir dans la couverture, on comprend que les choses ne vont pas se passer comme prévu et que le chasseur devient chassé. Prenant et original, un excellent one shot.

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