Comprendre la situation des navigateurs Internet en 2021

Les navigateurs internet sont les logiciels qui permettent d’aller sur le web. Essayons de comprendre les enjeux derrière ce qui semble être de simples logiciels.

Des navigateurs, mais surtout un navigateur.

Un navigateur internet est un logiciel qui permet de traduire du code en ce que vous voyez à l’écran. Voici par exemple le code source de la page principale de restez-curieux. Le navigateur se charge de l’interpréter pour faire apparaître les couleurs, les images, les liens et ainsi de suite.

On pourrait penser que l’utilisateur aujourd’hui a le choix des navigateurs car on en compte plusieurs dizaines. La situation est un petit peu plus complexe que cela. Pour essayer de comprendre, nous allons nous focaliser sur l’univers PC qui est le plus simple. Le navigateur le plus utilisé au monde est Google Chrome de la société Google.

Il ne faut pas confondre la société, le moteur de recherche et le navigateur. Le moteur de recherche n’est qu’une page web comme les autres dont le but est de rechercher. Sur le principe il n’y a pas de différence entre Google le moteur de recherche et une page internet quelconque. Ce sont des sites web, le navigateur est l’outil qui permet d’y accéder.

Un navigateur pour tous les commander

C’est ici que cela commence à devenir subtil. Google Chrome est construit sur un projet qui s’appelle Chromium. Il s’agit d’un navigateur libre qui peut être modifié à loisir. Google participe au développement de Chromium et le modifie pour obtenir Google Chrome. Google Chrome n’est pas le seul à utiliser Chromium. Le navigateur Opera, Brave, ou encore Microsoft avec Edge qui désormais s’appelle Edge Chromium. C’est un cas intéressant, nous y reviendrons plus loin. Si vous avez bien suivi cela signifie que Google Chrome, Opera, Brave ou Edge Chromium sont tous constitués du même moteur.

Restons dans l’analogie avec le moteur, mais cette fois-ci du côté automobile. La Citroën C1, la Toyota Aygo ou la Peugeot 107 étaient des voitures à une époque qui étaient identiques. La différence va se situer au niveau des options, de l’habillage, etc. Mais le fond, ce qui assure le fonctionnement est exactement le même quel que soit le navigateur précédemment cité.

Trois voitures identiques, mais de marques différentes

De Edge à Edge Chromium

Revenons sur le cas de Microsoft Edge. Pendant de nombreuses années le navigateur internet de Microsoft, c’était Internet Explorer. Il s’agit d’un navigateur mal vu. Il prend beaucoup de retard sur la concurrence notamment face à Firefox. Le navigateur libre était technologiquement en avance à l’époque. On peut penser par exemple à l’introduction de la notion d’onglets.

Avec l’arrivée de Windows 10, Microsoft a décidé de tirer un trait sur Internet Explorer. Il propose le navigateur Edge. Au fil des versions, le navigateur est apparu comme peu performant, moins pratique que la concurrence basée sur Chromium. Alors que Microsoft est une des entreprises les plus puissantes du monde, développer un moteur de navigateur internet est une tâche tellement complexe que Microsoft a fait le choix d’abandonner le développement et de choisir la solution Chromium. On retiendra que réaliser et maintenir un moteur de navigateur dit moteur de rendu est un travail difficile et qui coûte particulièrement cher.

Les différents navigateurs, pas si différents.

Voici de façon très synthétique la situation des navigateurs sur ordinateur :

  • Chrome, Opera, Vivaldi, Brave et Edge sont basés sur Chromium, son moteur de rendu s’appelle Blink
  • Safari le navigateur d’Apple utilise un moteur de rendu qui s’appelle Webkit. La force d’Apple c’est de poser des problèmes à toute forme d’installation de logiciels concurrents et d’avoir des utilisateurs qui utilisent principalement les produits Apple sans regarder ailleurs. Apple est une société avec de très forts revenus ce qui lui permet de continuer l’entretien du moteur.
  • Dans l’univers PC le dernier à faire cavalier seul c’est désormais Mozilla Firefox avec son moteur de rendu Gecko.

Firefox. Cavalier seul

Le cas de Mozilla est particulier, puisqu’il s’agit d’une fondation et pas d’une entreprise même s’il y a des histoires de gros sous derrière. Il faut savoir que Firefox a pendant des années tourné à plus de 30% de part de marché à travers le monde. Aujourd’hui le navigateur est au plus mal avec moins de 7% des parts. On peut trouver de nombreuses raisons à cette baisse d’utilisation.

Le fait que Google pendant des années avait tendance à installer Chrome sur les ordinateurs si on ne faisait pas attention. On peut aussi souligner des performances parfois moins bonnes ou encore des problèmes de gestion. On peut lire les déboires de la fondation dans l’article suivant : La PDG de Mozilla se remet en question et cherche un nouveau futur pour la société.

Firefox est ce qu’on appelle un logiciel libre, c’est-à-dire un logiciel qui se veut respectueux de la vie privée. Un logiciel dont on peut lire le code. Quand les navigateurs collectent des données sur vous, Firefox lui ne collecte rien. C’est ici que se fait la grande différence entre ce navigateur et les autres, il se veut éthique.

Les liaisons dangereuses avec Google.

Firefox a pour ressources principales les dons et le partenariat avec Google qui paye pour que son moteur de recherche apparaisse en premier dans le navigateur. Ce type d’arrangement est classique dans l’industrie informatique, Apple par exemple s’il développe son navigateur Safari n’a pas de moteur de recherche, on estime que l’accord annuel entre Apple et Google pour que ce dernier soit le moteur de recherche par défaut équivaut à une somme de 8 à 12 milliards de dollars par an.

Si la somme peut paraître colossale, l’argent récupéré dans la collecte des données des utilisateurs ou dans les publicités affichées dans la recherche doit largement compenser l’investissement. Il est évident que pour Firefox la somme est largement moins importante et qu’elle risque de disparaître si Firefox continue de perdre des parts de marché.

La disparition de Firefox ce qui est une possibilité serait problématique pour deux raisons. La première est évidente, il s’agit certainement du dernier navigateur éthique. Brave s’affiche comme un navigateur respectueux de la vie privée, il a pourtant été compromis plusieurs fois dans des histoires opaques où les données des utilisateurs ont été mises à mal. La seconde raison est beaucoup plus technique. Si on fait abstraction de Safari et de son moteur de rendu qui est spécifique à l’univers Mac / iOS, la disparition de Firefox signifierait la disparition du moteur de rendu alternatif pour avoir un web qui serait uniquement sur la base de Chromium. Quel est le problème ?

Un moteur de rendu unique, c’est la fin de la diversité.

Le moteur de rendu interprète le code source d’une page pour le traduire. Il répond à des standards, à des définitions. Imaginons que le langage soit le français. Le français est une langue qui est régie par des institutions, par l’académie française et on ne peut pas décider que le mot « table » aurait un nouveau sens parce que quelqu’un a décidé qu’il aurait un autre sens.

Et pourtant, c’est ce qui se produit avec la notion de moteur de rendu. Lorsque vous êtes développeur Web, vous avez l’obligation de tenir compte de tous les moteurs de rendu. Car sur le principe, un code source devrait s’afficher exactement de la même manière quel que soit le navigateur que vous utilisez mais ce n’est pas toujours le cas car certains ne jouent pas le jeu.

La quasi-totalité des navigateurs est à base de Chromium

Avec désormais 90% des navigateurs qui sont basés sur Chromium, on peut imaginer que le développeur ne va pas trop se casser la tête pour savoir si son site internet fonctionne bien sur Firefox. De la même manière, imaginez que 90% de la population française utilise le mot chocolatine. Vous ne prendrez pas le risque de placer l’expression pain au chocolat pour vous faire comprendre. Vous allez utiliser l’expression la plus utilisée. Ce qui pose problème, c’est que derrière Chromium on a Google et que Google est une entreprise. Son but est le profit et de tirer avantage de la situation. Pour en revenir à la langue française, c’est comme imaginer que la plus grosse fortune de France décide de changer le sens de certains mots. Comme elle a plus d’argent que les autres, tout le monde l’écoute. Le nouveau sens de ces mots ira forcément à son avantage.

L’uniformisation inéluctable des navigateurs.

Ce qu’on retiendra :

  • Nous nous orientons vers une uniformisation complète des moteurs de rendu, c’est-à-dire le cœur des navigateurs internet. Cette uniformisation pose problème car les standards du Web sont définis par des organismes et ici c’est une entreprise qui risque de définir les règles.
  • L’ensemble des navigateurs sont construits principalement sur le même moteur, utilisent les mêmes extensions, ont des performances similaires. Le choix d’un navigateur en 2021 est une question de préférence mais aussi d’éthique. Firefox se démarque de l’ensemble des navigateurs avec un logiciel dont le moteur est différent et qui ne vous espionne pas. Malheureusement, le navigateur est de plus en plus en difficulté avec des parts de marché qui s’effondrent avec les années, il est difficile de miser sur son avenir.

9 Comments

  1. l’aspect Sécurité et confidentialité ( privé ) va primer de plus en plus par la suite et dans le temps

    1. Webkit qui était lui-même basé sur KHTML…
      Quant à Apple, ce n’est que sur IOS (donc les iPhones et iPads) que le moteur de Safari est monopolistique. Sur les bécanes Mac, on peut installer ce qu’on veut. D’ailleurs, j’utilise Firefox pour l’éthique (et toc), la confidentialité (possibilité très facilitée de faire passer les requêtes DNS sur HTTPS) et la sécurité (avec des plugins genre No Script). Et puis est installé également le navigateur Vivaldi basé sur Chromium, parce que Chromium…
      Ceci dit, Safari est très très rapide sur les nouvelles puces ARM à la sauce Apple, et assez sûr quant à la confidentialité.

        1. Salut,
          Sur les machines IOS (iPhone et iPad), tu peux effectivement installer tous les navigateurs que tu veux (Firefox, Chrome, Brave, etc). Mais ils auront tous ce fameux moteur de rendu en commun qu’Apple impose sur ses machines mobiles : Webkit. Autrement dit, Firefox sur iPhone n’utilisera pas son moteur Gecko, par exemple.
          Sur les PC Apple, c’est différent. Firefox sur PC Apple utilisera son moteur à lui, Gecko.
          Je ne connais pas les raisons de cette différence de traitement qu’impose Apple. J’imagine que c’était pour des raisons d’économie d’énergie et de confidentialité, particulièrement cruciales sur des machines mobiles. Mais encore une fois, je ne connais pas les raisons de cette différence.

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