Astérix, le livre de chevet que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Avant Astérix et le griffon.
Les aventures d’Astérix et d’Obélix, Tintin ce sont les livres de chevet de ceux qui ont franchi la quarantaine. Il me paraît toujours important de contextualiser un texte, c’est ce qu’on demande aux élèves, réfléchir à la source. À l’époque, nous n’étions pas dans une société de consommation de masse culturelle. Il n’y avait pas d’internet, il n’y avait pas de console, nous avons connu seulement trois chaînes de télévision, encore moins Netflix. Les livres coûtaient cher, les bibliothèques étaient rares, si bien qu’on avait tendance à lire et relire certains ouvrages.
La force du concept d’Astérix dans la période Goscinny et Uderzo c’était d’avoir plusieurs niveaux de lecture. Le niveau de lecture que je qualifierai de premier degré, nos héros partent à l’aventure, cassent du romain, finissent en banquet. Le second degré, à la recherche des références culturelles. Le dernier degré, la critique de la société.
Astérix, une quantité de références culturelles
Si on prend par exemple Astérix chez les bretons, nombreuses sont les références à la nourriture, à l’heure du thé, ou encore au brouillard. Nous sommes dans le second niveau de lecture, celui qui impose de connaître les clichés liés à l’Angleterre. L’album est paru le 31 août 1966 et on va trouver cette case.
Il s’agit du groupe les Beatles qui a fait partie des groupes de rock les plus connus au monde, au même titre que les Rolling Stones. À l’époque forcément le clin d’œil était parlant puisqu’il s’agissait d’actualité. Pour les gens de ma génération, les Beatles c’était le groupe qu’écoutaient nos parents, c’était donc aussi parlant. Aujourd’hui, un jeune de 15 ans qui fait une lecture d’Astérix chez les bretons ou d’Astérix de façon générale va rater toutes ces références. Il ne sera pas le seul, beaucoup d’acteurs de l’époque sont croqués. Si pour Louis de Funès c’est facile car c’est encore un visage connu de notre enfance, pour d’autres c’est plus compliqué.
Astérix , une critique de la société
Comme je l’ai écrit plus haut, Astérix c’est aussi une critique ou une moquerie de la société.
Le village des irréductibles gaulois est le seul qui résiste à l’envahisseur Romain. Avec la potion magique, les gaulois ne peuvent pas être vaincus par la force. Un jeune conseiller propose à César une autre méthode, les pourrir par l’argent. Il va donc acheter des ménhirs à Obélix qui va s’enrichir, créer des jalousies dans le village. C’est une critique de la société de consommation, de l’argent, et nous sommes pourtant en 1976 !
On retiendra que pour les lecteurs qui ont grandi avec Astérix, la construction d’un album c’est :
- Le dépaysement, l’humour dans un univers qu’on connaît. On veut des baffes, des sangliers, des pirates à la mer et un banquet.
- Trouver les références, ces fameux clins d’œil.
- Réfléchir un peu, analyser la bande dessinée pour trouver le message.
Sur ce dernier point, on notera que les albums réalisés seuls à la mort de Goscinny par Uderzo étaient largement moins bons pour ne pas dire mauvais. Dans Le ciel lui tombe sur la tête, Uderzo dans une bande dessinée très premier degré explique la lutte face à l’ennemi : le manga. Les gaulois aident un extra-terrestre qui ressemble à Mickey. Une façon de symboliser la médiocrité du manga qui envahit la France et de montrer que le Comics ça passe. C’est grossier, sans subtilité et sans recul, les critiques sont mauvaises. Il était temps de passer la main.
Astérix et le griffon, le goût du réchauffé.
Didier Conrad et Jean-Yves Ferri sont des poids lourds de la bande dessinée francophone, il fallait au moins ça pour reprendre le mastodonte de la bd française. Le dessin de Conrad est parfait, il s’agit d’une excellente imitation du dessin d’Uderzo. Pour le scénario, Jean-Yves Ferri est un scénariste qui fait d’habitude dans la bande dessinée absurde comme les aventures du Général de Gaulle à la plage. Il collabore avec le journal fluide glacial, bien connu dans le monde de l’humour. On serait en droit de s’attendre à quelque chose d’un peu fou, de délirant, ce n’est absolument pas le cas, désormais Astérix c’est du sérieux.
Faire une aventure d’Astérix ce n’est finalement pas si compliqué. Un voyage, des rencontres, des romains qui se font frapper, un banquet. La saveur d’un Astérix tient dans le second et le troisième niveau de lecture. Aujourd’hui Astérix c’est un niveau 1.5, très peu de références, rien à comprendre, c’est basique.
Panoramix reçoit une vision d’un de ses amis chaman Sarmates, qui va avoir des ennuis. J’ai dû faire une recherche pour savoir où se trouvaient les Sarmates, c’est compliqué. On va dire que c’est pas loin de la Russie et qu’il fait froid. Alors que la géographie et les coutumes des pays étaient exploitées par l’ancienne équipe, ici c’est anecdotique. Simplement retenir qu’il fait froid, qu’il neige et qu’il y a du brouillard. Les ennuis du chaman, c’est tout simplement des romains qui sont à la recherche du griffon, animal légendaire. César cherche toujours à redorer sa cote de popularité et voit dans cet animal merveilleux une occasion.
Évidemment, les gaulois vont donner un coup de main au peuple du Chaman où tous les personnages ressemblent à ceux du village d’Astérix. La différence c’est que ce sont les femmes les guerrières et les hommes qui gardent les enfants. Un prétexte plus qu’autre chose pour montrer qu’Astérix s’adapte à l’air du temps, mais dans les faits, ce sont toujours nos héros qui mènent l’action.
Un Astérix pour tous
Comme écrit plus haut, on est finalement sur un album particulièrement linéaire. Le chaman est capturé par les romains et Astérix et Obélix vont le délivrer. Beaucoup de pistes sont explorées mais rien de bien cohérent, ça part dans toutes les directions. L’histoire est donc très basique, je crois que le seul point que j’ai apprécié dans la bd à part le dessin toujours au top c’est le personnage de Fakenius. Il s’agit d’un légionnaire qui remet tout en question, on arrivera même à l’interrogation quant à la terre plate. C’est pour moi le genre de choses que j’aimerai retrouver dans un Astérix, quelque chose qui me parle, quelque chose d’actuel.
Finalement en baissant le niveau, on a un album grand public et compréhensible par tous. En tuant ici les notions de références ou de critique de la société, on se retrouve avec un réchauffé de ce qui fait le succès d’Astérix mais sans la saveur.
Astérix est donc un agréable divertissement, mais pas un pur plaisir. Sa sortie à proximité des fêtes de Noël en fera un cadeau sans risque à mettre au pied du sapin pour des gens de 7 à 77 ans. Il faut par contre bien comprendre que le ressenti que je peux avoir par rapport à l’album ne tient qu’à mon âge et mon passif de lecteur. Où les auteurs devraient toutefois s’interroger c’est à la pertinence pour le public plus jeune. Simplifier Astérix le rendra-t-il plus attractif pour un public qui regarde Squid Games à la télé ?
tout pareil que toi 😉
Complètement d’accord avec toi aussi, je me suis fait les mêmes réflexions, le dessin est parfait ok bon, mais dans cette BD les romains ne se prennent pas de baffe, panoramix est morveux, Astérix et Obelix en second plan et Idefix fait mumuse avec les loups. Pas de potion magique, quelques tournures de phrase qui font sourire mais ça fait cher le rictus quand même.
Le tome précédent m’avait déçu, celui-ci encore plus. Surfer sur la vague féministe écolo ça va pas faire de ce tome un numéro inoubliable, contrairement aux 20 premiers
Idem. Je trouve parfois les jeux de mots un peu poussifs.
Mais je crains que l’on pourra comparer à l’infini avec les premiers, ce ne sera jamais plus pareil.
Retenons quand même un dessin de plus en plus assuré, c’est déjà ça…
Je l’ai acheté un peu par tradition. Et là mes enfants 8 et 11 ans n’ont pas aimé (ça peut changer). Ils ont lu tous les autres, mais celui-ci ne semble pas être passé. Peut-être ça va trop dans tous les sens et ont ils eu du mal à suivre. Bref un peu le même ressenti que toi