Le problème des détecteurs de métaux…

Ben : Bonjour Raphaël, tu es actuellement étudiant en Archéologie à Strasbourg et tu as créé il y a bientôt deux ans, une chaîne YouTube, Archéo Nouks, pour parler de ta passion. Aujourd’hui j’ai le plaisir de te recevoir (après d’Histoire en Histoire) pour aborder les problèmes que peuvent provoquer les détectoristes avec leurs détecteurs de métaux sur les sites archéologiques. Mais d’abord est-ce que tu peux nous expliquer ce qu’est un détectoriste ?

C’est quoi un détectoriste ?

Raphaël : Un détectoriste c’est une personne qui utilise un détecteur de métaux. Un appareil qui détecte les objets métalliques se trouvant dans le sol. Une fois que l’appareil signale la présence d’un de ces objets, le détectoriste creuse pour le sortir de terre. C’est une pratique qui est apparue aux USA vers 1970 puis qui s’est exportée vers notre vieille Europe quelques années après. Alors les détectoristes peuvent avoir des objectifs variés : faire une petite sortie en famille, dépolluer le sol, retrouver des objets perdus ou trouver des vestiges anciens.

Quel est le problème avec les détecteurs de métaux ?

Ben : En quoi cette pratique pose soucis aux Archéologues ?

Raphaël : Voilà une question fort intéressante qui va me permettre d’expliquer une ou deux choses. En effet depuis longtemps les archéologues ont tendance à se plaindre de cette pratique pour diverses raisons. Ce qu’il faut comprendre avant tout c’est que, contrairement à ce que l’on pense parfois, le rôle de l’archéologie ce n’est pas de mettre des objets dans des musées, mais de comprendre les sociétés anciennes.

Pour cela, l’objet tout seul est inutile. On a besoin de connaître son contexte. Laissez-moi vous donner un exemple : un tesson de vase grec trouvé à Marseille ce n’est pas forcément de première importance, mais si on le trouve dans le nord de la Gaule alors là c’est différent.

En effet dans ce cas-là il n’est pas local et sa présence prouve qu’il y a eu un commerce c’est donc un objet important. Ici l’objet est le même, mais son contexte renseigne une information très différente.

La stratigraphie

Attention ce n’est pas seulement la position géographique qui compose le contexte il y a également la stratigraphie. Pour faire très simple le sol s’organise en couches superposées de différentes compositions, couleurs et natures. Les archéologues étudient ces couches pour comprendre un site, car les couches les plus profondes sont les plus anciennes et les plus en surface les plus récentes.

Donc en fonction de la couche dans laquelle se trouve un objet on peut le dater, mais pas seulement. Souvent on peut différencier, par l’étude de la stratigraphie, si un objet a été perdu ou s’il a été déposé dans une fosse de manière intentionnelle. Or quand quelqu’un arrive avec un détecteur de métaux et creuse pour trouver l’objet, il détruit de manière définitive la stratigraphie et le contexte de l’information. La personne peut apporter l’objet découvert à des archéologues, mais ils ne pourront en tirer que très peu d’informations. C’est donc surtout pour ça que cela complique l’étude du passé.

On peut également noter qu’un certain nombre de détectoristes conservent leurs découvertes pour leurs collections privées ce qui est une perte pour le patrimoine. D’autres encore (sans doute pas la majorité) vont détecter directement sur des sites archéologiques pour trouver et revendre des objets et c’est encore pire.

Le détectorisme sanctionné par la loi

Ben : C’est sanctionné par la loi ?

Raphaël : Si certains pensent qu’il y a un flou juridique permettant de pratiquer ce loisir en toute tranquillité ce n’est absolument pas le cas. La loi, plus précisément l’article L542 du code du patrimoine dit très clairement que nul ne peut utiliser un détecteur de métaux pour la recherche d’objets intéressant l’archéologie, l’histoire ou l’histoire de l’art sans une autorisation délivrée par la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles).

Si vous êtes malin vous vous dites peut-être : « Donc si je ne cherche pas de vestiges j’ai le droit de détecter ! ». Sachez que vous n’êtes pas le premier à vous dire cela et beaucoup défendent ce que certains nomment la détection de loisir qui serait légale. Sauf que ce n’est pas du tout le cas. En effet du point de vue de l’état c’est toute la France qui doit être considérée comme un site archéologique potentiel (car nous sommes très loin de connaître tous les sites et chaque année un grand nombre sont identifiés).

De plus, quand un détecteur de métaux bipe, comment savoir avant de creuser (et donc de détruire le contexte) si c’est un objet archéologique ?

Bref oui c’est bien une activité punie par la loi et cette dernière ne reconnaît pas l’existence d’une « détection de loisir ». Il est à noter que les sanctions peuvent être lourdes allant jusqu’à 7500 euros d’amende, et si vous avez endommagé ou volé un objet archéologique l’addition peut monter jusqu’à 100 000 euros d’amende et 7 ans de prison. 

Comment utiliser un détecteur de métaux légalement ?

Si vous voulez obtenir l’autorisation administrative (ce que font les archéologues lorsqu’ils ont besoin de détecteurs de métaux) vous devrez expliquer votre projet, la zone de recherche, présenter les autorisations des propriétaires des terrains concernés, avoir des compétences en archéologie et par la suite écrire un rapport sur le déroulé de votre opération ainsi que sur les résultat.

Ben : Oui effectivement ce n’est pas simple ! Merci pour toutes ces précisions.

Si vous voulez en savoir plus je vous invite à visionner la vidéo que Raphaël a réalisé sur le sujet.