Expliquer au lieu de supprimer. La cancel culture.

La cancel culture, le principe de l’éradication.

La cancel culture est un phénomène qui n’est pas si simple. À la base, c’est une volonté de dénonciation publique de pratiques d’un individu visant à le faire « disparaître ». On a vu apparaître ce mouvement durant metoo et durant d’autres mouvements de ce type. L’idée est toujours la même. Plus de personnes dénoncent un individu, plus de personnes se sentent le droit de libérer la parole. Plus, il y a de chances qu’on vous entende. Ce concept n’est pas si simple et il pose de nombreux problèmes.

Nous vivons au temps de l’instantanéité, il n’y a pas de recul, tout est dans l’émotion. Si demain un mouvement se lève contre un individu un mouvement de protestation, d’accusation, qui ira vérifier si c’est vrai ou si c’est faux ? Une accusation ne doit pas être livrée sur la place publique, une accusation nécessite une enquête, des preuves, un jugement. Nous sommes alors sur une base d’auto-justice et ce n’est pas de la justice, il y a des professionnels pour ça.

Jusqu’à essayer de se faire oublier.

Des gens sur les réseaux sociaux se posent désormais en juge. Ainsi, les gens craignent pour leur réputation, ils vont donc commencer à effacer certains de leurs propos. C’est un phénomène qui est en train de se multiplier sur Twitter. Ils procèdent à leur propre cancel culture. On peut changer d’opinion, on peut regretter ses propos, on a le droit de se tromper et de demander pardon. On peut essayer d’effacer des contenus, mais internet n’oublie rien. Il y aura toujours quelqu’un pour déterrer vos propos.

Condamner un individu sur des propos d’il y a dix ans ou même deux, c’est renier le droit à l’erreur. Personne n’est parfait, l’échec est fondamental pour progresser. C’est un élément essentiel de la construction des individus.

Les sociétés tremblent face à la cancel culture

Notre monde devient de plus en plus politiquement correct dans la communication, dans l’image. Ainsi les grandes sociétés, des familles d’artistes, vont anticiper sur une attaque. On finit par faire disparaître des contenus et c’est un véritable problème de fond.

Une entreprise comme Disney fait du dessin animé depuis les années 1930. Culturellement son histoire se déroule sur un siècle. La société évolue, les codes d’hier ne sont plus forcément les codes d’aujourd’hui. Sans évolution nous n’aurions sinon jamais quitté les grottes. Faut-il pour autant cacher le passé sous tapis ?

Ainsi, Disney s’auto-censure en allant fouiller dans son catalogue. L’exemple type, c’est la chanson des chats siamois qui a été retirée, car elle est jugée comme raciste. Accent asiatique, yeux bridés, baguettes. De la même manière, les corbeaux de Dumbo sont des voix de blanc qui imitent des accents de noirs américains caricaturaux, des corbeaux voleurs et paresseux.

Expliquer plutôt que dissimuler.

Une société qui vit dans l’obsession de son image au point de maquiller son passé, c’est une société où l’on refuse l’erreur, pire, être prêt à tout pour mystifier sa propre histoire. La cancel culture n’est pas la bonne solution, si une mise en retrait de certaines œuvres peut se comprendre, elles ne doivent en aucun cas disparaître, seulement être expliquées.

Les 101 dalmatiens et les corbeaux de Dumbo, les ennemis de la cancel culture

La peur bien sûr, c’est que l’opinion publique tente de « canceler » Disney. La marque préfère anticiper plutôt que de prendre le risque d’être une cible. Au départ, la société fait le choix de présenter un message d’avertissement pour expliquer que les représentations de cette époque ne sont plus en accord avec les opinions de la firme. Aujourd’hui. Aujourd’hui ces films ne sont plus accessibles si on n’a pas un profil adulte. Disney fait de plus en plus de reboot « live » de ces films avec de véritables acteurs pour remplacer ses animes. On peut supposer que l’idée, c’est de faire disparaitre les originaux au profit des nouvelles versions.

Mais à partir de ce moment, pourquoi ne pas aller plus loin ? Car après tout, Cendrillon qui fait le ménage en attendant le prince charmant, qu’est-ce que c’est ? Une vision réductrice de la femme, mais une vision conforme de l’époque. Une femme qui vit dans l’attente de son mari et qui fait les tâches ménagères. La majorité des princesses Disney de cette époque sont toutes taillées dans le même modèle. Il faudra attendre bien plus tard avec Mulan ou rebelle, des « princesses » indépendantes.

La cancel culture nous ferait réinventer l’histoire.

Il est impératif de laisser accessible l’art, qu’il corresponde ou non à la tendance du moment, qu’on s’y oppose ou non. Le risque avec le temps, c’est qu’on finisse par oublier ces vieux Disney. Pourtant, ils sont le reflet d’une époque, un monde sexiste, raciste, qui ne posait aucun problème. La disparition pure et simple de certains morceaux d’histoire d’une personne, d’une société serait tout simplement : réinventer l’histoire. S’imaginer une histoire parfaite homme ou entreprise, c’est un leurre. Il ne faut pas mettre la poussière sous le tapis en espérant que personne ne la trouve. Au contraire, il faut condamner ses propos, ses actes, expliquer qu’ils ne correspondent plus à ses valeurs et demander pardon.

Une société qui vit dans l’obsession de son image au point de maquiller son passé, c’est une société où l’on refuse l’erreur. Pire, être prêt à tout pour mystifier sa propre histoire. La cancel culture n’est pas la bonne solution, si une mise en retrait de certaines œuvres peut se comprendre, elles ne doivent en aucun cas disparaître, seulement être expliquées.