Opinion : la visio, c’est faire cours les yeux bandés

Un an d’expérience fera certainement la différence.

Cela fait désormais plus d’un an que je pratique la visio. Je pense avoir suffisamment de recul pour pouvoir m’exprimer sur le sujet avec mon public, dans ma matière. Le dans ma matière, les mathématiques, c’est important de le préciser, puisque cela impose le partage d’écran. On regarde uniquement son écran sans voir les élèves.

Cela dit ce dernier point est discutable puisque d’après ce document du DANE, c’est l’élève qui choisit de partager son image et même sa voix. Partant de ce postulat, cela signifie que vous ne voyez pas vos élèves et c’est très problématique. Dans mon établissement comme dans tous ceux du CNEAP, nous utilisons Teams de Microsoft. C’est un outil à destination de l’entreprise qui ne propose pas toutes les fonctions de modération qu’on serait en droit d’attendre avec des élèves de collège. Par exemple une souplesse dans l’activation, la fermeture des micros ou même l’éviction de la visio. Oui, certains élèves ont des comportements inappropriés qu’ils n’auraient pas en salle de classe.

Teams

La visio n’est pas la solution miracle, loin de la.

  • Vous ne voyez pas le regard des élèves ni le corps. Autant d’éléments qui sont révélateurs de la compréhension, la lassitude, la motivation. Tout enseignant vous le dira, même masqué, un enfant qui ne comprend rien ça se voit. Comme un enfant qui s’ennuie d’ailleurs. Le regard perdu, avachi sur sa chaise, bâillements etc …
  • Vous ne pouvez pas contrôler ce que fait l’élève. Un élève qui fait autre chose dans une salle de classe, ça se voit. Ici l’élève peut seulement se contenter d’avoir allumé la visio et partir faire autre chose. Pour ma part la remédiation est assez simple. J’interroge au plus durant la visio, je fais l’appel de façon aléatoire. Je maintiens une stimulation permanente, la seule manière d’avoir au plus l’attention. Néanmoins, avec 25 élèves on arrive très rapidement aux limites du système. Des élèves passeront obligatoirement entre les mailles du filet.

Rajoutons à cela des points propres à ma matière

  • Malgré une grande dextérité dans la pratique des outils numériques, rien ne peut remplacer le tableau.
  • Les élèves suivent sur smartphone la plupart du temps si bien que l’écran est parfois petit.

Bien choisir les outils selon le public

Concrètement la visioconférence si elle dépanne ne permettra jamais de remplacer une salle de cours. Il me paraît aussi important de ne pas tomber dans la visio pour faire de la visio. Il faut choisir le public adapté. Avec des collégiens, il est préférable de réaliser des capsules vidéos, puis de faire des visios par petits groupes d’élèves réellement motivés pour de la correction d’exercices ou des explications plus précises.

Je pense que je réalise mes dernières visios, que la vaccination permettra de réguler la situation. Sauf si mon établissement est impacté par le virus, nous nous orienterons vers des cours de façon traditionnelle. La pandémie aura été un catalyseur pour le monde de l’éducation frileux dans les pratiques informatiques.

Néanmoins, le décrochage scolaire, les difficultés dans le monde étudiant avec le moral dans les chaussettes, les difficultés techniques, auront montré qu’il est à l’heure actuelle impossible ou presque de remplacer la bonne vieille salle de classe. On peut supposer toutefois que la prochaine étape puisque la voie est quand même ouverte, sera l’utilisation des casques de réalité virtuelle afin d’avoir une salle de classe la plus immersive possible.

Un prof en visio