L’indice de réparabilité est arrivé il y a quasiment un an. Si vous voulez avoir l’ensemble des détails, vous avez un site dédié. Ce n’est pas une lubie, mais bien résoudre un problème de fond, le gaspillage et le manque de matières premières. On fait donc le calcul de façon assez simple, que plus on peut réparer un appareil, plus on peut le faire vivre longtemps. Ainsi, on va économiser de grandes quantités de matières premières, l’eau notamment.
Il faut savoir que le gaspillage est tel qu’une loi vient de paraître pour interdire la destruction des invendus. Cette loi s’appliquait jusqu’à maintenant à l’alimentaire, c’est désormais le cas pour le non alimentaire. Une entreprise comme Amazon pour ne citer qu’elle, détruit chaque année des millions d’objets. Pourquoi ? Des objets sont invendus et ne trouvent pas d’acheteur, une logique. Le stockage est tellement onéreux qu’il est plus rentable de détruire. On peut alors se demander pourquoi ne pas donner ou ne pas revendre à prix cassé. C’est ici qu’on entre dans la limite du capitalisme.
Si vous bradez un téléviseur ou que vous le donnez à une association, vous cassez le prix du marché. Comprenez qu’un téléviseur s’il coûte 800 €, même s’il n’a pas trouvé preneur, on ne le brade pas pour ne pas dévaluer son prix, on ne veut pas qu’il se retrouve chez Emmaüs non plus. Psychologiquement, un produit de luxe neuf dans de ce type d’association est mauvais pour l’image de la marque. On préfère mieux le détruire.
L’indice de réparabilité qu’est-ce que c’est ?
L’indice de réparabilité est une note de 0 à 10 qui répond aux critères suivants :
- Documentation : score déterminé par l’engagement du producteur à rendre disponibles gratuitement, en nombre d’années, des documents techniques auprès des réparateurs et des consommateurs.
- Démontabilité et accès, outils, fixations : score déterminé par la facilité de démontage du produit, le type d’outils nécessaires et les caractéristiques des fixations.
- Disponibilité des pièces détachées : score déterminé par l’engagement du producteur sur la durée de disponibilité des pièces détachées et sur le délai de leur livraison.
- Prix des pièces détachées : score déterminé par le rapport entre le prix de vente des pièces détachées et le prix du produit.
- Critère spécifique à la catégorie d’équipement concernée
Pour la dernière mention, c’est tout simplement en lien avec le type d’appareil. C’est limité comme on peut le voir dans la liste donnée dans l’infographie. En effet, la réparation d’une tondeuse à gazon et d’un ordinateur ce n’est pas la même chose.
Quel bilan après un an d’existence ?
Le site 01net fait ce bilan, dans les faits voici ce qu’on peut trouver. La première aberration, c’est que la note est déterminée par le constructeur. Cela veut dire que la société est à la fois juge et partie. Si on prend par exemple le cas des smartphones ou des appareils électroniques, vous avez le site iFixit qui démonte tout depuis des années. Voici par exemple le démontage de la PS5 par les membres du site
Pour une véritable note cohérente, il faudrait obligatoirement que ce soit un organisme indépendant qui fasse le nécessaire ou un organisme d’état.
Il n’y a pas de critère éliminatoire, ce qui entraîne des situations ubuesques. Tous les critères sont équivalents si bien que vous vous pouvez avoir un ordinateur qui se répare très facilement, très bien documenté, avec des pièces détachées à très bas prix. Sauf que ces pièces ne sont peut-être plus disponibles. Par le fait, la machine n’est pas réparable.
Autre point et pas des moindres, la disponibilité sur le long terme. Vous achetez un smartphone, il est formidable et répond à tous les critères de réparation, de disponibilité des pièces, sauf qu’il n’est plus mis à jour à la fin de la première année de commercialisation. L’indice de réparabilité n’est finalement qu’une photographie à un instant t qui ne permet pas d’envisager si l’appareil sera réparable à moyen ou long terme.
On comprend que cet indice est important, mais qu’il doit évoluer. De la même manière, si cet affichage est important, il ne concernera en fait qu’une minorité de personnes dont je fais partie, ceux qui osent.
Réparation d’un ordinateur portable
Diagnostic
Une collègue de mon épouse a fait passer un ordinateur. Le symptôme un bruit de vibration très important. Premier critère : l’expérience. Mon épouse qui partage mon existence depuis 27 ans a directement dit à sa collègue que c’est le ventilateur. Comprenez qu’elle n’est absolument pas experte, qu’elle n’y attache aucun intérêt. Seulement si pendant 27 ans, vous entendez quelqu’un chanter une chanson à haute voix, il y a de fortes chances que vous finissiez un jour par retenir les paroles.
On reviendra d’ailleurs sur la chanson à haute voix, mais plus loin.
Effectivement, il s’agit du ventilateur qui fait du bruit. J’ai fait une rapide recherche pour voir si c’était une panne récurrente dans les forums Asus, puisqu’il s’agit d’un PC de la marque. Il apparaît effectivement que cela se produit assez fréquemment y compris sur des machines récentes. Ce PC est par exemple compatible Windows 11, on peut donc miser sur un défaut de la pièce ou de fabrication. J’évoquais l’idée de retenir une chanson à voix haute que vous finissez par connaître par cœur. Rien ne dit que les paroles de la chanson sont justes, si bien que vous allez chanter quelque chose de faux. Sur les forums Asus, la réponse qui revient de façon systématique, c’est de réinitialiser le PC. Bien évidemment, ceux qui ont réinitialisé n’ont pas eu un meilleur fonctionnement.
Réparation
On revient ici en second critère sur un des points de l’indice de réparabilité, la disponibilité de la pièce et son prix. J’ai trouvé la pièce sur Amazon grâce à la référence du ventilo. J’ai fait le choix d’Amazon, car sinon c’était Ebay, et malheureusement en ce qui concerne la protection du client, Amazon est très au-dessus.
En rouge la référence qui m’a permis de trouver la pièce. Écrit de façon minuscule sur le ventilateur. Un délai de livraison de plusieurs semaines, c’est de Chine qu’est arrivé le produit. Et dernier point et pas des moindres, le prix. Est-ce qu’à 31 € je répare ? Oui, la réparation est simple, il y a de très fortes chances pour que ce soit uniquement le ventilateur. Le retour est autorisé, sans tomber dans le risque zéro, c’est à tenter. L’appareil avec la pénurie d’ordinateurs en lien avec la COVID se vend encore plusieurs centaines d’euros.
La réparation se limite à démonter l’arrière de l’appareil, quelques vis, deux vis de la batterie pour la soulever. En effet, une des fixations du ventilateur est mise sur une fixation de la batterie. Bien évidemment, sous la batterie et pas sur. De quoi faire baisser le critère de réparabilité.
Bilan : ce que ne dit pas le critère de réparabilité
L’opération m’aura pris en tout une heure. Toute l’opération. Le diagnostic avec un premier démontage, la recherche de la cause potentielle sur internet, la recherche de la pièce et sa commande. Le second démontage et le changement. Ce qui veut dire que la collègue de ma femme, c’est 37 € que ça lui coûte, ni plus ni moins. 31 € pour le ventilateur, 6 € de frais de port. Il est à noter que j’aurais pu aller plus loin et tenter de graisser le ventilateur. J’ai réparé à moindres frais, c’est déjà pas mal.
Le critère de réparabilité ne tient pas compte de la main d’œuvre et c’est un problème de fond. Le critère de réparabilité n’a de sens finalement que si le client lui-même sait réparer. Qui sait réparer lui-même son ordinateur ou son téléphone ? Je ne connais que moi dans mon entourage physique. Ce qui d’ailleurs m’a fait penser à ce tweet qui m’a fait sourire.
Je ne connais pas le tarif à l’heure pour la réparation que j’ai menée. Ce que je peux vous dire avec certitude, c’est que les sociétés informatiques ne se cassent pas la tête et vous invitent à remplacer par du neuf de façon systématique. C’est une constante actuelle dans tout corps de métier, des gens qui ne veulent pas se prendre la tête ne pas aller à l’économie. Cela peut toutefois se comprendre, mettre le nez dans une vieille plomberie, voiture, ordinateur, c’est prendre le risque de passer trop de temps à réparer par rapport au prix du neuf.
Le smartphone de ma fille, réparation non faite.
Comme toute bonne jeune qui se respecte ma fille jugeant sa coque moche et imaginant une maîtrise parfaite de son corps, son smartphone est tombé. Il s’agit d’un Redmi acheté il y a deux ans à 150 €. Je sais faire. Néanmoins, même si je sais faire, la réparation est pénible. Il faut décoller la vitre au sèche-cheveux, il faut recoller la vitre ensuite avec une colle dédiée. Comprenez que contrairement à l’ordinateur précédent, la machine est mise sous des contraintes de chaleur et mécaniques bien plus importantes que de retirer 10 vis. Le tarif d’un kit complet de remplacement est aux environs d’une 50 d’euros et là ça coince.
Son téléphone fonctionne encore correctement, elle ne se plaint pas de la casse. C’est l’aspect esthétique qui est finalement le plus gênant, plus pour moi que pour elle. Son prochain téléphone coûtera dans le même ordre de prix, aux environs de 150 €. Il n’est pas à l’ordre du jour de réaliser cet achat, tout bonnement parce qu’il n’y a pas de smartphone 5G à ce tarif. En effet, aujourd’hui, aucun intérêt d’acheter un smartphone sans 5G si on ne fait pas partie des gens qui changent leur téléphone tous les 6 mois.
Le critère de réparabilité de ce Redmi est peut-être bon, mais la dépréciation rapide du matériel combinée au prix de la pièce et au risque de la réparation n’invitent pas à se lancer.
Conclusion, des réparateurs plutôt que de la réparabilité.
J’avais écrit un article sur le choix d’un PC d’occasion, et dans les premiers critères j’ai parlé de l’alimentation. J’ai l’expérience, je sais qu’acheter un ordinateur avec une alimentation bizarre, c’est prendre le risque de payer très cher si elle lâche. De la même manière, on sait que je suis partisan des tours, ce sont des appareils qui se réparent très simplement. Le problème est alors bien plus complexe. Lorsque Dell fait de façon systématique pour ses PC d’entreprise des alimentations non standard, ne faudrait-il tout simplement pas lui interdire de le faire ?
De la même manière, votre garage doit vous proposer quand c’est possible une pièce d’occasion. Je connais très peu qui le font spontanément. Pourquoi ? Tout simplement parce que comme je l’ai décrit plus haut, c’est plus facile de remplacer par du neuf. En effet, cela signifierait faire le tour des casses pour trouver la bonne pièce et c’est hautement plus compliqué que de se faire livrer par son fournisseur.
L’état doit revoir intégralement sa copie, car l’occasion, c’est un concept dont on perçoit pleinement l’intérêt sans volonté sincère de favoritisme. La redevance pour la copie privée mise en place à l’époque où les gens téléchargeaient des mp3 quand aujourd’hui ils sont abonnés à des services est un non-sens en 2021. Pourtant, cette taxe qui ne vise qu’à remplir les caisses de l’État s’applique aussi au marché de l’occasion.
Il y a pourtant tout pour que ça fonctionne, dans l’aspect éthique et financier avec une écologie évidente et des offres d’emplois et de reconversions professionnelles. Il faut développer les initiatives de type Fab Lab et repair café pour que les gens deviennent autonomes. Parallèlement il faut créer de vraies filières de la réparation et de remploi. On notera d’ailleurs qu’il n’y a pas de BAC PRO maintenance des systèmes et qu’on attaque au BTS.
Une fois de plus, avec le critère de réparabilité nous sommes dans la mesurette. La fillière du remploi doit démarrer dans l’éducation des plus jeunes dans les habitudes de consommationne. Se poursuivre avec des diplômes et des métiers.